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Hurlements dans la nuit

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Message  Maraneïa Mer 17 Aoû 2016, 21:23

En descendant les escaliers de l'auberge, son arc en main, Maraneïa avait courbé le dos, comme si le poids de la culpabilité était trop lourd à porter pour ses frêles épaules. Mais quelle culpabilité ? Elle n'avait à priori rien à se reprocher. Rien, si ce n'est le fait qu'elle mettait probablement le worgen à rude épreuve en ne parvenant pas à surmonter ses craintes. Mais comment pouvait-elle mettre de côté les huit années de torture qu'elle avait subie pour pouvoir, un jour, éprouver un quelconque désir de relation charnelles ? En avait-elle seulement envie ? Elle-même n'en était pas certaine. A ce moment précis, elle regrettait de ne pas être quelqu'un d'autre. Une guerrière farouche qui aurait tout de même fait chavirer le cœur de l'Homme qu'elle aimait grâce à sa bestialité sensuelle. Une riche bourgeoise vertueuse, pleine de bonnes manières pour dissimuler un penchant trop prononcé pour les plaisirs de la chair.

Mais elle n'était rien de tout ça. Non. La jeune femme n'était qu'une gamine brisée, coincée dans le corps d'une adulte. Elle n'était ni bestiale, ni luxurieuse. Elle ne ressentait pas ce désir que le commun des mortels, hommes ou animaux, éprouve. Car tout être vivant ressent ce besoin de perpétuer son espèce. Mais à force de viols répétés de manière bien trop régulière, on avait brisé ce qu'elle était. Et la simple idée d'être touchée à nouveau lui donnait la nausée et provoquait des semblants de crise de panique.

Un hurlement retentit au loin. Long, puissant, majestueux, et bientôt rejoint par quelques autres. Cette mélodie lupine sortit Mara de ses pensées. Elle avait marché jusqu'à la sortie Nord de Sombre-Comté sans même s'en rendre compte. Avec un soupir, elle jeta un regard aux alentours. Elle s'approcha de l'un des géants sylvestres du Bois, et à l'aide de sa dague, matérialisa une cible sommaire mais suffisante pour son entraînement. La Lune éclairait faiblement les environs, mais cela ne découragea pas l'apprentie. Elle arma une flèche dans son nouvel arc qui lui, avait déjà bien vécu, et tira. La flèche vint se planter où elle l'espérait, arrachant un sourire satisfait à la jeune fille et chassant les pensées qui obscurcissaient son esprit. Elle recula de quelques pas, et réitéra son tir. Nouvelle victoire. Elle s'éloigna assez pour qu'elle ne parvienne pas à toucher sa cible du premier coup, et entreprit de s'entraîner avec une résolution sans faille.

Alors que ses flèches commençaient à se rapprocher de la cible, un nouveau hurlement brisa le silence nocturne des Bois. Cette fois-ci, aucun autre ne le suivit. Elle abaissa son arc, sondant les alentours du regard. Elle s'était soudain sentie en danger, comme si la mort allait fondre sur elle d'un instant à l'autre. Mais rien ne semblait la menacer dans l'immédiat. Elle posa une main sur sa poitrine alors que son cœur battait la chamade. Et sans même prendre la peine de récupérer ses flèches, elle s'enfonça dans l'ombre des arbres. Une lumière plus qu'éparse illuminait épisodiquement les environs. Mais peu lui importait. Elle devait avancer.

Elle avait de lu de nombreuses histoires à propos du Bois de la Pénombre, et des dangers que l'on pouvait y trouver. Araignées géantes, morts-vivants, loups, fantômes du passé, et même dragons corrompus. Elle savait qu'une partie de ce que racontaient les livres n'était pas simplement fait pour effrayer les enfants. Toutefois, elle n'avait pas besoin de prendre son courage à deux mains pour progresser dans cette obscurité qui, quelques semaines plus tôt, l'auraient terrorisée. Ses jambes la portaient sans qu'elle n'y puisse quoi que ce soit.

Alors qu'elle ralentissait, elle huma l'air comme jamais elle ne l'avait fait auparavant. L'odeur du sang envahit ses narines, et embruma ses sens quelques instants. Lorsqu'elle revint à elle, tapie contre un arbre, une masse dissimulée dans les ombres respirait lourdement. La lumière Lunaire se reflétait sans ses yeux d'un jaune si pâle qu'ils en paraissaient blanc sur le moment. La Chose observait fixement Mara. Un grondement menaçant s'éleva, trop ténu pour effrayer l'apprentie. Cette dernière avança d'un pas, puis d'un autre, prudemment. Sa gorge lui faisait soudainement mal, comme si on avait essayé de la lui lacérer. Tout son corps était meurtri, sans qu'elle n'en comprenne l'origine. Elle continua néanmoins à avancer. Et plus elle s'approchait, plus les douleurs étaient fortes. Elle se laissa tomber à terre, mais s'obstina à avancer vers la masse sombre, achevant les derniers mètres en rampant. La mare de sang qui entourait l'animal ne présageait rien de bon, mais elle s'y traîna sans rechigner. Et quand, enfin, elle ne fut qu'à un souffle de lui, elle s'arrêta. Son regard plongé dans celui du loup, elle s'évanouit brusquement.

*
*   *

La meute était réunie autour de la carcasse d'un cerf fraîchement tué et consommé. Le mâle Alpha était repu. La chasse avait été bonne, ces derniers temps, et chacun mangeait à sa faim. Les louveteaux du mois dernier étaient blottis contre la femelle dominante, qui observait fixement dans la direction d'un jeune adulte au pelage argenté et aux yeux bien plus clairs que le reste de la meute. Bien souvent, elle avait montré de l'intérêt pour ce puissant chasseur qui dépassait en taille et en ingéniosité tous ses congénères, et il n'avait pas manqué de le remarquer. Elle avait fait naître en lui un désir grandissant, qu'éprouve tout être vivant. Mais les règles d'une meute son claires, et il savait qu'il ne désobéirait pas. Il ne profiterait pas de l'inattention du vieil Alpha pour copuler avec sa femelle. Non. Il avait d'autres aspirations. C'est pourquoi il saisit sa chance et s'approcha du vieux loup noir qui commandait la meute. Le jeune argenté émit un son aigu, comme un gémissement, qui prit de l'ampleur à mesure qu'il approchait du noir. Tous connaissaient la signification de cette attitude.

L'Alpha se leva lestement. Il était moins grand que l'argenté, mais tout aussi imposant. Son épais pelage charbonné se hérissa, formant une crête sur son dos. Les deux bêtes, babines retroussées, s'étaient mises à gronder et ne se lâchaient plus du regard. Le jeune loup fut le premier à bondir, tous crocs dehors. Le vieux était expérimenté et ne fut aucunement surpris de l'attaque. Il l'esquiva avec aisance, avant de mordre son assaillant à la cuisse. Un peu plus loin, un Omega poussa un long hurlement, rapidement suivi par le reste de la meute.

Poussé par l'adrénaline et la rage, l'argenté se retourna vivement pour planter ses crocs dans la joue du vieux mâle, qui laissa échapper un jappement, ne manquant pas de surprendre l'attaquant. Ce dernier lâcha prise, et le noir en profita pour lui bondir dessus, mordant juste sous la nuque. Le jeune loup roula immédiatement à terre pour se débarrasser de l'autre, qui enchaîna sur une morsure à la patte. Malgré la différence de gabarit, le vieux était bien plus expérimenté. Il prit rapidement l'avantage et ne semblait pas enclin à accorder une mort rapide à son cadet. Quand le plus jeune cessa de se défendre, conscient que la Mort allait l'emporter bientôt, la femelle Alpha sauta sur son compagnon, l'envoyant bouler plus loin. Lorsqu'il voulut revenir à l'assaut, elle l'empêcha de blesser d'avantage le jeune loup trop sûr de lui. Elle avait décidé, ce soir là, de changer les règles de la meute. Après un long moment où le couple Alpha se dévisageait mutuellement, en silence, le mâle poussa un hurlement puissant, qu'aucun n'osa reprendre. Et sans plus de considération pour l'argenté agonisant, ils se fondirent dans les ombres et s'éloignèrent, le laissant mourir comme il était arrivé dans leur meute : seul, abandonné de tous.

L'espoir l'avait quitté et il n'était plus que rage et désespoir, jusqu'au moment où son cœur s'était mis à battre si fort qu'il croyait qu'il allait exploser. Ses blessures semblèrent un peu moins douloureuses, subitement, et il s'était traîné au sol sur quelques mètres, avant d'abandonner. Il s'était blotti contre un arbre, et avait attendu, transi de froid. L'espoir l'abandonnait à nouveau quand il vit une silhouette avancer près de lui. L'ombre difforme regardait dans sa direction de ses yeux sombres. Il tenta d'émettre un grondement menaçant, mais la Chose qui l'observait ne semblait pas en être effrayée. A mesure qu'elle approchait, il sentait son cœur battre de plus en plus fort, et son corps se réchauffer.

*
*   *

La jeune fille se réveilla en sursaut quand, dans son rêve, le faible éclat de l'Astre nocturne éclaira son propre visage s'approchant du loup qu'elle pensait être. La bête avait eu le même sursaut qu'elle. Mutuellement, ils se dévisagèrent.  Et elle comprit. Ne connaissant pourtant pas la région, elle savait que la rivière n'était pas loin. Elle défit sa cape, la posa à terre et poussa le loup dessus. Une fois fait, elle le traîna derrière elle jusqu'au bord de l'eau. Déchirant quelques lambeaux de tissus, elle nettoya les plaies sanguinolentes de l'argenté et pansa celles qui pouvaient être pansées. Ressentant le froid qu'il éprouvait à cause de l'importante quantité de sang qu'il avait perdu, elle se blottit contre lui pour partager la chaleur de son corps frêle. Tous deux sombrèrent rapidement dans un sommeil profond, où l'un visitait les souvenirs de l'autre et inversement à tour de rôle, par un procédé qu'eux-même ne comprenaient pas.
Maraneïa
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Message  Maraneïa Jeu 18 Aoû 2016, 12:20

Le Soleil était presque à son zénith quand humaine et loup ouvrirent les yeux. Instinctivement, ils s'éloignèrent l'un de l'autre. Non pas par crainte d'une attaque de l'autre, mais plutôt par étonnement. Ni l'un, ni l'autre, ne savait ce qui s'était produit cette nuit là, ni pourquoi c'était arrivé. Leurs esprits avaient vagabondé dans les souvenirs de l'autre, dévoilant toute leur histoire, toutes leurs craintes, chacune de leur pensée. Et à présent, ils avaient du mal à dire qui ils étaient. Le loup se sentait trop humain, et l'humaine trop louve. Leurs pensées étaient entremêlées si étroitement que chacun se sentait privé de toute intimité.

Ils s'observèrent longuement en tentant de savoir quel corps leur appartenait. Après de longues minutes, ils parvinrent à démêler les nœuds de leurs esprits, et chacun sembla réintégrer sa propre enveloppe physique. La perte des sens aiguisés du loup troubla Maraneïa, si bien qu'elle dut rester assise encore un moment. Elle avait l'impression d'être à demi aveugle, et de ne plus avoir d'odorat. Peu à peu, elle se réhabitua à la médiocrité de son corps. Malgré la matinée qu'ils avaient passé à dormir, elle était épuisée. Toutefois, elle ne pouvait pas s'allonger à nouveau pour dormir un peu plus. Elle devait soigner le prédateur blessé qui gisait à côté d'elle.

Mara se leva lentement pour observer les alentours. Elle n'avait aucune idée du chemin à emprunter pour retourner à Sombre-Comté. Comme s'il surveillait ses pensées, le loup sembla lui indiquer une direction à prendre. Elle l'aida à se lever, un peu trop brusquement, ce qui lui valut un coup de croc sur la joue. Elle fronça les sourcils mais ne riposta pas. Ensemble, ils se mirent en route, à pas si lents qu'une limace les aurait probablement distancés en quelques secondes. De temps à autres, l'argenté retombait lourdement à terre. Alors, la jeune fille s'arrêtait et attendait qu'il eut repris des forces. Quand il lui donnait son accord, elle le soulevait délicatement et ils repartaient.

A cette allure, ils n'arrivèrent à Sombre-Comté que deux heures plus tard. Les gardes lancèrent des regards noirs à l'étrange duo alors qu'ils progressaient dans la bourgade, mais personne ne les arrêta. Des vagues de panique assaillaient l'apprentie à mesure qu'ils avançaient. Le loup craignait cet endroit ainsi que ses habitants, et il ne parvenait pas à refréner sa peur. Lorsqu'enfin, ils s'arrêtèrent devant les écuries, l'odeur du sang et de la bête provoqua une certaine agitation chez les équidés. Le maître des écuries sortit de la stalle où il sellait un coursier et toisa durement les deux compères. La jeune fille soutint son regard, et le visage de l'homme s'adoucit.

"Emmène le jusqu'au dernier boxe vide, au fond. Je vais chercher le nécéssaire."

Elle hocha la tête en bredouillant un "merci", et suivit les instructions. Le grand loup s'étendit dans la paille. Le grand gaillard revint avec son matériel de soin. Ensemble, Mara et lui soignèrent la bête soudainement devenue docile, nettoyant et pensant ses plaies minutieusement. Une fois le travail terminé, le loup s'endormit. Il fut recouvert d'une couverture épaisse, et une sensation de gratitude envahit l'esprit de l'apprentie. L'homme les observa l'un et l'autre, impassible. Il se leva et quitta le boxe. Elle le suivit après quelques secondes. Il retourna à ses affaires et refusa la poignée de pièces qu'elle lui tendit en secouant la tête.

"Garde ça pour toi, gamine. Je suis assez bien payé ici pour ne pas avoir besoin de ce qui te servira à te nourrir quelques jours. Considère juste que ton loup et toi, vous me devez un service."

Elle le remercia sobrement et s'éloigna, prenant la direction de l'auberge, empestant le loup et le sang séché.


Dernière édition par Maraneïa le Mer 07 Sep 2016, 17:10, édité 1 fois
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Message  Maraneïa Ven 19 Aoû 2016, 11:20

Maraneïa ne connaissait pas la sensation que procure un rêve agréable. Du moins, elle ne s'en souvenait pas. Depuis qu'elle s'était échappée, elle revoyait chaque soir son père revenir dans ses songes pour se servir d'elle comme un simple objet. Elle se réveillait en panique, hurlant parfois, de peur et de rage. Angron lui avait cédé un talisman qui éloignait ces cauchemars, et dès lors, à chacun de ses réveils, elle avait l'impression de ne pas avoir rêvé. C'était reposant, et elle s'en contentait bien. Ce soir là, allongée dans la paille fraîche du boxe, elle s'était endormie en observant le Loup, et elle avait rêvé.

Elle courait dans les bois sombres. L'excitation la poussait en avant. Ses muscles puissants la propulsaient à une vitesse qu'elle n'avait jamais atteinte auparavant. Son épais pelage argenté ondulait au gré du vent et reflétait le pâle éclat de la Lune lorsqu'elle sortait du couvert des arbres. Le chevreuil qu'elle traquait s'épuisait peu à peu, pour son plus grand plaisir. Elle lui laissait une petite longueur d'avance pour lui donner l'espoir qu'il menait la danse, mais elle le dirigeait droit dans la gueule du Loup. Littéralement. Le reste de la meute attendait, disposé en arc de cercle, que leur proie soit à portée. Quand elle arriva enfin, ils sortirent des ombres comme un seul être et bondirent sur l'animal terrorisé. Ce fut une petite femelle au pelage brun de forêt qui planta ses crocs dans la gorge du cervidé et qui acheva la chasse. Tous jappèrent avec envie alors que le sang épais et chaud s'écoula, le vidant de toute son énergie et le guidant vers la Mort.

Mara approcha et, jetant un regard à chacun de ses compagnons, hurla longtemps pour remercier la Vie du présent qu'elle faisait à sa Meute. Lorsque le silence régna à nouveau sur les Bois, elle prit la première bouchée. Enivrée par l'odeur du sang, elle déchira peau et chair avec délice. Elle sentit les petits os craquer sous l'action de sa mâchoire puissante, le sang tapisser sa langue. Lorsqu'elle eut prélevé sa part, elle recula. Le reste de la meute avait l'autorisation de se nourrir à son tour, par ordre hiérarchique. Elle s'allongea sur un rocher surplombant les environs, surveillant d'un œil bienveillant sa famille, se léchant les babines pour en prélever la moindre goutte de sang oubliée.

A son réveil, elle sentait encore le goût du sang dans sa bouche. Son corps, autrefois crispé de peur chaque matin, était parfaitement détendu. Le prédateur argenté l'observait fixement. Elle comprit que ce rêve n'était pas le sien, mais celui du loup. Ce n'était pas un souvenir, mais un désir profond. Un sourire étira ses lèvres fines tandis qu'elle s'asseyait contre le mur en bois. Il restait allongé sur le ventre, la tête posée sur les pattes avant. Lorsqu'elle tenta d'approcher une main pour le caresser, il n'eut pas besoin de grogner pour qu'elle arrête son geste. Une vague de mécontentement lui avait fait comprendre qu'il n'était pas la peluche qu'elle s'imaginait. Troublée, elle reposa lentement sa main sur sa cuisse. Rogal aimait pourtant le contact.

Je ne suis pas Rogal.

Ce n'était pas une voix qu'elle avait entendu ou qui avait résonné dans sa tête. C'était un message formulé avec le cœur et l'esprit. Qui n'avait rien à voir avec le langage et les mots employés par les humains. C'était une forme de communication bestiale, complexe et simple à la fois.

"Et qui es-tu ?" demanda-t-elle bêtement, à voix haute.

Le loup la fixait toujours, immobile, silencieux. Ses grands yeux pâles captivaient la jeune fille, comme deux Lunes perdues dans une rivière argentée. A nouveau, nul besoin de mots pour qu'elle comprenne. Le message fit vibrer son âme si fort qu'elle en trembla légèrement, et c'est avec un sourire béat qu'elle le transcrit dans son langage, dans un murmure.

"Kerrog."

Il agita les oreilles, appréciant la sonorité de ce nom qui n'avait jamais été prononcé. Il semblait satisfait. Il fixa encore Mara quelques secondes, puis ferma les yeux. Alors qu'il se laissait aller au sommeil, il ne parvint plus à garder pour lui la douleur qui fracassait son corps et son esprit. L'apprentie fut submergée par le flot des élancements que supportait son nouveau compagnon à cause de ses plaies. L'argenté parût un peu soulagé. Elle inspira longuement, et malgré le Soleil qui inondait déjà de sa lumière chaude les écuries, elle s'allongea à nouveau, veillant silencieusement sur le prédateur blessé.
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Message  Maraneïa Dim 21 Aoû 2016, 21:18

Il était encore tôt lorsque l'apprentie quitta son Maître, suivie du grand loup blessé. Ce dernier avait repris quelques forces au fil des jours et des soins mais n'était toujours pas capable de chasser par lui-même. Lorsqu'elle ne combattait pas la Légion aux côtés d'Angron, Maraneïa s'occupait de récolter assez de proies pour satisfaire l'appétit du prédateur. C'était un bon entraînement, car elle n'avait pas l'habitude des petites cibles très rapides. Elle progressait ainsi, guidée par le loup pour débusquer lapins et daims.

L'animal et la jeune femme sortirent de la bourgade. L'humaine trépignait d'impatience, influencée par les désirs du loup, qui s'en réjouissait bien. Il avait beau se moquer d'elle lorsqu'elle commençait à paniquer face aux démons, il commençait à apprécier sa serviabilité. Elle semblait prête à tout pour le remettre sur pattes, sans se douter qu'il s'en irait dès lors qu'il serait à nouveau autonome. Et il se gardait bien de le lui faire comprendre. Il s'allongea contre le tronc de l'un des géants de la forêt, et la transperça de son regard pâle.

Va, jeune bipède, la chasse doit commencer.

Et sans plus attendre, elle s'élança avec délice. La chasse procurait en elle un sentiment nouveau. Elle n'était plus la proie, mais le prédateur. Elle se sentait forte, pour la première fois de sa vie. Et c'était une sensation des plus appréciables. Avoir le privilège de ne pas simplement subir, d'être acteur de sa vie, et de ne pas simplement obéir aux ordres qu'on lui donnait sans explications. Lorsqu'elle se trouva assez loin de Sombre-Comté, elle s'immobilisé contre un tronc. Son regard s'était accommodé à l'obscurité environnante. L'argenté sonda les alentours à travers les sens de la jeune fille. Toujours par cette communication primale dénuée de mots, il lui indiqua un buisson qui remuait faiblement. Elle encocha une flèche, et attendit avec la patience du chasseur.

Après quelques minutes, un museau suivi d'une paire de longues oreilles pointèrent hors du buisson, guettant un éventuel danger. Tout était calme, et l'absence de mouvements ou de bruits mit en confiance le léporidé qui s'aventura hors de sa cachette. Mara ne se fit pas prier. La flèche siffla dans l'air et vint se planter dans la cuisse du lapin qui poussa un gémissement aigu. L'excitation poussa l'archère à glousser de joie face au repas qui l'attendait. Elle se rua sur l'animal incapable de se déplacer et l'égorgea rapidement à l'aide de l'une des dagues qui pendait à sa ceinture. Ce faisant, elle le remercia et le déposa sur une branche basse, hors de portée d'un éventuel prédateur. Elle mémorisa l'endroit, et s'éloigna pour continuer sa sanglante récolte.

L'astre nocturne était haut dans le ciel lorsque Kerrog décida qu'elle avait amassé assez de provisions. Elle refit le chemin parcouru en sens inverse, récupérant la demi-douzaine de lapins, écureuils et souris qu'elle avait tués avant de rejoindre le loup. Il resta allongé à son approche. Une petite trouée dans la cime des arbres le baignait de lumière lunaire, donnant à l'Argenté un aspect éthéré. L'apprentie contempla cette vision onirique en s'immobilisant, un sourire béat aux lèvres. Son armure de cuir et d'os était couverte du sang de ses victimes et attisa l'appétit de son compagnon. Ce dernier émit un bref grondement qui la ramena à la réalité, et elle s'empressa de déposer ses prises face au prédateur.

"J'espère que c'est assez pour ce soir. S'il t'en faut plus, je peux y retourner..." suggéra-t-elle à voix basse.

Elle n'arrivait pas encore à communiquer comme il le faisait sans traduire ses pensées dans sa langue. Sa voix fluette était presque inaudible, mais elle devait prononcer les mots pour réussir à faire passer le message. Le loup lui adressa un regard méprisant, et elle sentit son cœur se fendre comme sous le coup d'une hache. Il gronda de mécontentement, assailli par la vague de tristesse qu'il avait provoquée, et poussa du museau l'un des lapins qu'elle lui avait apporté.

C'est bien assez pour nous deux, petite humaine. Mange. Chasser donne faim.

Elle baissa les yeux vers le corps sans vie du petit animal, avant de gratifier son compagnon d'un sourire plein de gratitude. Elle s'éloigna pour ramasser des branches mortes aux alentours et alluma un petit feu. Pendant que le bois s'enflammait, elle dépeça sa proie avec soin. Elle fit rôtir l'animal au dessus du feu et débuta son repas bien longtemps après que le loup ait terminé le sien. Ce dernier scrutait le moindre geste de la jeune femme, et de temps à autres, Mara se voyait par les yeux du prédateur tenir le lapin au dessus du feu à l'aide d'un bâton. Elle prenait goût à ces moments où son esprit et celui du loup s'entremêlaient. Elle aurait aimé savoir maîtriser ces échanges.

La bête, elle, n'aimait pas particulièrement se retrouver dans le corps pataud aux sens émoussés de l'humaine. Mais une certaine forme d'attachement commençait à poindre au fin fond de son cœur pour petit être brisé qui était prêt à  tout pour lui sauver la vie. Il pensait mener la danse, mais il ne pouvait contrôler ses sentiments aussi bien qu'il le pensait. La déférence qu'elle lui portait, le regard admiratif qu'elle posait sur lui, tous les actes de l'apprentie montrait à quel point elle aurait voulu être un loup et faire partie d'une meute. Elle n'était qu'un louveteau égaré et malmené par la vie, après tout.

Quand elle eut terminé son repas, elle se défit de sa cape et recouvrit le loup qui ne broncha pas. Son corps blessé avait besoin de chaleur pour récupérer. Elle s'allongea quelques pas plus loin et se servit de son bras en guise d'oreiller. Son regard noisette ne quittait pas Kerrog, comme si elle n'attendait qu'une chose. Il était prêt à le lui accorder. Il guida l'esprit de la jeune femme jusqu'à lui, ferma les yeux. Du plus profond de son être, le hurlement sortit, majestueux, clair, limpide. La joie qu'elle ressentit amusa la bête, et lorsque Mara retourna à son corps, un sourire enfantin ornait ses lèvres pâles. Elle ferma les yeux, et rêva de la meute prospère qu'il espérait guider un jour. Lui, en revanche, resta éveillé le temps qu'elle se repose. Ils montèrent ainsi la garde alternativement, partageant les rêves de l'un et de l'autre.

Le lendemain, l'apprentie ne se présenta pas à l'auberge comme Angron le lui avait demandé. Peu à peu, elle commençait à se perdre dans le Loup, malgré les avertissements du Worgen, et l'Argenté ne considérait pas son entraînement comme une priorité.
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Message  Maraneïa Jeu 25 Aoû 2016, 13:30

Kerrog était ravi. La jeune fille dormait paisiblement contre un arbre, baignant dans un rayon de Soleil qui filtrait au travers de l'épais feuillage des arbres. Elle avait chassé une bonne partie de la nuit, mangé à sa faim, et maintenant, elle se reposait. Peu à peu, il ferait d'elle une vraie louve. Son regard argenté jaugeait Mara. Il y a peu, elle avait été maigrichonne. Désormais, les muscles commençaient à se dessiner sur sa silhouette. Son armure de cuir et d'os lui allait plutôt bien, quoi qu'encore un peu large, et lui donnait un air de sauvageonne. S'il avait pu sourire, il l'aurait fait. Il se détourna de l'humaine pour aller s'installer plus loin, sur un rocher. Assis là, il balaya les environs du regard, humant l'air. Le fumet qu'il sentit, au loin, le contraria. Le Worgen était tenace.

Il se releva et, malgré ses blessures, se campa sur ses quatre pattes, oreilles rabattues, babines retroussées. Angron et Rogal ne furent nullement effrayés et s'approchèrent tout de même. Le loup était prêt à bondir quand Maraneïa émergea du rêve dans lequel il l'avait guidée et reconnut la voix d'Angron. Elle s'approcha et le loup, vexé et déçu d'avoir raté son coup, s'éloigna pour aller s'allonger plus loin. Les deux bipèdes décidèrent de retourner au front, à la Marche de l'Ouest. L'archère supplia l'Argenté de l'accompagner, au moins pour qu'elle continue à soigner ses plaies, et ce fut avec réticence qu'il accepta. En chemin, la conversation tourna autour de l'intégration de Kerrog à la meute, chose qu'il refusa si catégoriquement que Mara n'eut d'autre choix que d'exprimer son dégoût à sa place. A la lisière de la forêt, Kerrog refusa toutefois d'avancer d'avantage.

Avec un pincement au cœur, l'apprentie suivit son Maître jusqu'à la Colline des Sentinelles sans un regard en arrière. Dans l'attente de la prochaine attaque, ils se reposèrent. Angron dormait tandis qu'elle contemplait les flammes qui léchaient le dos du pourceau qui cuisait lentement. Elle était tourmentée. Le loup voulait sa propre meute, et il comptait sur elle pour en faire partie. Mais une louve ne peut pas avoir deux meutes. Le Worgen lui laissait le choix, et il lui avait dit qu'il ne la retiendrait pas si elle souhaitait s'en aller. Mais elle ne voulait quitter ni l'un, ni l'autre. Chacun lui apportait beaucoup. Ils la rendaient plus puissante qu'elle ne l'avait jamais été, plus sûre d'elle. Et même si elle tremblait encore quand le chaos provoqué par la Légion s'éveillait, elle était résolue à se battre jusqu'à ce qu'Azeroth soit en sécurité.

Avec un soupir, elle se leva et marcha dans le camp. Les blessés étaient entassés les uns à côté des autres. Même alors que le dernier assaut datait de quelques heures, l'odeur de souffre et de chair carbonisée envahissait les environs. La plupart des fermes étaient réduites en un tas de poussière. La chaleur était étouffante. On avait abandonné l'idée de nettoyer les traces de sang au sol et sur les murs. C'était une perte d'énergie et de ressources bien inutile quand on savait qu'il faudrait recommencer à peine quelques heures plus tard. Alors que, par l'une des grandes portes, elle observait l'extérieur du camp, loin derrière elle, un bruit sourd retentit. Chaque combattant savait à présent ce qu'il signifiait. C'était le premier infernal qui serait bientôt suivi par des centaines d'autres démons. En hâte, elle retourna auprès de son Maître et de Rogal et, ensemble, ils combattirent une fois de plus la Légion.

Mais cette fois-ci, elle ne trembla pas une seule fois. A chaque fois qu'elle commençait à douter d'elle-même, le Loup la rappelait à l'ordre. Il n'était pas à côté d'elle, mais il la surveillait. Il la guidait, exactement de la même manière que lorsqu'il la faisait chasser. Sa présence rassurait l'archère et la rendait beaucoup plus efficace. Tandis qu'il la guidait, le loup aurait pu, à plusieurs reprises, lui faire viser le Worgen qui se battait à ses côtés. Mais lui-même, de son côté, avait cogité. Les bipèdes mettaient tout en oeuvre pour sauver Azeroth des envahisseurs, qui n'hésiteraient pas un instant à le massacrer lui aussi. Le combat qu'il considérait comme futile était devenu essentiel à ses yeux, sans qu'il se rende compte que sa pensée avait été influencée par celle de la jeune femme. Car il en était ainsi, et Angron l'avait dit : l'humain devient plus bestial, mais le loup devient également plus humain, lorsqu'un lien se créé entre deux êtres. Et malgré les réticences du prédateur à l'accepter, c'était devenu une évidence.

Longtemps après, lorsque le dernier démon fut repoussé, Mara était exténuée. Elle se traîna douloureusement vers les dortoirs bondés et, avec un grondement agacé, elle s'éloigna pour aller s'allonger contre un arbre, son arc à portée de main. Elle ne tarda pas à sombrer dans un sommeil profond, dans lequel elle voyagea aux travers des yeux du loup. Les terres calcinées de la Marche défilaient autour de lui alors qu'il progressait à pas lent et quand, enfin, les portes du camp apparurent, elle sourit sans s'éveiller. Il avait décidé de la rejoindre. Il s'allongea à quelques mètres d'elle et elle se vit, couverte de sang et de poussière, recroquevillée sur elle-même. Elle réintégra son corps avec un sursaut et lorsqu'elle ouvrit les yeux, le regard jaune pâle de l'Argenté était rivé sur elle.

Dors. Je veille.

Le message du loup était accompagné d'une vague de sympathie apaisante. Il avait abandonné l'idée de l'utiliser comme un outil. Elle était devenue son amie. Ils le comprirent au même moment et s'observèrent mutuellement encore quelques minutes avant que l'apprentie ne retombe dans son sommeil de plomb, cette fois dénué de tout rêve.
Maraneïa
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Hurlements dans la nuit Empty Re: Hurlements dans la nuit

Message  Maraneïa Dim 28 Aoû 2016, 11:30

Après des jours entiers à combattre la Légion sans relâche, Maraneïa et Kerrog étaient épuisés. Sans trop comprendre comment elle faisait pour être toujours envie dans le chaos ambiant, elle ne reculait toutefois pas devant les affrontements. Chacun se devait de faire ce qu'il pouvait pour essayer de sauver Azeroth. Elle n'était qu'une goutte dans l'océan, mais au moins, elle se sentait utile. Toutefois, la dernière bataille avait été rude. Elle avait manqué plusieurs fois de se faire dévorer les mollets par des gangrechiens qui arrivaient à se faufiler en dehors des rangs pour attaquer les archers et autres attaquants à distance. Fort heureusement, l'Argenté veillait sur elle. Il n'hésitait pas à sauter à la gorge des démons qui arrivaient jusqu'à l'apprentie. Une blessure arrivait à l'un ou l'autre de temps en temps, mais toujours superficielle et sans grande incidence, fort heureusement.

Mais ce jour-là, lorsqu'elle baissa son arc et que le dernier démon fut tué, la jeune femme sentit que toutes ses forces l'avaient abandonnée. Elle était vidée. A pas lent, elle se traîna à travers le camp dévasté pour rejoindre Angron qui s'était battu un peu plus loin. Elle réussit à le convaincre d'aller prendre un ou deux jours de repos à la Cité pour retrouver une plus grand efficacité au combat par la suite. Ils se mirent donc en route pour Hurlevent, leur marche étant rythmée par l'une des histoires de loup qu'elle avait lu quand elle était enfant.

Arrivés au porte de la cité, ils se séparèrent. Kerrog avait faim, et elle aussi. Elle devait aller chasser. Alors qu'elle s'éloignait de Hurlevent, un jeune garde s'empressa de la rejoindre pour lui assurer qu'il allait la protéger. Il affirmait que le Roi en personne lui avait confié cette mission. Elle lui expliqua gentiment que le Roi ne la connaissait même pas et que c'était très probablement un mauvais tour de ses camarades. Penaud, il repartit en s'excusant platement, décidé à se venger au plus vite. Et quand elle fut enfin seule avec son loup, elle se posta dans un arbre et attendit sagement. Le prédateur, lui, s'élança vivement dans la forêt. Après une dizaine de minutes, le loup la prévint que deux lapins arrivaient dans sa direction. Elle arma son arc et, quand elle vit passer les deux léporidés, elle décocha. Son tir transperça l'abdomen du plus petit. Elle se hâta de décocher une seconde flèche mais rata l'autre cible, qui dévia sa trajectoire au dernier moment. Le loup profita de l'attention détournée de la proie pour bondir. Le geste était d'une précision mortelle, et il attrapa le lapin en retombant presque gracieusement. Les deux chasseurs se félicitèrent et dévorèrent leur proie, chacun à sa manière.

Lorsque la nuit tomba sur le Royaume, Mara se mit en route pour la Cité. Elle avait encore quelques affaires à régler dans son ancienne demeure. Kerrog n'avait pas souhaité l'accompagner, et elle ne lui en voulait pas. Un loup n'a pas sa place en ville. Elle se rendit sans détour jusqu'à la petite boutique de la famille Ornel, modeste local où son père vendait des tapisseries. Les pièces du dessus étaient les appartements où le reste de la famille avait vécu. Fut un temps, elle aussi y avait sa place. Mais les huit dernières années, elle avait été reléguée à la cave et n'en sortait que très occasionnellement, vêtue d'une épaisse robe qui camouflait sa maigreur et les traces de coup, quand il fallait faire bonne figure auprès d'un client.

Elle resta un temps immobile devant la porte. Un écriteau signalait que la famille était en voyage et que la boutique ne rouvrirait pas avant un moment. Elle eut un sourire satisfait. Son père avait vu juste, au détail près qu'on ne revient pas de la Mort, à moins de croiser un nécromancien, une Val'Kyr, ou des chariots de peste Réprouvée, et Mara était certaine que les cadavres de sa famille ne croiseraient rien de tout de ça.

Lors de sa dernière visite, elle avait récupéré une clé. C'était tout de même moins contraignant de passer par la porte que d'avoir à casser une fenêtre à la rafistoler grossièrement par la suite. Elle fit tourner la clé dans la serrure et poussa la porte. Sa main tremblait légèrement malgré l'assurance qu'elle pensait avoir vis-à-vis de ses craintes.

Tu ne risques rien. Ils sont morts. Les charognards et les vers ont déjà dû disséminer leurs corps et les réduire à néant.

L'apprentie eut un sourire. Le loup était avec elle. Elle n'était pas seule. Elle ne tremblait plus lorsqu'elle entra, refermant doucement la porte derrière elle. Une forte odeur de poussière et de renfermé imprégnait les environs. La boutique était à peine éclairée par la faible lueur de la Lune. La jeune femme ne s'attarda pas en bas. Elle se dirigea vers les escaliers qu'elle monta lentement pour éviter le grincement du vieux bois. Une fois à l'étage, elle se dirigea vers le bureau de son père. Le reste n'avait plus rien à offrir : elle avait déjà emporté tous les objets de valeur pour s'acheter son armure. Elle se laissa lourdement tomber sur l'imposante chaise en bois, et contempla ainsi la pièce baignée dans l'obscurité. Lorsque son regard se fut accommodé au faible éclairage, elle se mit à la recherche de ce qui l'avait poussée à revenir. Elle passa en revue tous les vélins qui se trouvaient sur le bureau et dans les tiroirs. Mais rien. Elle laissa échapper un grognement de mécontentement jusqu'à ce que l'évidence lui saute aux yeux. Elle avait, un jour, entendu sa mère hurler qu'elle brûlerait ce "maudit portrait". Il avait dû le mettre en sûreté. Et quel endroit plus sûr que celui où personne n'est autorisé à sa rendre ?

Le loup, qui suivait chacune des actions de son humaine, ressentit la peur intense de la jeune fille. Elle ne parviendrait pas à descendre. Alors, il prit le contrôle. Il la relégua doucement au rang de spectatrice et guida ses pas jusqu'à l'endroit où elle avait été retenue, prenant soin de s'emparer d'une bougie et de l'allumer auparavant. Il avait bien fait, car dans le sous-sol, aucune lumière ne filtrait. Il parcourut la pièce qui avait traumatisé son amie par ses yeux, et n'en ressentit que du dégoût. Il savait les tortures qu'elle avait enduré dans cet endroit, et il aurait voulu être à ses côtés quand son tortionnaire avait été exécuté, pour avoir le plaisir de planter lui-même ses crocs dans la gorge de l'immonde petit homme aux cheveux jaunes.

Au fil des années que Maraneïa avait passées enfermée, l'endroit avait été de mieux en mieux aménagé. Un lit moelleux avait été apporté, quelques petits meubles de rangement, et de quoi aménager un salon sommaire. Dans un coin de la pièce subsistaient les cordes qui avaient servies à l'attacher, hors de portée de tout ce confort. Quelques traces de sang n'avaient pas été nettoyées à temps et marqueraient à jamais le fin tapis qui lui servait de couche quand son père n'avait pas décidé d'abuser d'elle. A la vue de cette mise en scène malsaine, une vague de terreur avait brièvement déstabilisé le loup. Il gronda pour reprendre une contenance, et força la jeune fille à avancer vers la petite commode la plus éloignée de "son" coin. Ensemble, ils cherchèrent le fameux portrait.

Ils le trouvèrent au bout d'une bonne demi heure de recherches. C'était une petite toile, de la taille d'une feuille de papier. L'observant à la lueur de la bougie, ils étaient perplexes, l'un et l'autre. La femme qui était représentée ressemblait comme deux gouttes d'eau à Mara, si ce n'est qu'elle avait les yeux verts et qu'elle semblait plus vieille d'une dizaine d'années. Vêtue d'une opulente robe à la teinte dorée qui faisait ressortir sa peau hâlée, le modèle affichait un sourire empreint de joie. Son regard débordant de sympathie était dirigé vers le ciel. Le peintre était talentueux. Chaque détail était représenté avec beaucoup de soin. L'apprentie tourna les talons, la toile en mains, mais le loup l'arrêta.

Cherche encore. Il doit y avoir d'autres choses intéressantes pour toi.

La jeune fille obéit sans broncher. Pendant encore une heure, elle fouina. Kerrog avait eu raison de lui conseiller de rester, car sous une pile de factures quelques peu frauduleuses, elle tomba sur trois livres à la couverture épaisse. Des lettres froissées étaient glissées ici et là, entre les pages. Les premières lignes du premier tome lui suffirent à comprendre qu'il s'agissait de trois volumes du journal intime de son père. Les dates remontaient à une vingtaine d'années auparavant, soit peu de temps avant la naissance de Mara. Cette dernière fourra les trois bouquins dans son sac et, avec l'accord du loup, remonta l'escalier hâtivement. Une fois sortie de la cave, elle s'autorisa une grande inspiration de soulagement. Elle avait ce qu'elle était venue chercher.

Plus calmement, elle sortit et referma soigneusement la porte derrière elle. D'un pas fatigué, le portrait en main, elle déambula dans les rues jusqu'aux Portes de la Cité. Son loup apparut au loin, et elle le rejoignit sans attendre. Il la mena jusqu'à un coin tranquille et s'allongea sur un rocher, un peu en hauteur. Il posa les yeux sur elle tandis qu'elle s'allongeait dans l'herbe en lui assurant qu'il veillerait cette nuit. Elle ne dit rien et, les yeux rivés sur le portrait, elle s'endormit. Il guida ses songes près de lui, pour éviter de laisser son esprit vagabonder dans des souvenirs amères, et il lui laissa les commandes le temps de pousser un long hurlement, le museau pointé vers la Lune. Au loin, une voix solitaire répondit à ce cri. Kerrog agita les oreilles, mais ne bougea pas, et veilla sur son amie tandis qu'elle rêvait d'une chasse au cervidé.
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