La petite mort d'une fille du désert [A faire vivre]

Avec toute la difficulté que relève ce genre de situation, la prêtresse parvint à rejoindre sa protégée.
Elle fit faire volte fasse à Satan qui parti dans un galop endiablé entrainant avec elle son diable de démoniste. Les sabots tembourinaient, glissaient sur les pavés de la ville mais peu importe. Le moment n'était pas à la prudence, mais à l'urgence.

D'un regard, elle signifiat à Tsion'hebb que le moment approchait.
C'est à peine si elle attendit que le cheval stoppe pour sauter au sol et prendre la jeune Nayah dans ses bras, lui degageant les cheveux et lui soufflant des mots tendre à l'oreille.
Elle chercha le regard de Vaya, laissant le médecin agir.

Peu de temps apres les chevaliers les rejoignirent, éloignant les badeaux et faisant une protection de leur corps dans le respect de l'instant présent.

Un peu en retrait, le maître de l'Ordre coordonnait les efforts des frères et soeurs qui pouvaient mettre en suspens leurs tâches quotidiennes afin de se mettre au service de la petite Nayâh et aider à la circulation des badauds qui ne manquaient pas de risquer de s'attarder quand bien même la rue était peu fréquentée. Ca n'était pas l'endroit pour un homme, aussi confia-t-il les tâches les plus éloignées aux hommes. Deux d'entre eux furent d'ailleurs préposés à la mise en attelage d'une charrette afin de transporter patiente et médecin à l'hospital dès que cette dernière l'autoriserait.

Maintenant que l'urgence était passée et que chacun était à l'œuvre, il se permit de laisser vaquer ses pensées, non sans les encadrer, force de l'habitude, dans une rigueur qui la protégeait de l'assaut de puissances que l'ombre n'effrayait pas. On apercevait, au dessus des toits, l'immense flèche de la cathédrale. Il repensa aux enjeux qui se nouaient et se dénouaient dans les coulisses du pouvoir, dans les méandres des esprits de ceux qui dictaient leurs lois à un peuple égaré. Trop d'infidèles, trop de dangers, d'insécurité, de larmes et de cris que ne justifiaient aucune lutte contre la vrai Mal qui rongeait le monde. Le comprendraient-ils assez tôt ? Le comprendraient-ils avant qu'il ne soit trop tard ? Le Fléau n'était pas que dans les terres gelées. Avant même qu'il ne soit révélé sur le trône de son immense pouvoir, il était d'abord dans les cœurs, rongeant l'âme des incroyants, des impies et des sacrilèges.

Il pria pour que l'heure de la Lumière soit bientôt arrivée et sourit en pensant que l'enfant à naître, peut-être, n'aurait pas à connaître les Horreurs que leurs pères et mères avaient connues.

En temps normal elle aurait rougit sous tant d'attention, mais les forces commençaient à lui manquer. Elle ne comprenait pas très bien ce qui lui arrivait. C'était peut être sa punition pour ce qu'elle avait fait au père de l'enfant, elle méritait peut être de mourrir là, sur les pavets de la ville. Elle souffla, on l'entourait de bras aimant et elle comprit de suite qui c'était en appercevant le sourire rassurant de la prêtresse. Sa main s'accrochait toujours à celle de l'inconnu, mais beaucoup plus faiblement, juste parce qu'il lui semblait être le seul lien avec la réalité qui commençait à lui échapper.
Elle n'avait pas conscience de son véritable état. Le bébé était là, tout proche de montrer le bout de son nez... ou plutôt de ses petites fesses roses car il arrivait par le siège...

Vaya aidait la jeune femme comme elle le pouvait. On avait apporté des draps, et de l'eau, les chevaliers les avaient installées au mieux pour ces conditions, pour au moins assurer une hygienne décente. Elle avait jeté un rapide regard mendiant à Mystiruis esperant qu'elle l'aiderait.

Alors qu'elle travaillait, faisant appel à la lumière avec un naturel dont elle n'avait qu'à peine conscience, son allure froide dégelait. Elle ressentait les doutes, la detresse qui envahissait la jeune mère et faisaient écho en elle. Récitant une longue litanie, les levres à peine ouvertes, elle faisait consciencieusement son travail de sage-femme, incitant la mère à pousser en s'interdisant de toucher au bébé dans cette position, attendant que les jambes soient suffisament sorties pour agir.

Avec un sourire rassurant, Mystiruis permit à la petite Nayah de prendre appui contre elle. Doucement, elle lui prit la main, permetant au jeune homme de la lacher et de se reculer en douceur.
D'une main, elle lui rafraichi un peu le visage avec de l'eau fraiche tout en lui soufflant des mots plein de tendresse. Tout était fait pour calmer la future maman et l'aider dans ce moment difficile.
Elle trouva le temps de sourire à son aimé. Lui même devait être rassuré. Ce genre de situation échappait à la plupart des hommes.

Elle lanca un regard noir en direction de Ralek, il n'avait pas échappé au regard percant de cette prêtresse habituée aux pires des situations en ce bas monde.

*Chaque chose en son temps* se promit elle.

Et elle reporta toute son attention vers Nayah. Non sans avoir vérifier que leurs prétoriens faisaient bien un écran opaque entre la populace curieuse et la future maman

Un petit pied s'agita alors qu'il se libérait dans le cri déchirant de sa mère qui venait de pousser encore une fois de toute ses forces, de ses dernières forces. Le second suivit mais Nayah semblait pâle, elle tournait de l'oeil bien qu'elle semblait s'accrocher à la conscience, regardant les deux prêtresses d'un air affolé. Elle se sentait partir, elle avait peur...

Le temps pressait, la prêtresse sentait bien que la petite sombrait doucement mais surement. Elle usa de toute son énergie, lui donnant un peu de cette force sacrée qui les unissait. Peu lui importait les quand dira-t-on, il pouvait bien penser qu'elle etait le diable en personne, elle s'en moquait.
Elle glissa entre les lêvres de Nayah quelques gouttes d'une fiole à la couleur ambrée. Elle retira rapidement ses gants, s'enduit les mains d'une huile dont elle et son démoniste avaient le secret et commencant un lent et savant massage sur le ventre dechiré, suivant les mouvements sporadiques.
Il fallait qu'elle se détende, il le fallait absolument. Tout pour tenter de ne pas devenir retourner l'enfant et mettre leur vie en danger.

Une sourde angoisse aurait bien voulu se faire un chemin dans l'esprit de Tsion'hebb. Il la sentait ramper autour de lui, cherchant la faille dans le mur de sérénité qu'il lui opposait. Toutes ses prières allaient à la jeune mère, à l'enfant, et à la doctoresse qui œuvrait inlassablement. Tant de choses qui se précipitaient en ce lieu, de destins qui se croisaient en d'innombrables trames entremêlées qu'il en avait le tournis et prononça à nouveau la litanie du vide avant d'éprouver le soulagement d'une onde de lumière.

Le regard apaisant de son aimée n'y était pas pour rien.

Quelques mots de la langue noire sanctifièrent la zone, chassant les démons et les mauvais esprits qui auraient pu rôder dans l'ombre, rien de bien puissant hélas car le temps manquait, mais suffisamment pour éloigner l'essentiel des menaces ou, du moins, leur interdire de s'insinuer sans se révéler.

Une charrette à bras arriva bientôt dans laquelle l'un des fidèles de l'Ordre proposa, peut-être avec une certaine naïveté, de transférer avec la délicatesse qui s'imposait la parturiente et sa médecin pour un transport rapide vers un lieu plus adapté, qu'il s'agisse du manoir Hedson ou, mieux, de l'hospital lui-même.

Vaya refusa l'offre, son visage semblant crier "non mais tu m'as bien regarder" au pauvre soldatde bonne volonté. L'idée était généreuse, mais empetrée comme elle l'était, le petit déjà en partie sortit, elle n'avait pas le temps de faire déplacer la mère, et ne voulais pas prendre le risque d'un voyage dans les rues de hurlevent au pavage inégal.

Elle sentait l'energie de la future mère l'abandonner et osait à peine utiliser ses pouvoirs de lumière de peur d'influencer la vie juste naissante qu'elle cherchait desesperement à expulser. Begueyant quelques paroles rassurantes, elle se concentre sur sa tâche, confiant à l'autre prétresse présente le soin de tenir la june mère consciente.

La voix douce de son oncle lui contant Tanaris et les attentions de la Khadin la tiraient doucement du fond du gouffre dans lequel est s'était laissé aller, la maintenait éveillée, accrochée à la réalité, à la conscience et peut être même à la vie. Son souffle faible relevait sa poitrine par à-coup, elle avait horriblement mal, tellement mal qu’il lui semblait que chaque fibre de son être était là pour souffrir.
Un sursaut de vie influé dans son corps et puis plus rien. Elle s’effondra dans ces bras doux qui la maintenaient, les ténèbres entourant sa conscience d’un cloaque épais. Sa main qui s’accrochait perdit de sa force, sa tête dodelina pour choir sur son épaule à l’instant même ou un autre cri déchira les cieux, un cri de vie, le cri de son enfant enfin libéré qui aspirait sa première goulée d’air avec une force surprenante, le cri de son fils.

* J'étais arrivée légèrement essoufflée, le temps que je retrouve mes esprits, je regardais les gens tout autour s'afférer, impuissante. C'était pas souvent que l'ont pouvait me couper le clapet, ce moment en était un !
J’avais l’impression de voir les images du récit de ma naissance à quelques détails près. *

" Espérons que son père soit aussi présent que le mien ! "

* Je m’éloigne trop de monde autour, trop de sentiments que j’avais du mal à gérer. *

Une étincelle fugace, si vite effacée... comme un souvenir lointain qui nous échappe, brûlure sur son esprit qui s'était si vite habitué aux ténèbres. Puis un nouveau flash, et encore un. Elle voulait crier, supplier que çà s'arrête, chaque particule de lumière semblait la transpercer à chaque fois.
"Laissez moi... laissez moi ici... je suis si bien... je n'ai plus mal... c'est si douillet...."
Mais les flashs continuaient, se muant de plus en plus en lumière continue, mettant son corps au supplice, la tirant inexorablement vers un ailleurs qu'elle avait déjà oublié, vers cette réalité implacable que les ténèbres avaient effacés. Puis cette voix, douce, rassurante, maternelle, qui la berçait parmis le chaos de ses pensées. Elle reconnaissait la voix mais n'arrivait pas à mettre un nom dessus, et pourtant elle se mit à avoir confiance et cette confiance la tirait un peu plus de ce noir qui la libérait...

Elle ouvra les yeux, aspira une goulée d'air comme si c'était la première en ce monde. Un instant elle paniqua, où était-elle? Puis les tentures chamarée flottèrent devant ses yeux, la fragance de l'encens vint lui titiller les narines. Sa chambre.. au manoir Hedson...

Une fois la situation clarifiée et l'accord de la médecin hospitalière acquis, la jeune ikhbal avait enfin pu être embarquée dans la charrette, son enfant aux mains de la haute-prêtresse de l'ordre qui avait pris soin d'intercaler entre elle et l'enfant le foulard de sa mère qu'il serrait maladroitement dans ses petits poings serrés.

La médecin avait œuvré vite et bien dans les règles de l'art. En deux temps trois mouvements elle avait assuré à l'enfant des soins minimaux avant de le laisser entre les mains de Mystiruis, laquelle avait achevé d'en faire la toilette. Il poussait des sortes de petits cris que ses cordes vocales trop jeunes transformaient en vagissements attendrissants. Puis Vaya avait achevé de recoudre la jeune mère et de compléter ses soins d'un baume cicatrisant et apaisant. Une courte prière avait conclu son intervention à laquelle chacun s'était joint par la pensée ou par les mots.

Le démoniste lui avait offert de la dédommager de son dérangement. Elle avait accepté non pour elle mais pour l'hospital lui-même qui acceptait les dons pour assurer son fonctionnement, suite à quoi la charrette s'était mise en marche, traversant les quartiers animés de la ville jusqu'à atteindre enfin les portes du manoir.

Alors qu'il passait la porte d'une taverne, Ralek s'arrêta un instant. Il saisit son écharpe, palpa avec retenue l'étoffe avant de l'amener devant son nez. Le voyageur inspira profondément, décelant dans l'effluve qui se dégageait, une odeur qui lui rappela un lointain voyage.

Il replaça cette étoffe autour de son visage et jeta un coup d'oeil vers la scène qui s'étala devant lui. L'attroupement n'avait cessé de s'accroître, les badauds en tout genres s'y pressèrent autant que les proches de la jeune femme qui se rapprochait de la mort. Malheureusement elle ne franchit pas le pas, laissant une nouvelle vie éclore.

Retirant son chapeau, Ralek étira son cou et finalement jeta un dernier regards vers la foule. Il y distingua bon nombre de suivant de l'ordre, dont ces deux grands croyants. Observant un à un l'homme puis la femme, il ne put s'empecher de lacher un petit rire nerveux avant de grimacer.

Finalement il passa l'entrée et s'engouffra dans la bâtisse.