Naissance [à faire vivre]

La nuit venait de tomber et Comté de l’Or était en effervescence comme à son habitude. L’auberge était bondée et Linienya soupira d’avance d’y entrer. Elle n’avait jamais vraiment aimé se retrouver dans le brouhaha des tavernes, mais là elle n’avait pas le choix, il fallait qu’elle mette la main sur son compagnon.
Descendant précautionneusement de sa monture, elle dû s’accrocher à la selle une fois au sol, courbée en deux par un éclair de douleur lui vrillant les reins. Elle souffla profondément. Les contractions étaient encore espacées, mais elle priait les dieux pour trouver Caimbeul avant que le bébé décide vraiment de montrer le bout de son nez.
Un sourire triste se dessina sur ses lèvres. Ils avaient voulus retrouver une vie paisible et tranquille, il avait même trouvé un travail de serveur, ce qui ne lui ressemblait pas vraiment. Mais les ennuis les avaient rattrapés et il enquêtait sur la disparition de son amie et ces meurtres étranges qui mettait la capitale humaine sans dessus dessous.
Linienya secoua la tête, faisant voler sa lourde chevelure, se semonçant sur ses pensées un peu trop égoïstes. Puis elle entra dans la Fierté et fut accueillis par une bouffée de miasmes divers. Une grande pièce de viande rôtissait dans la cheminée, des vapeurs d’alcools flottaient dans l’air et des regards plus ou plus moins aimables se tournèrent vers celle qu’ils n’avaient pas vu depuis longtemps.

Le nez de l’elfe se plissa alors qu’elle constatait que son loup n’était point là. Il lui faudrait l’attendre, elle n’avait pas la force de pousser jusqu’en ville. Elle choisit une place pas loin de la cheminée en marmonnant sur sa façon sans grâce de se déplacer. Tendrement, elle posa une main sur son ventre, essayant de se détendre malgré l’atmosphère surchargée de la pièce.

Farley, qui passait à ce moment, les bras chargés d'un large plateau de chopes de bières, s'arrêta un pas.

"J'm'occupe de vous dans un instant, m'a p'tite dame. Les temps de servir la table à coté." dit-il en apportant une douzaine de bières bien fraiches au groupe de nains attablés non loin de là.

"Heu oui mais..."

Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'il était déjà parti. Une vrai tornade! Elle lissa les plis de sa robe en l'attendant, elle était loin d'avoir faim ou soif. D'ailleurs elle sentait une nouvelle contraction arriver et elle crispa ses mains sur la table, concentrée sur la douleur qui arrivait.

Quelque minutes après le passage de l'aubergiste avec le carburant, un des nains, déjà passablement saoul, regarda l'elfe d'à coté avec un sourire stupide.
Il voyait la mine serrée de la dame, ainsi que son ventre rebondi et parti d'un grand rire en s'adressant à ses comparses.

"Hey! Les gars! - fit le nain- R'gardez ça! La longues-oreilles là, elle va nous pondre un truc!
- Un lapin? tonna son compagnon de droite.
- Un bosquet? fit un deuxième dans un beuglement aviné.
Les nains partirent d'éclats grossiers, de crachats sur le plancher et de raclements de gorges, en levant leurs verres pour célébrer la grandeur de l'humour des forgeux.

En entendant ce tumulte, Farley s'en inquiéta et revint plus lentement vers l'elfe afin de s'assurer qu'elle ne prenait pas ombrage d'un voisinage si.. nain.

Linienya s’était déjà saisi d’une chope qui traînait sur la table dans l’intention évidente de l’envoyer sur la tête d’un des nains. D’habitude pleine d’humour, là elle pleine d’hormones et c’est bien connu, il ne faut pas trop chercher une femme enceinte. Mais ces nains éméchés semblaient l’avoir oublié ou peut être bien qu’ils ne l’avaient jamais su.

Elle regarda sa chope et les nains. Leurs têtes trop dure risquaient de ne rien sentir avec ce projectile. Elle posa donc son léger fardeau, se leva pour approcher de la table bruyante. Un grand sourire sur les lèvres, elle chopa la chope du meneur et la lui versa sur le crâne avec un stoïcisme plus qu'inquiétant.

Barbeduc le nain, un des ouvriers de l'équipe du professeur-explorateur Rolin Pelleterrible mandée sur les travaux du port, détestait une seule chose sur ce monde, que sa bière coule a coté de son gosier.

Aussi, au geste de l'elfe, un silence pesant tomba tel la pierre dans l'étang.
Chaque nain attablé avait arreté son geste, l'un la chope encore levée, l'autre qui avait avalé de travers..

Barbeduc était rouge de colère.
Une seule chose était sure, si l'ambiance était joviale jusqu'à maintenant, il y allait avoir des cris et des pleurs!
Ses camarades commençaient à grogner, se saisissant qui d'un maillet de bois, qui d'une chope vide, un autre d'un tabouret. Ça allait saigner.

Farley, inquiet, qui lui, détestait plutôt les bagarres générales dans son établissement, accouru alors à la hâte, avec de grands gestes d'apaisement..
- Allons allons, mes amis! du calme, je vous en conjure, Si vous voulez aller vous battre, faites-le dehors! fit-il, devant le nain qui déjà crachait à terre en jurant devant les Titans que jamais, non, jamais! on ne l'avait traité de la sorte!

L'elfe soupira profondément devant la réaction des nains.

"Maitre Nain, moi non plus je n'ai pas l'habitude de me faire traiter ainsi. Et je subodore que vous aurez la galanterie et le savoir vivre d'attendre que je "ponde", comme vous dites, pour vouloir laver cet affront au combien odieux que j'ai eu le malheur de faire pour défendre mon honneur..."

Sur ses paroles calmes, mais crispés par une nouvelle douleur qu'elle sentait arriver, elle retourna s'assoir sans attendre vraiment une réponse.

C'est à cet instant que Caimbeul arriva dans la salle de l'auberge. Il enlevait sa veste trempée des pluis régulières d'Elwynn et se massait l'épaule droite en grimaçant quand il vit sa compagne assise, les mains crispées sur le ventre et le visage fermé par la douleur qui montait. Il ne lui fallut pas plus d'une seconde pour réaliser. Il laissa tomber sa veste au sol, traversa la salle au plus quitte à sauter par-dessus la rambarde et s'agenouilla devant sa compagne.
"- ma louve! C'est le moment?", comme beaucoup d'hommes dans ce genre de moment , il faisait preuve d'une répartie rare...Mais son cerveau reprit les commandes et il appela Farley de la main tandis que sur le Fil des Tisseurs il appelait:
"- Aénor, vous êtes là? Aénor?"

En voyant l'agitation qui naissait autour de l'elfe sur le point de la délivrance, les nains se calmèrent quelque peu.
La forge n'envoyait sur les terres humaines que des nains rompus aux contact des autres races et donc forcément plus ouverts.

L'aubergiste fit un signe à la serveuse de préparer si besoin une chambre.
Il ne voulait pas d'une naissance en plein dans la salle commune.
Il fit donc préparer des linges propres, de l'eau chaude et un bon grog fort pour l'elfe hors d'haleine qui venait d'arriver et qu'il devinait comme le père.. si tant est que ces elfes formaient un couple.

(je poste la réponse d'Aelwenn qui n'arrive pas à se connecter au forum, je MP Arlequin pour voir ça)

L'information circula, l'urgence était transmise. Parmi les Tisseurs, une Kaldorei veillait, la propre cousine d'Aelwenn qui alerta aussitôt cette dernière.

- °Ael ? Tu es là ?°
- °Bonjour Nedy ! Bien sûr oui. Comment vas-tu ?° interrogea la prêtresse de sa voix douce.
- °Ecoute... je ne sais pas si Aénor va répondre mais on appelle sur le fil. Je crois que c'est la voix d'Arlequin et il avait déjà parlé qu'il aurait peut-être besoin d'aide pour sa femme, tu peux te libérer ?°
- °Là... je suis en consultation donc c'est un peu délicat...°
- °Si c'est ce que je pense, c'est pour une naissance !° rétorqua l'Elve d'une voix taquine.
- °Oh ! Pardon je... n'y étais pas du tout. Oui oui bien sûr je peux me libérer, enfin je n'ai même pas besoin en vrai, c'est mon travail. J'en finis ici et j'arrive.° sourit la jeune prêtresse. °Où est-elle ? As-tu des précisions ?°
- °Pas vraiment. Je lui demande où elle est.°

Il s'en fallut de quelques échanges dans l'éther pour que la prêtresse sache où se rendre et puisse assurer de sa présence dans l'heure à venir.

La douleur passée, Linienya put sourire à son compagnon. Elle percevait l'inquiétude et un peu de panique dans ces yeux, sentiments que tout futur père partageait. De sa main douce elle lui caressa la joue pour le rassurer.
"Par les dieux mon loup, j'ai cru que tu allais jamais renter..."

"-je suis navré ma louve, j'aurais dû rentrer plus tôt...Aelwenn devrait arriver bientôt, Aénor la connait et a toute confiance en elle.", il prit sa main dans la sienne et la serra doucement tout en lui essuyant le front avec un linge.
"- les contractions sont fréquentes?"

"C'est rien Olamin.."
Elle lui sourit alors qu'une nouvelle contraction lui déchirait les reins. Elle posa son front contre son épaule et reste contre lui en attendant que çà passe.
"Moins de cinq minutes maintenant... il va vraiment pas tarder.."

Sous les coussinets du tigre de monte, les cailloux roulent dans la boue et les flaques. Les nuages noirs et lourds pleurent sur la forêt d'Elwynn, une forêt à l'image de ses habitants humains, basse et touffue ! Cette pensée fit rire la kaldoreï qui s'arrêta bientôt devant l'auberge avant de se laisser glisser au sol. Avec des gestes qui dénotaient une certaine habitude, elle détacha de sa selle un sac marqué du symbole de l'hospice de la ville basse de Shattrath.

L'ambiance à l'intérieur était chaude et lourde de fumées et de senteurs alcoolisées. D'un regard elle balaya l'espace pour identifier le tenancier. Elle repoussant dans son dos sa houppelande de toile huilée et s'avança vers lui.

Farley identifia d'un coup d'oeil le sac que portait la Kaldoreï. Il en fut soulagé. Il ne désirait pas vraiment jouer les sages-femmes.
Il avait un établissement à faire tourner, et, ce soir en plus, la salle était pleine.

"Ah! vous tombez bien! je présume que vous venez pour une naissance n'est-ce pas? La dame est là." fit-il en montrant le couple affairé.
"Je vous ai aussi préparé la chambre du fond. Il y a du linge propre et on va vous y apporter de l'eau chaude."

Mais dans le fond, il était fier. Peut-être un futur héros allait-il naître dans l'auberge...
Lui qui n'avait pas d'enfants, il.. peut-être le choisirait-on ...comme parrain, lui ...le vieil aubergiste..
D'un hochement de tête, il abandonna ces pensées mielleuses lorsqu'un client lui beugla une nouvelle commande de chopes bien remplies, laissant la Kaldoreï organiser l'affaire à l'étage.

- "Oui c'est ça, c'est bien moi. C'est très gentil je vous remercie, vous êtes très perspicace" sourit-elle de ses yeux brillants de kaldoreï qui s'habituaient au jeu d'ombres et de lumières. "Enfin... je ne sais pas si la jeune maman voudra s'enfermer entre des murs mais on va lui proposer." ajouta-t-elle d'une voix douce.

Elle se glissa alors entre les tables, s'excusant quand la situation l'exigeait et atteint enfin les deux parents, du moins le supposait-elle mais à voir la mine un peu angoissée du mâle et son attitude toute pétrie d'attentions et d'impuissance, elle ne croyait pas beaucoup se tromper. Ceci dit son devoir était de s'en assurer avec tout le tact requis. Ramenant son sac devant elle, elle se présenta avec une mine détendue, respectueuse de ce moment unique pour eux :

"Bonjour, je suis Aelwenn. Ma cousine Nedylene m'a guidé vers vous. Vous devez être Linienya ? et vous Arlequin ? Vous êtes le papa ?"

Arlequin leva un visage visiblement soulagé vers l'elve. Il avait le sentiment de ne pas être d'un grand secours à sa compagne et savoir qu'une sage-femme venait d'arriver était une vraie source de soulagement.

"- oui, c'est nous...voulez-vous qu'on se daplace?"

(ps: en principe c'est plutôt Arlequin et pas Caimbeul, ce nom est peu connu ^^)

Linienya esquissa un sourire devant le soulagement évident de son compagnon puis adressa un bref bonjour à la sage femme avant de se crisper à nouveau. Elle souffla longuement pour évacuer la douleur etcommença a être inquiète, s'ils ne bougeaient pas, l'enfant risquait de naître dans la grande salle de l'auberge.

"Moi je veux qu'on bouge en tout cas..."

"Oui bien entendu, nous n'allons pas faire le spectacle, nous ne sommes pas des artistes bénévoles !" rit l'Elve tout en se concentrant sur la jeune mère.

"Alors, comment ça se passe ? Je vais vous aider à marcher ne craignez rien ? Où voudriez-vous qu'on vous installe tous les deux ? L'aubergiste a visiblement tout prévu pour vous accueillir et... il en est tout bouleversé et tout ému on dirait. Mais c'est votre avis qui compte." ajouta-t-elle avec un regard espiègle vers l'homme qu'elle ne retrouva pas dans la foule.

Mine de rien elle avait posé une main sur l'arrondi maternel, une main fraîche et légère sur laquelle s'accrochaient encore quelques gouttes de pluie cristallines. Elle mesurait l'ampleur des tensions qui le parcouraient et cherchait, par de petites touches délicates, à confirmer ce que le peu qu'elle en avait pu constater de visu lui dictait de la position de l'enfant. Puis elle tenta de croiser le regard de la jeune maman pour lui offrir en retour une expression calme et apaisante. Elle s'adressa aux deux, à voix plus basse, confiante :

"Tout se passera bien. Vous nous ouvrez un passage Arlequin ?"

Linienya avait sourit dès que la sage femme avait parlé. Visiblement elle ne manquait pas d'expérience ni de douceur et c'est tout ce dont elle avait besoin. Bien que déjà mère, elle ne se voyait pas mettre celui ci tout seule.
Elle avait choisit la chambre de l'auberge. Après tout les lits y étaient confortables et elle n'osait parier sur le fait d'arriver à temps à la maison. Elle sentait que le travail était très avancé, ce que confirmait l'examen d'Aelwenn.
Surprise, ils arrivèrent facilement à l'étage. Les buveurs étaient plus galants qu'elle ne l'avait escompté et s'étaient d'eux même poussé du chemin. Enfin installée dans le moelleux des coussins, un soupir de soulagement lui échappa.