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Journal d'un capitaine écarlate en Norfendre.

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Message  Scarlet Rouge Lun 05 Avr 2010, 04:10

Journal du Capitaine Sonnecor.

15 Octobre de l’an 624 (selon le calendrier du Roi), quelque part en Mer Gelée.

Cher journal,
Notre traversée se déroule sans accrocs, pour le moment. Notre exode vers le continent du Norfendre s’est fait dans la panique et nous avons été forcés d’abandonner nos compatriotes et les civils qui étaient sous notre responsabilité. Comme tous les autres j’ai assisté, impuissant, à la chute de la Nouvelle-Avalon. Lors de notre départ, les civils restés sur les quais nous suppliaient de les laisser partir avec nous. Certaines femmes nous tendaient leurs nourrissons et pleuraient toutes les larmes de leur corps. Les hommes tentaient de forcer le passage et d’embarquer sur la Folie du Pêcheur ainsi que sur les autres navires de la flotte. Ils étaient violemment repoussés. Au loin, des panaches de fumées montaient au-dessus des toits du petit village de Havre-Comté et des environs. Les premiers rapports de la matinée indiquaient que quelques éléments avancés d’Achérus avaient réussis à atteindre les faubourgs de la Nouvelle-Avalon, déclenchant ainsi de violents combats de rues contre la garnison de la ville. Certaines sources prétendaient même que les forces du Fléau préparaient des raids aériens. La ville fortifiée était en état de siège et la paranoïa avait atteint son paroxysme, à tel point que des civils et des croisés étaient arrêtés sur simple dénonciation de la part de leurs pairs. Auparavant, Abbendis avait fait savoir aux officiers qu’il était inutile de continuer de défendre l’Enclave écarlate. Selon la généralissime, le seul moyen de remporter la victoire dans cette guerre qui durait depuis près de dix ans, était de porter le conflit sur les terres même du Roi-Liche. De fait, la campagne qui s’annonçait en Norfendre, nécessitait le maximum de ressources possible. En conséquence, il avait été décidé de dégarnir le front de l’Enclave écarlate pour les repositionner dans le Nord afin qu’elles soient réutilisées intelligemment. Une décision bien singulière, même pour l’entourage d’Abbendis.
Galvar Puresang avait fait savoir qu’il se tenait parés à déplacer la quasi-totalité de ses armées en direction de l’Enclave écarlate, pour repousser le Fléau. Selon son plan, les corps d’armées de Tirisfal et d’Âtreval devaient traverser les territoires qui constituaient l’ancien Royaume de Lordaeron et atteindre rapidement la zone de la bataille pour submerger les troupes du Fléau et forcer Achérus à la défaite. C’était un plan ambitieux, mais dangereux. A mes yeux, il était plus probable que les renforts se fassent tailler en pièces par les embuscades répétées du Fléau, dans les Maleterres. Abbendis avait du songer à la même chose, et avait donné l’ordre à Puresang de rester sur ses positions. L’affaire en était restée là.
Deux jours après, les passerelles des navires se levaient, abandonnant à leur triste sort les « ressources » qui ne semblaient pas nécessaire à la survie de l’ordre. Juchés sur le pont des navires, les croisés hurlaient aux civils de fuir, leur intimant l’ordre de faire route vers la Main-de-Tyr, afin d’éviter la catastrophe.
Et bientôt, la Nouvelle-Avalon n’était devenu qu’un minuscule point à l’horizon.




Le capitaine Sonnecor quitta du regard son journal et leva les yeux vers la Mer Gelée. Des étendues glacées. Partout, à perte de vue. D’imposants icebergs s’élevaient de part et d’autres du paysage. La faune était différente ici. Des créatures encore jamais vues par le capitaine. A l’aube, d’étranges animaux marins suivaient les navires, restant dans leur sillage. Les croisés s’en amusaient et s’émerveillaient de telles curiosités. Quel dépaysement pour des combattants d’élite qui, pour la plupart, n’avaient jamais quittés les frontières du Royaume de Lordaeron.

La quinzaine de navires écarlate remontaient silencieusement la Mer Gelée, guidés par un remorqueur improvisé en brise-glace. Malgré un fort vent de travers, les bâtiments tentaient de se maintenir dans les voies de navigation nouvellement ouvertes à travers la glace. Le craquement caractéristique de la glace et le doux ronronnement des moteurs du remorqueur étaient couverts par le souffle du vent sur les voiles. Paisible. C’est le mot qui vint à l’esprit du capitaine, tandis qu’il étirait sa longue-vue pour observer les parages. Au loin, perdus sur un ilot gelé, de singuliers oiseaux se dandinaient et se trémoussaient. Un corps et une tête noir pourvue d’un bec orange, posée sur un ventre d’un blanc immaculé. Drôle de spécimen.
Sans quitter son objectif des yeux, le capitaine Sonnecor interpella un officier accoudé à quelques mètres de là.
« - Dallaire ! Venez-voir ce que j’ai ici. »
Tiré de ses songeries, l’homme, un gaillard mal rasé et taillé dans le roc, s’approcha. Sonnecor lui tendit la longue-vue.
« - Observez. C’est amusant, n’est-ce pas ? »
Le lieutenant Dallaire prit alors la place du capitaine, et fixa pendant plusieurs secondes la colonie aviaire. Il esquissa un large sourire, comme un gamin.
« - C’est vrai qu’ils sont plutôt drôles. Qu’est ce que c’est, au juste ? »
Sonnecor haussa les épaules, mains sur les hanches.
« - Des pingouins. J’ai lu pas mal de bouquins de zoologie au sujet de la faune à travers le monde. C’était à l’époque. Mon oncle adorait collectionner ce genre de machins scientifiques. »
Les deux hommes restèrent silencieux pendant un instant. Puis Dallaire déposa finalement la longue-vue entre les mains du capitaine Sonnecor.
« - Oui. C’était à l’époque. » Maugréa le colosse en retournant vaquer à ses occupations habituelles, à savoir, grogner sur les jeunes recrues et les sermonner vertement.
Le capitaine Sonnecor resta silencieux, se contentant de contempler l’horizon.



16 Octobre de l’an 624 (selon le calendrier du Roi), quelque part en Mer Gelée.

Cher journal,
Rien à signaler. Il fait froid et le mal de mer cloue les hommes sur leurs paillasses, mais le moral est excellent. Nous avons encore assez de réserves pour environ six ou sept mois. Nous ne sommes pas à plaindre. Tout se passe comme prévu.
Scarlet Rouge
Scarlet Rouge


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Message  Scarlet Rouge Lun 05 Avr 2010, 04:13

22 Octobre de l’an 624 (selon le calendrier du Roi), quelque part en Mer Gelée.

Cher journal,
La traversée n’en finit plus. Et il m’est presque impossible de mettre le nez dehors. Le climat est glacial et le roulis du tangage est infernal. Nous voguons sur une mer démontée et, à l’heure ou j’écris ces quelques lignes, je dois constamment agripper mon encrier pour ne pas que son contenu se répande sur le parquet de ma cabine… !
Nous n’avons perdus aucuns navires. Légère avarie du moteur droit sur le remorqueur de tête, rapidement réparée. Ce bâtiment n’a pas été conçu pour filer à travers les glaces compactes du Norfendre, et pourtant, il s’en sort bien. Les ouvriers de la Nouvelle-Avalon ont fait du bon travail : la coque a été renforcée et l’étrave a été modifiée. Le seul souci étant que le moteur, mal protégé, à la fâcheuse tendance à geler. Peu importe. Nous atteindrons le toit du monde, quoiqu’il arrive.




Deux coups, trois coups, quatre coups. Quatre signes lumineux venaient d’être émis par le navire de tête. Ayant troqué son armure de capitaine pour un trench-coat en cuir noir, Sonnecor hocha la tête, satisfait.
« - Répondez. » ordonna t-il à une jeune quartier-maitre en pointant du doigt le navire allié.
Aussitôt, elle acquiesça et se concentra sur sa lampe de navigation. Elle l’alluma et l’éteignit quatre fois de suite. Le capitaine Sonnecor se tourna vers l’officier de quart, installé à sa droite et qui se tenait raide comme un prussien.
« - Faites baisser les voiles et jeter l’ancre. Nous allons avoir de la visite. » Fit le capitaine Sonnecor en tournant les talons et en descendant les marches menant au pont inférieur.
L’officier de quart relaya l’ordre en beuglant sur le reste de son équipage. A la poupe, un autre quartier-maitre envoya quelques signaux lumineux au navire-cargo qui les suivait. Une heure plus tard, la flotte écarlate était à l’arrêt. Marchant au milieu de l’équipage qui s’affairait autour des cordages et des treuils, Sonnecor s’approcha du capitaine Dallaire.
« - Dallaire, prenez le relais. Le navire-amiral nous envoie des cadeaux. »
Le capitaine Dallaire haussa l’un de ses sourcils broussailleux.
« - Des cadeaux ? De quel type ? » Demanda l’homme, joignant les mains dans le dos et se hissant sur la pointe des pieds.
« - De type écarlate, l’ami. » fit Sonnecor en pouffant de rire et en s’éloignant.
De plus en plus déconcerté, le capitaine Dallaire insista.
« - De type écarlate ? Mais de quoi voulez-vous parler ?! »
« - Vous le saurez bien assez tôt ! » lui répondit un Sonnecor hilare, criant pour couvrir le brouhaha de l’équipage.

Deux heures plus tard, une chaloupe remonta la longue colonne de navires, abordant chacun d’eux afin de leur fournir des caisses de vivres.
« - Hé, ils font quoi ? Nos cales sont déjà bien remplies, inutile de nous retarder en pleine mer pour de telles stupidités… ! » S’écria un écarlate fluet, vêtu d’une cuirasse trop grande pour lui. Des clameurs d’approbation parcoururent l’équipage, qui s’était amassé contre le bastingage pour observer l’étrange manœuvre de la chaloupe. Puis, finalement celle-ci parvint à hauteur de leur navire. C’était une chaloupe de taille importante, chargée de caisses d’aspect singulier. En réalité, à bien y regarder, il ne s’agissait même pas de caisses. La chaloupe transportait des cageots. Assis à l’intérieur de la petite coque de noix, cinq écarlates leur firent de grands signes.
« - Hé ! Ohé ! Préparez-vous ! Cadeaux de la Folie du Pêcheur ! » Fit l’un d’eux en se levant et en lançant une corde en direction des hommes d’équipage.
La corde fut nouée par quelques matelots au tabard écarlate puis, venant de la chaloupe, des cageots entiers furent transférés sur le pont du navire. Le premier fut réceptionné par deux écarlates, un peu trop avides, et qui s’empressèrent de retirer le film protecteur qui recouvrait la tablette de bois. La masse se resserra autour des deux hommes d’équipage, tandis que ceux-ci déballaient leur butin.
« - Alors ? Qu’est ce que c’est ? » Demanda un vieux fusilier aux traits tirés et à la barbe hirsute, qui avait été couvreur à Stratholme dans une autre vie.
« - Ce sont des fruits ? » s’enquit une femme à la chevelure blonde et aux joues rosies par le froid.
« - Mais non ! C’est de l’alcool ! Du bon vin de nos chaix de Havre-Comté et qui ont été sauvées lors de l’attaque ! » Tonna un homme possédant une carrure de foudroyeur de la jungle de Strangleronce.
« - On ne conserve pas du vin dans des cageots, sombre idiot. » grogna une autre voix, plus aigue.
Finalement, une main s’éleva au-dessus des têtes, soulevant… un chou. Un beau chou rouge bien charnu et d’une couleur qui semblait flamboyer dans tout ce blanc et ce gris. La déception pu se lire sur les visages des matelots. Le capitaine Dallaire, présent sur la dunette du navire, resta frappé de stupéfaction. Non loin de là à quelques mètres, le capitaine Sonnecor éclata d’un rire tonitruant, frappant ses paumes squelettiques sur ses cuisses.
Dallaire s’approcha du capitaine, interloqué.
« - Du chou ? Qu’est ce que cela signifie ? »
Le capitaine Othon Sonnecor hoqueta pendant plusieurs secondes, puis tenta de se contrôler devant le regard sévère de son compagnon d’armes.
« - Allons, Dallaire… Vous ne connaissez pas les vertus du beau chou rouge de Lordaeron ? »
L’officier en trench-coat fit pivoter son regard en direction des matelots qui finissaient de décharger les derniers cageots, la mine grave et le teint morne.
« - Peu avant la guerre, les marins de Kul’Tiras en consommaient des tonnes. Les marins de Kul’Tiras, la plus puissante marine humaine. La plus grande, aussi. Et vous savez pourquoi ils s’en nourrissaient ? »
Le capitaine Sonnecor se tourna vers son homologue, croisant les bras, l’index posé sur le menton.
« - Pour combattre le scorbut, mon bon ami. »
Dallaire en resta bouche bée. Il se ressaisit, puis demanda :
« - Le scorbut ? Toute cette vaste blague pour cela ? »
« - Attention, Dallaire. Le scorbut est une menace à prendre très au sérieux. Sur terre, nous sommes vulnérables au Fléau, mais en mer… »
Othon tira un sextant d’on ne sait où, puis prit quelques mesures à l’aide de celui-ci. Satisfait, il rangea son instrument, puis poursuivit.
« - … En mer donc, notre plus grand ennemi, c’est le scorbut. Le scorbut, le mal de mer, la malnutrition… Encore que, de ce coté là, vu l’état de nos cales, nous ne risquons pas de mourir de faim. »
« - Peu m’importe. Vous auriez pu nous prévenir. Regardez-les, maintenant (il montre les matelots d’un vague geste circulaire), Regardez-les ! Ils sont complètement démoralisés. »
Sonnecor haussa les épaules.
« - Ils s’en remettront. Ce sont des combattants, non ? Ils ont vécu bien pires dans les Maleterres. Ils ne sont pas démoralisés. Ils s’ennuient. Ils s’ennuient de ce voyage qui s’éternise. Tout comme moi, en vérité. »
Le jeune officier s’accouda au bastingage, observant la chaloupe qui venait enfin d’atteindre le navire de queue.
« - Depuis combien de temps sommes-nous en mer ? Trois semaines ? Quatre ? J’ai oublié la date de notre départ. »
« - Cela doit faire quelque chose comme… quatre semaines, oui. » murmura Dallaire en levant les yeux en direction d’un groupe d’oiseaux qui voletaient autour du mat d’artimon. Quelques uns se posèrent sur les barres transversales du mat. Des oiseaux d’aspect noir. Des corbeaux ? Des corbeaux aussi loin dans le Nord ? L’un d’eux fixa Dallaire de ses yeux noirs et perçants. Le corbeau, ou ce que Dallaire considérait comme tel, déploya ses ailes et croassa dans sa direction.
« - … Quelquefois, je me demande si nous arriverons à bon port. Quatre semaines, bon sang. Et vous Dallaire ? Qu’en pensez-vous ? »
Pas de réponses.
« - Dallaire ? »
Le capitaine Sonnecor se tourna dans la direction de son homologue. Le colosse regardait le ciel, médusé, la bouche entrouverte.
« - Dallaire ? Vous m’écoutez ? Dallaire ?! »
Tiré de sa contemplation, l’officier revint brusquement à la réalité. Il s’essuya les lèvres du revers de la main, ferma les yeux pendant quelques instants, puis ancra son regard dans celui du capitaine Sonnecor.
« - Je suis navré. Je n’ai pas écouté. Vous disiez ? »
Othon Sonnecor esquissa un mince sourire, puis haussa les épaules.
« - Laissez tomber. Cela n’a pas d’importance. Il semblerait que la chaloupe soit sur le point de regagner notre navire-amiral. Je vous laisse le soin de prendre les mesures nécessaires pour nous remettre en route. »
« - Oui. Bien sur. Je vais donner l’ordre à l’officier de quart de regagner son poste et de se préparer à réceptionner les signaux lumineux en provenance du navire de tête. »
Les deux hommes échangèrent un rapide salut, puis Dallaire tourna les talons et descendit les marches menant au pont inférieur. Le capitaine Sonnecor se replongea dans ses contemplations de l’horizon.

Bon sang, que c’était chiant d’être en mer.
Scarlet Rouge
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Message  Scarlet Rouge Lun 05 Avr 2010, 04:13

23 Octobre de l’an 624 (selon le calendrier du Roi), Quelque part en Mer Gelée.

Cher journal,
Je suis resté cloitré dans ma cabine, allongé sur ce qui me sert de lit. Je supporte de moins en moins [le reste de la phrase est illisible] Dallaire peut s’occuper du reste de l’équipage. Il a été promu il y’a peu. Qu’il serve à quelque chose pour une fois. Un matelot m’apporte régulièrement les repas. Je refuse de le laisser rentrer dans mes appartements, préférant lui demander de déposer la gamelle, le pichet de vin et les couverts au sol, devant ma porte. Il est hors de question que l’on me voit dans cet état. Je n’ai même pas bu le vin. Il exacerbe davantage mon malaise et m’écœure. Je me porterais mieux demain.




24 Octobre de l’an 624 (selon le calendrier du Roi), Quelque part en Mer Gelée.

Cher journal,
Bien sur que non, ça ne va pas mieux. Au contraire, mon état s’aggrave. J’ai vomi mes trippes dans le pot de chambre et je n’ai rien avalé depuis ce matin. Sortir hors de ma couche est presque impossible. Je ne parviens même plus à mettre un pied devant l’autre et une terrible migraine me fait souffrir le martyr. J’ai les tympans vrillés et un gout aigre dans la bouche. Mon aide de camp, celui qui vient me servir les repas, a du se rendre compte de quelque chose, c’est certain. Je ne daigne même pas lui répondre quand il annonce le service à travers la porte de ma cabine.
Vas te faire foutre, et cesse de beugler dans le couloir espèce d’âne.
Scarlet Rouge
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Message  Scarlet Rouge Lun 05 Avr 2010, 04:14

25 Octobre de l’an 624 (selon le calendrier du Roi), Quelque part en Mer Gelée.

Cher journal,
Il serait judicieux de parler de mon état aux prêtres présents sur le navire. Je ne pourrais pas tenir un jour de plus avec ce fichu mal de mer. Le pot de chambre est plein et une odeur atrocement fétide s’en échappe. Les hommes doivent forcément s’inquiéter. Dès demain, si je ne m’étouffe pas dans mes propres humeurs, je [texte illisible].




La petite cabine était plongée dans la pénombre. Les rideaux étaient tirés et seuls quelques rayons lumineux, provenant de la grande verrière, venaient illuminer le visage du malade. Les yeux mi-clos, bras en croix, un peu de salive s’écoulait de la bouche entrouverte du capitaine Sonnecor. Le souffrant somnolait, écoutant les craquements du bois et le son étouffé de la grande mer, au dehors. Il lui semblait (en fait il en était presque sûr), entendre les clameurs de l’équipage sur le pont. Et aussi le cri des mouettes posées sur la grande vergue. Et puis aussi le raclement du balai sur le parquet ciré de la dunette. Il sentait le moindre grain de poussière, les sentait s’élever dans l’air et puis retomber au sol, épars. Mais non, c’était idiot. Le fait d’être un écarlate ne lui conférait pas des pouvoirs surnaturels. Il devenait fou, voila tout. Et voila qu’il entendait sa mère lui crier d’aller porter une commande de rouleaux d’étoffes de soie à mademoiselle Bolero.
Un pas lourd se fit entendre dans le couloir. Un pas lourd, mais rapide et sûr. Les pas se rapprochaient. Sonnecor esquissa une grimace. Les simples vibrations causées par le poids des bottes sur le sol réveillaient sa migraine. Les pas s’arrêtèrent devant la porte de sa cabine. Des coups énergiques furent frappés et la voix rocailleuse du capitaine Dallaire s’éleva.
« - Capitaine Sonnecor ! Ouvrez ! C’est moi, c’est Dallaire. »
Aucune réponse. Le capitaine Othon Sonnecor savourait les précieux instants de silence que venaient de lui accorder Dallaire. Mais le colosse reprit de plus bel.
« - Sonnecor ! Ouvrez cette porte, bon sang ! Les hommes s’interrogent. Hé ?! »
Toujours aucune réponse. Des coups, plus fort cette fois, firent trembler le battant de la porte.
« - Suffit ! Ouvrez maintenant ! Si vous n’ouvrez pas, je vous assure que je réduirais cette porte en brindilles. Ouvrez ! »
Sonnecor s’apprêtait à l’insulter copieusement, le sommant de quitter le plancher et d’aller voir ailleurs s’il y était, mais il se ravisa en se souvenant que, tout de même, Dallaire mesurait bien près de deux mètres de haut, presque aussi grand que la taille au garrot d’un canasson assez robuste. Le capitaine Sonnecor ravala sa salive, et bredouilla quelques paroles à peine compréhensible.
« - Comment ? » demanda la voix derrière la porte.
Sonnecor se racla la gorge, se frotta les yeux, et répéta à haute voix :
« - Un instant, Dallaire. J’arrive. J’arrive tout de suite. »
L’officier écarlate rejeta la couverture à ses pieds et se leva sur son séant. Il posa les pieds sur le plancher et resta dans cette position, tête baissée, tentant de ne pas perdre l’équilibre. Nouveaux coups frappés. Nouveaux hurlements de l’autre simplet.
« - Alors ? Vous venez ?! »
Le capitaine Sonnecor poussa un soupir, puis se leva et se dirigea à tâtons vers la porte de la cabine, située à quelques centimètres du lit. L’officier se retint à la poignée et déverrouilla le loquet. Aussitôt, la porte s’ouvrit toute grande, laissant jaillir les lueurs des lampes à pétrole qui se balançaient au plafond du couloir. Sonnecor protégea ses yeux avec son bras, ébloui. Une haute et forte silhouette s’engouffra dans la cabine, baissant la tête pour éviter de se cogner au linteau de la porte. Les narines du capitaine Dallaire se retroussèrent, protestant fermement contre l’odeur fétide qui flottait dans la pièce.
« - Oh, sainte lumière mais… Depuis combien de temps n’êtes-vous plus sorti ? » Vociféra le capitaine en tirant les rideaux et en ouvrant la verrière. Une brise fraiche et iodée vint fouetter le visage des deux hommes. Décontenancé, le capitaine Sonnecor s’effondra sur une chaise, humant l’air avec avidité.
« - Depuis… beaucoup trop longtemps. » murmura t-il en laissant reposer sa tête en arrière.
Le capitaine Dallaire chercha des yeux quelque chose. Le regard du colosse se posa sur le pot de chambre. Il s’en approcha, tendit la tête pour en vérifier le contenu, puis grommela et l’empoigna pour jeter les déchets par la fenêtre grande ouverte. Il y’eut un long silence, puis le grand bonhomme se campa devant le capitaine Sonnecor, poings sur les hanches.
« - Et il ne vous est pas venu à l’esprit d’aller consulter nos prêtres, par hasard ? » demanda t-il avec sévérité.
Othon fit un mouvement dédaigneux.
« - Il en est hors de question. Ni les fantassins, ni les fusiliers, ni les prêtres, ni qui que ce soit d’autre, ne doit me voir dans cet état. Du reste, il m’est impossible de me déplacer. Je perds l’équilibre à chaque fois que j’essaie de me lever. »
Le capitaine Dallaire resta silencieux, jaugeant du regard son partenaire. Puis, il s’approcha et posa une main velue et aux doigts boudinés sur le front du capitaine Othon.
« - Vous n’avez aucune fièvre. » claironna le colosse en retirant sa main.
Nouveau silence. Après quelques instants d’hésitation, le docteur Dallaire livra son diagnostic.
« - Vous avez seulement le mal de mer. »
Bon sang. Quel officier brillant. Personne n’aurait pu le deviner à sa place, et surtout pas le principal concerné : le capitaine Sonnecor. Celui-ci acquiesça puis ouvrit la bouche, la referma, la rouvrit puis la referma à nouveau. Inutile d’émettre une remarque cinglante. Sonnecor était trop épuisé pour se livrer à une joute verbale. Au lieu de cela, le capitaine Dallaire agrippa la main de son homologue, puis le tira hors de sa chaise.
« - Venez. J’ai un remède parfait pour vous. Venez, vous dis-je ! » Fit calmement le mastodonte, tandis que le capitaine Sonnecor tentait de résister.
Résolu, le jeune officier se laissa guider par son pair, plus âgé. Ils quittèrent la cabine, la laissant à la merci des vents qui balayaient déjà les rideaux et les parchemins disposés sur le bureau personnel d’Othon. Ils parcoururent les galeries et les coursives du navire-cargo, tandis que Sonnecor comptait machinalement les lampes à pétrole qui oscillaient paresseusement au plafond. Ils gravirent une volée de marches, puis Dallaire poussa une porte. Un trop-plein d’oxygène fit hoqueter le jeune Othon. La porte débouchait sur le pont du navire. Un soleil éclatant rayonnait bien haut dans le ciel. Les icebergs et les plaques de glace flottaient toujours à l’horizon mais, à présent, l’air était moins glacial, remplacé par une douce brise fraiche qui faisait claquer les voiles au gré des vents. Les deux hommes firent quelque pas sur le pont, au milieu des rires et du brouhaha des conversations des matelots. Quelques têtes se tournaient sur leur passage. Un écarlate claironna un « bonjour ! » énergique, tandis qu’il déroulait des cordages.
« - Capitaine ! Heureuse de vous revoir ! » Fit une sémillante quartier-maitre au visage pâle en adressant un salut strictement martial aux deux hommes. Sur leur passage, les hommes et les femmes de la Croisade leur adressaient des compliments, des salutations, ou simplement des sourires.
« - Regardez ! Malgré les privations et les sévices qu’ils endurent depuis tant d’années, ils n’ont pas perdu leur joie de vivre et leur piété ! Leur dévotion à la Lumière est restée intacte ! » Fit remarquer le capitaine Dallaire en soutenant Sonnecor, qui était resté, depuis son départ de la cabine, à l’état de légume vivant. Il devait faire forte impression. C’était nécessaire. Dans un ultime effort, le jeune officier bomba le torse et repoussa le bras du capitaine Dallaire. Il fit quelques mètres, puis manqua de trébucher à cause d’une mauvaise vague qui venait de frapper l’étrave du navire. Dallaire se précipita à ses cotés, le rattrapant de justesse. L’homme éclata d’un rire sonore.
« - Mon ami, je crois que vous devriez attendre un peu avant de marcher sans mon aide ! Tenez, mettez vous là, ici. » Conseilla Dallaire, en le guidant au centre du navire.
« - Voila. Vous y êtes ? » Reprit-il, en gardant une main agrippée sur la nuque du capitaine Sonnecor.
« - Oui. Oui, j’y suis. Et maintenant ? »
« - Maintenant, fixez un point à l’horizon. Restez ici, et concentrez-vous sur ce point, ne ppensez plus à rien. Evidemment, pour cet exercice il vaut mieux ouvrir les paupières, c’est préférable… » Lança un Dallaire plus goguenard que jamais.
Le capitaine Sonnecor maugréa, puis s’exécuta, de mauvaise grâce.
« - J’ai l’impression que vous êtes en train de vous payez ma tête devant nos soldats, Dallaire. »
« - Taisez-vous et concentrez-vous sur votre point. » rétorqua celui-ci.
Quelques minutes s’écoulèrent. Sous les regards amusés de l’équipage, Sonnecor restait immobile, bras ballant, se contentant d’observer l’horizon. Puis, finalement le jeune capitaine secoua la tête et se massa la nuque, complètement frais.
« - Alors ? » demanda Dallaire, satisfait.
« - Bigre ! Je vais mieux, en effet. Où avez-vous appris cette astuce ? » Demanda Sonnecor, surpris.
L’officier, mi-humain, mi-golem laissa apparaître un large sourire sur sa mâchoire carré et mal-rasée.
« - Comme vous, je suppose. J’ai bouquiné. »
Puis, le capitaine rejeta la tête en arrière, se frappant le ventre en éclatant de rire, comme si il avait entendu une bien bonne blague. Il donna une tape amicale sur le dos du capitaine Sonnecor (manquant de le faire tomber à la renverse) puis s’éloigna en direction de la poupe, sans doute dans le but de demander des nouvelles au barreur. Othon resta là, immobile, au milieu du pont.

Cette expédition commençait à devenir longue.
Scarlet Rouge
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Message  Scarlet Rouge Lun 05 Avr 2010, 04:15

26 Octobre de l’an 624 (selon le calendrier du Roi), Quelque part en Mer Gelée.

Cher journal,
Demain, les membres de l’équipage mangeront à la même table. Ce qui inclue les simples matelots et les officiers. Dallaire en a décider ainsi.
Mon mal de mer s’est atténué. Mais le maitre-coq m’a mis à la diète, pour aujourd’hui et pour une partie de la journée de demain. Les prêtres m’ont proposés une consultation ; j’ai refusé.
Scarlet Rouge
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Message  Scarlet Rouge Lun 05 Avr 2010, 04:16

27 Octobre de l’an 624 (selon le calendrier du Roi, Quelque part en Mer Gelée.

Cher journal,
Les jours se suivent et se ressemblent. Depuis notre départ, aucun événement n’est venu perturber notre exode. Nous sommes sous une bonne étoile, sous la protection de la sainte Lumière. Même si j’ai acquis beaucoup de connaissances au sein du foyer familial, je reste bouche bée devant l’immensité de notre monde. Je ne pensais pas que l’homme pourrait s’aventurer aussi loin en mer, ni qu’il aurait la capacité de survivre en un milieu aussi hostile. Les membres de l’équipage partagent aussi ma fascination. Les gens de Lordaeron ne sont pas de grands marins. Ils n’ont pas l’habitude de voir des espaces aussi vastes, aussi étendus et aussi gigantesque. La mer à perte de vue. De tous les cotés. Une mer qui peut-être déchainée, ou paisible, comme ce fut le cas aujourd’hui. Un endroit sain et reposant. Il y’a forcément quelque chose en dessous. Je ne peux pas croire qu’une si grande surface ne puisse rien cacher…




Le jour touchait à sa fin. Au loin, le soleil descendait lentement derrière les eaux pâles du Nord gelée, tandis qu’à l’opposé la Dame Blanche et l’Enfant Bleu, les lunes jumelles, apparaissaient dans le ciel rosâtre du crépuscule. Les voiles du navire projetaient leurs grandes ombres sur le pont. Le brouhaha des conversations s’atténuait à mesure que les matelots regagnaient leur cabine. Chacun se préparait pour le repas à venir. Trois longues tables avaient été installées dans le mess des officiers et, exceptionnellement, les matelots avaient reçu l’autorisation de se joindre à leurs supérieurs. Dallaire se réjouissait de la soirée qui s’annonçait.
« - Outre le fait que ce diner permettra aux hommes de rompre avec la monotonie du voyage, il nous permettra surtout de connaître le ressentiment de nos soldats à propos de cette expédition. » confia t-il au capitaine Sonnecor, lorsqu’il le vit apparaître à l’autre bout de la pièce, vêtu simplement.
« - Dans quel intérêt ? » demanda le capitaine, frappé d’incompréhension.
« - Cela ne vous intéresse pas de connaître leur avis ? » répondit Dallaire, stupéfait.
« - Nous connaissons déjà leurs avis sur la question. Pourquoi croyez-vous qu’ils aient été choisis par Abbendis ? Ils savent ce pourquoi ils combattent, et les raisons qui les ont poussés à s’embarquer dans cette expédition. »
« - Ca ne mange pas de pain de s’en assurer. » termina Dallaire, laconique.

Quelques minutes plus tard, les convives étaient attablés et les conversations s’étaient tues. L’aumônier du navire, un vieil homme au visage ridé, au crâne dégarni et aux sourcils broussailleux fit son sermon habituel, entouré de deux acolytes, mains jointes et visages cachées par leurs capuches relevées. Quand il eut terminé, l’aumônier invita les hommes et les femmes de la Croisade écarlate à prier ensemble. Les croisés s’exécutèrent immédiatement, tendant la main à leur voisin, et baissant la tête pour se recueillir. Dallaire récita quelques paroles en Commun, puis il termina par un faible « Deo Gratias », à peine audible.
« - Le repas peut commencer. » claironna joyeusement le maitre-coq du navire en apportant une énorme marmite sur un chariot. Des soupirs de soulagement accompagnèrent la remarque et les bavardages reprirent, pendant que le maitre-coq passait entre les tables, servant les convives. Une odeur de soupe chaude s’échappait des plats. Un marmiton apporta quelques bouteilles du meilleur vin produit en Lordaeron, un excellent pinot noir des vignes de Malden. Les premiers éclats de rires montèrent dans la salle, et les visages reprirent des couleurs et devinrent moins fermés. Le capitaine Sonnecor posa son regard sur son assiette. De la soupe de poulet.
« - Ca n’est pas un repas comme nous avions l’habitude d’en prendre à la Nouvelle-Avalon, mais cela réchauffe. Et puis, vous auriez tort de vous priver. Il est délicieux ce poulet. » fit le capitaine Dallaire, voyant la mine dépitée de l’officier Sonnecor.
L’intéressé acquiesça, sans être convaincu. Le reste de la soirée passa rapidement. Le capitaine Dallaire n’hésitait pas à converser avec les matelots, en contraste avec le capitaine Sonnecor qui préférait rester sur la réserve. Peu à peu, les assiettes et les bouteilles se vidèrent. Repus et légèrement euphorique, les écarlates étaient disposés à regagner leurs quartiers, le plus rapidement possible. Ce repas de fête n’était pas une si mauvaise idée. Dallaire avait sans doute souhaité offrir aux croisés un peu de chaleur et de convivialité, avant les épreuves du Norfendre.

Le Norfendre se rapprochait.
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Message  Scarlet Rouge Lun 05 Avr 2010, 04:17

( A écouter avec : https://www.youtube.com/watch?v=-hQ0-9Iy6I4&feature=related )

30 Octobre de l’an 624 (selon le calendrier du Roi), Quelque part en Mer Gelée

Cher journal,
Je ne comprends pas ce qu’il vient de se passer. C’est beaucoup trop irréel. Ce ne peut être qu’un cauchemar, un horrible cauchemar. Nous avons subi notre première attaque depuis notre départ du port de la Nouvelle-Avalon. Des embarcations de petite taille et manœuvrée par des géants nous ont attaquées, alors que nous traversions une zone plongée dans une épaisse brume. Nous avons détectés leur présence, mais il était déjà trop tard, hélas. Malgré la confusion et le trouble semé par l’assaut, nos hommes se sont bien battus et nous rendrons honneur à ceux qui sont tombés au combat. Un navire a été perdu durant la bataille. Qui sont ces géants ? Pourquoi viennent-ils interférer dans le conflit qui nous oppose au Roi-Liche ? Y’a-t-il un lien entre le Fléau et ces monstres ? J’imagine que nous le saurons bien assez tôt.




Le capitaine Sonnecor contemplait le plafond de sa cabine. Il venait de se réveiller, et la pièce était plongée dans la pénombre. Le jour ne s’était pas encore levé sur la Grande Mer. Avec difficultés, l’officier s’extirpa de son lit, s’étira en poussant un long bâillement, puis s’approcha de la grande verrière qui lui faisait face. Il effaça la buée qui lui obstruait la vue et colla son visage contre la paroi vitrée. Dans la nuit noire, il pouvait apercevoir les lueurs des lanternes du navire de queue. Tout autour, les vagues et les remous laissés dans le sillage du navire, laissaient refléter la clarté de la lune et des étoiles. Le capitaine esquissa un sourire. Il resta là, immobile devant la fenêtre pendant quelques secondes, à contempler la beauté de cette vision apaisante. Le silence était presque total. Le pont devait être quasiment déserté à cette heure-ci, occupé seulement par quelques veilleurs et des vigies, postées à des points clés du navire. L’officier se détourna du panorama, et alluma la petite lampe à huile trônant sur son bureau. Comme à son habitude le capitaine Sonnecor entreprit de faire une rapide toilette. Il vida le contenu de son pot de chambre dans la Grande Mer, se rasa de frais et revêtit un nouvel uniforme, propre et parfaitement taillé. Puis, il quitta silencieusement sa cabine et rejoignit le pont sur la pointe des pieds. Dehors, les embruns vinrent fouetter le visage du jeune officier. Accoudées au parapet, deux sentinelles discutaient à voix basse, engoncés dans leurs armures. Ils se retournèrent à l’arrivée du capitaine et exécutèrent un parfait salut militaire. Sonnecor salua à son tour, puis les deux hommes reprirent leur conversation. Ca n’est qu’a cet instant, que le capitaine s’étonna de l’épaisse brume saumâtre qui flottait dans l’air. Précautionneusement, l’homme fit quelques pas en direction du bastingage et risqua un œil par-dessus bord. La surface de l’eau était entièrement recouverte par le brouillard, donnant l’impression que le navire flottait sur un nuage. Ca n’était pas la première fois que la force expéditionnaire maritime de la Croisade écarlate traversait de tels écrans de fumées. C’était même assez fréquent ces dernières semaines. Mais dans ce cas précis, la navigation était rendue dangereuse à cause de cette purée de poix. Et plus le temps passait, plus la brume s’épaississait. Le capitaine Sonnecor traversa le pont inférieur, et monta quatre à quatre les marches menant au pont supérieur. A la barre, le timonier et l’officier de quart pestaient contre les imprévus de la navigation en pleine mer.
« - Officier de quart, faites-moi un rapport complet sur les évènements actuels. Quelle est la situation ? » Demanda le capitaine Sonnecor, sans même prendre le temps de saluer ses pairs.
« - Merdique, si vous voulez mon avis.» grommela l’intéressé en remuant sa moustache, sévère.
« - Capitaine, ce brouillard nous empêche de nous diriger convenablement. Impossible de déterminer à quelle distance nous nous trouvons par rapport aux autres navires, ni même si nous suivons correctement leur trajectoire. Si nous nous éloignons du sillage du brise-glace, nous sommes fichus. » Reprit le timonier en jetant des coups d’œil affolés à son compas.
« - C’est étonnant, tout de même. Pourquoi ne pas nous être détourné de notre trajectoire initiale si le parcours présente un aussi grand danger ? Passe encore qu’Abbendis ai fait une telle erreur de navigation, elle n’a suivie aucune formation dans le domaine. Mais Shely ? Welsington ? Hartford ? Ils n’ont pas émis d’objections ? » S’enquit le capitaine Sonnecor, suspicieux.
« - Le brouillard nous a pris de court. Nous n’avons même pas eu le temps de virer de bord, et nous avons été littéralement happés dans les ténèbres. » Répondit l’officier de quart Wilson, se campant une main sur la hanche, l’autre sur la barre, tentant de discerner de possibles signaux lumineux en provenance du navire de tête.
« - Notre vitesse ? » demanda Sonnecor au timonier.
« - 5 nœuds, pour le moment. Les circonstances actuelles nous poussent à adopter une attitude prudente. Habituellement, nous voguons à… 12-13 nœuds, pas vrai Wilson ? »
« - 12-13 nœuds, ouais. 16, parfois, si le temps nous est favorable. » Approuva l’officier de quart.
« - Bien. Restez sur le qui-vive. Si les autres bâtiments de la flotte nous transmettent quelque message que ce soit, prévenez-moi. Si cette brume persiste, il risque d’y avoir de la casse, ou pire. » Fit Sonnecor en redescendant sur le pont inférieur. Les premiers matelots avaient regagnés leurs postes sur le navire. La journée pouvait débuter.

Quelques minutes plus tard, le brouillard s’intensifia plus encore. A présent, les membres de l’équipage n’étaient que des silhouettes diffuses dans le champ de vision de Sonnecor. Le jeune capitaine ne cessait de lever les yeux au ciel, dans l’espoir de constater une hypothétique accalmie.
« - Il semblerait que le climat ne soit pas de notre coté. » constata Dallaire, qui venait de rejoindre le capitaine Sonnecor sur le pont.
« - Oui. Je me demande si les deux précédentes expéditions menées par Lordaeron ont eu à faire face au même phénomène. » Murmura le jeune homme en jetant un regard inquiet par-dessus son épaule, fixant la proue du navire qui s’estompait de plus en plus hors de son champ de vision.
« - En tout cas, le peu de survivants qui en sont revenus n’ont jamais rien mentionnés de tel. Mais cela expliquerait peut-être les disparitions successives de l’amiral Pônevent et du chef-assassin Invar. Ainsi que celles de beaucoup d’autres hommes de troupe. »
« - Sans doute. Lorsque nous poserons le pied en Norfendre, nous lancerons des recherches pour tenter de retrouver des restes de notre dernière expédition en territoire ennemi. Ainsi, le mystère entourant notre intervention sera levé et de nombreuses zones d’ombre seront clarifiées. » Fit le capitaine Sonnecor, sur de lui.
Quelle atmosphère étrange ! Le navire fendait la brume dans un silence total. Le clapotis des vagues contre la coque en bois et les rumeurs des bavardages s’étaient tus. Le capitaine Dallaire resta songeur un instant. Puis il ouvrit la bouche, se ravisa et finalement, demanda :
« - Êtes-vous en train de penser à la même chose que moi ? »
« - Quoi donc ? » interrogea Sonnecor, de moins en moins attentif envers son interlocuteur.
« - Cela ne vous intrigue pas de savoir ce que nous allons découvrir là-bas ? Ce que je veux dire… »
Il marqua un temps de pause, cherchant ses mots. Puis, il reprit :
« - … c’est qu’il y’a peut-être des survivants. Des survivants de notre dernier passage sur les Terres Gelées. »
Ce fut au tour du capitaine Sonnecor de rester songeur. En vérité, l’officier n’avait jamais envisagé un tel cas de figure. C’était tout bonnement improbable. Personne ne pouvait survivre dans de telles conditions. Il hocha négativement la tête.
« - Non, Dallaire. Si les non-morts ne les ont pas tués, le froid s’en sera chargé. Aucun homme ne peut rester en vie aussi longtemps, sans approvisionnements, sans vivres et sans appui extérieur. Chassez cette idée de votre tête, mon ami. Evitez de vous donner de faux espoirs. »
« - Et nous, alors ? Notre flotte ? Elle aussi ne bénéficie d’aucun appui extérieur ! »
Le capitaine Sonnecor ria aux éclats, avant de se ressaisir.
« - Dallaire, nous sommes justement l’appui extérieur. Nous avons procéder à l’extraction de la quasi-totalité de nos effectifs en Lordaeron, pour les redéployer sur le toit du monde. Il ne s’agit pas d’une ridicule petite force expéditionnaire, même si c’est le terme que nous employons. Nous alignons ici une armée entière, une force de frappe capable de débarquer dans la Baie de Coiffedague, de remonter la Désolation des Dragons en colonnes bien organisées et de raser jusqu’aux sols la porte d’Angrathar. Ensuite, nous aurons ouvert un passage en direction du Glacier de la Couronne de Glace. Et la Citadelle de ce fils indigne nous tendra les bras. »
« - Il est vrai que cela semble simple, vu de cet angle. Mais à mon humble avis, notre départ n’a pas du passer inaperçu. Et le Roi-liche doit nous attendre de pied ferme. A supposer que nous ne rencontrions pas de résistance sur les côtes, elle s’intensifiera sans doute à l’intérieur des terres. Sans parler de la Porte du Courroux qui, au mieux sera un appui défensif fléautique qui bloquera notre progression pendant plusieurs semaines, au pire risque d’être une forteresse inexpugnable. En outre, il est clair que nos troupes ne sont pas faites pour le combat en conditions extrêmes, sous la neige et le blizzard. Nos soldats sont plus adaptés aux batailles de forte intensité, sur des terrains plats et disposant d’un large champ de vision, avec un climat tempéré, comme en Lordaeron ». Remarqua sombrement Dallaire.
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Message  Scarlet Rouge Lun 05 Avr 2010, 04:18

Le capitaine Sonnecor leva la main, objectant :
« - Pas du tout. La population de Lordaeron connaît le terrain montagneux. Certain des hommes qui sont sous notre commandement ont vécu à Stranhbrade, une ville nichée à mi-hauteur des monts Alterac. Les autres apprendront. Du reste, notre équipement convient parfaitement au type de climat que nous allons rencontrer. Ne l’oubliez pas, Dallaire : nous sommes une unité d’élite. Rien, pas même le climat et les blessures ne nous stopperont. Nous allons marcher sur la Citadelle, et nous fabriquerons des cure-dents avec les os de ce chien d’hybride non-mort blond. » Maugréa le capitaine Sonnecor, entre ses dents.
Soudain, le timonier et l’officier de quart s’agitèrent sur le pont supérieur.
« - Capitaines ! Capitaines ! Des signaux lumineux en provenance du navire de tête ! »
Dallaire et Othon gravirent quatre à quatre les marches menant au gaillard d’arrière. Les yeux plissés, le timonier pointait du doigt l’horizon leur faisant face. Un faible halo de lumière était visible, transperçant la brume épaisse. Dallaire et Sonnecor tirèrent leur longue-vue, afin de mieux observer le phénomène.
« - Ils nous donnent l’ordre de rester vigilants. » décrypta l’officier de quart, penaud.
« - Dans quel but nous transmettre cet ordre ? C’est une évidence ! Nous sommes vigilants à chaque instant ! » Tonna Dallaire.
« - Il doit y’avoir une raison précise. Ils ont surement vus quelque chose d’anormal. » Murmura Sonnecor, entre ses dents.
Quelques minutes s’écoulèrent, durant lesquelles ils restèrent silencieux, continuant d’observer le signal lumineux, attendant d’autres ordres. Soudain, un fracas terrible secoua le navire. Sonnecor et Dallaire s’observèrent stupéfaits, puis les deux officiers baissèrent les yeux en direction de l’équipage. La pointe d’un gigantesque harpon était fichée dans le parquet ciré du pont, ne laissant dépasser que la longue hampe de l’arme. Tout autour, les matelots étaient couchés au sol, frappés de stupeur et d’incompréhension. La réaction des officiers ne se fit pas attendre.
« - Déclenchez l’alerte ! Tous à vos postes de combat ! Armez les pièces d’artillerie ! Nous sommes attaqués ! » S’époumona Sonnecor par-dessus le parapet de la dunette. Un artilleur obèse fit tinter la clochette d’alarme. Aussitôt, l’équipage s’activa. Des canons d’artillerie de plus ou moins gros calibres furent alignés sur le pont, et placés sur les flancs du navire. Les hommes se pressèrent dans l’armurerie de la cale, s’emparant d’épées, de haches, de masses et d’armes à feu. Le capitaine Sonnecor arrêta un moussaillon d’une dizaine d’années.
« - Fayolle, hissez nos couleurs ! Que nos assaillants tremblent devant nous ! »
La chute d’un second harpon vint saluer cet ordre. Il se planta dans le sol du gaillard d’avant, sans causer de pertes. Sonnecor se tourna vers l’équipage, qui s’affairait sur le pont.
« - Mobilisez toutes nos pièces ! Je veux qu’elles soient mises en place sur le pont principal et sur le pont de batterie ! » Hurla l’officier.
Dallaire se pencha par-dessus l’épaule de son homologue.
« - C’est un cargo ! Un simple navire-marchand. Nous n’avons aucun pont de batterie ! » Susurra le colosse en s’épongeant le front.
Sonnecor resta perplexe. Comment avait-il pu oublier ? Ce rafiot n’était même pas un navire de guerre.
A présent, l’équipage formait une foule compacte sur le pont. Les artilleurs, tête nues ou coiffés de bandeaux écarlate, versaient de la poudre noire dans leurs canons, avant d’enfoncer une bourre à l’aide de refouloirs, et d’armer la pièce avec un unique boulet, par la gueule. Les servants des canons étaient rapides, précis dans leur gestes et commettaient rarement d’erreurs. Huit années de guerre leur avaient sans doute permis d’affiner leurs compétences. Les fusiliers, eux, équipés de tromblons, de mousquets et de couleuvrines chargeaient également leurs armes. Arpentant le pont de long en large, les sous-officiers aboyaient leurs ordres, tandis que les mousses démêlaient et rangeaient les cordages abandonnés par les matelots dans l’action. Brusquement, une volée de flèches enflammées vint frapper le navire. Fauchés par les projectiles, une vingtaine d’hommes s’effondrèrent au sol, dans d’affreux râles de douleur, tandis que les flammes se propageaient sur tout le navire et également sur les corps des malheureux. Quelques écarlates tentèrent d’étouffer les grandes flammèches bleutées qui venaient lécher les corps des matelots, à l’aide de couvertures ou en les faisant rouler sur le sol détrempé du pont. L’un des blessés causa une panique indescriptible : il se releva en flammes, et courut sur le pont du navire, bras écartés, hurlant de douleur, tandis que les marins écarlates s’écartaient vivement sur son passage.
« - Que quelqu’un fasse quelque chose ! » hurla une jeune zélote, horrifiée.
« - Roule au sol ! Roule au sol ! » Tonna un soldat filiforme en tentant de le stopper dans sa course folle.
Dallaire observait avec horreur le pauvre bougre courir de long en large, en hurlant qu’on en finisse avec lui. Soudain, l’homme se retrouva prisonnier d’un énorme bloc de glace et les flammes disparurent.
Trois mages de bataille venaient de faire leur apparition sur le pont. Quelques flocons de neige s’échappèrent de la paume de l’un d’eux, alors qu’il abaissait sa main.
Dallaire poussa un soupir de soulagement. Il n’aurait pas pu supporter ce spectacle plus longtemps. Il n’oublierait jamais cette vision d’effroi, il en était certain.
« - Eteignez les foyers ! » hurla un marin, tandis que l’incendie se propageait rapidement autour d’eux.
Une nouvelle salve de flèches vint le cueillir alors qu’il finissait sa phrase.
« - Je n’ai aucun visuel sur l’ennemi ! Je ne vois rien ! Vous les voyez-vous ?! » Demanda un fusilier en tournant frénétiquement la tête de droite à gauche, les yeux hagards.
L’ennemi était invisible. Depuis que le combat s’était engagé, les écarlates n’avaient pas pu apercevoir la moindre unité hostile. « Ils » rodaient dans les parages. « Ils » devaient s’amuser et se réjouir de la panique qu’ »ils » étaient en train de causer. L’affrontement risquait de tourner au désastre. Au bas de la dunette, les écarlates tentaient de contenir l’incendie qui se formait, à grands renforts de seaux et de lances à eaux. Un lieutenant grimpa rapidement les marches menant au gaillard d’arrière, à l’emplacement de la barre. Il salua rapidement les capitaines Sonnecor et Dallaire.
« - Officiers, nos hommes n’ont pas de cibles. Nous ne pouvons pas riposter et nous ne pouvons même pas tenter une manœuvre de dégagement avec cette fichue banquise. Quels sont les ordres ? »
« - Inutile que nos soldats s’acharnent à trouver une cible. Faites le nécessaire : éteignez l’incendie et mettez les blessés en cale. Les prêtres s’en chargeront. »
Au même moment, une nouvelle salve de flèches faucha une dizaine d’écarlates supplémentaire, rapidement suivis par un harpon enflammés et enduit d’huiles minérales, qui frappa le flanc droit du navire. Une cinquième salve de flèches frappa de plein fouet les grandes voiles du mat de misaine, qui s’enflamma spontanément. Un archer, juché sur une vergue du mat, chuta de son perchoir, touché par l’un des projectiles acérés. Les planches du parquet du pont s’effondrèrent sous son poids, ne laissant qu’un trou béant.
« - Messieurs, quels sont les ordres ?! » répéta le jeune lieutenant alors qu’ils assistaient, impuissant, à la catastrophe qui se jouait sous leurs yeux.
« - Lieutenant, baissez la voile du mat de misaine et éteignez-moi ce fichu incendie. Il faut contenir les flammes. » Ordonna Dallaire, d’un ton ferme.
« - Ce sera fait, monsieur. » fit le lieutenant en claquant des talons, avant de faire demi-tour et de redescendre quatre à quatre les marches menant au pont.
La panique était indescriptible. Les écarlates étaient en train d’éteindre les incendies qui s’étaient déclarés, ils étaient en train de mettre les blessés en lieu sur, mais aucun n’était en train de combattre.
Sonnecor s’approcha du capitaine Dallaire.
« - Nous sommes en train de perdre le contrôle de la situation. Que proposez-vous ? Nous devons riposter, Dallaire. Il est impossible de perdre une bataille, sans même avoir eu le temps de tirer une seule cartouche ! » Fit le capitaine Othon en bafouillant.
« - Nous devons tirer une fusée éclairante. Quelle est la situation sur les autres navires ? » S’enquit le colosse en se tournant vers l’officier de quart.
« - Cela n’annonce rien de bon, capitaine. Les signaux lumineux ont cessés et j’ai l’impression de voir des flammes sur le navire qui nous suit. » Déclara l’homme, en quittant l’objectif de la longue-vue, de son regard.
« - Toute la flotte est attaquée en ce cas. Impossible de coordonner nos actions. Débrouillons-nous seuls, pour une fois. » Fit le capitaine Sonnecor en se tournant vers Dallaire.
L’homme acquiesça, puis il tira un pistolet au canon grossier, de son ceinturon. Il le leva bien haut en direction du ciel et pressa la détente. Il y’eut un « blop ! » sec et un point rouge lumineux monta dans le firmament. Quelques secondes s’écoulèrent, pendant lesquelles un déluge de flèches tomba, éparses, sur le pont et dans les voiles. Finalement, une intense explosion lumineuse illumina le navire et ses alentours, perçant l’intense brume et les ténèbres environnantes. S’arc-boutant contre le bastingage, le capitaine Sonnecor s’empara de sa longue-vue, et fixa l’horizon. Le profil d’une petite embarcation se découpait au loin, et elle semblait se rapprocher.
« - Là ! Contact visuel à bâbord ! « Haleta Sonnecor en se tournant vers l’équipage.
« - A tribord aussi ! Deux unités non-identifiées ! » Fit Dallaire en pointant du doigt les silhouettes de deux navires de petite taille.
« - Esarus thar no’Darador ! Feu ! » Vociféra Sonnecor en tirant son épée.
« - Feu ! »
« - Feu ! » Reprirent les chefs des batteries d’artillerie en abaissant la main.
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Message  Scarlet Rouge Lun 05 Avr 2010, 04:19

Simultanément, les canons ouvrirent le feu, dans un vacarme assourdissant. Le recul impressionnant des pièces ne fut contenu que par les bragues, sorte de cordages les retenant contre les bords du navire. L’odeur de la chair brulée laissa place à celle de la poudre. Le capitaine Sonnecor fixa les navires hostiles à l’aide de sa longue-vue. Une seconde s’écoula. Puis, les boulets retombèrent dans l’océan, frappant la glace de la banquise et manquant leurs cibles.
« - Rechargez ! » ordonna Dallaire, en constatant l’échec des tirs.
« - Rechargez ! » hurla un matelot, en relayant l’ordre aux autres batteries.
Aussitôt, les artilleurs rechargèrent leurs canons, les armant par la gueule en versant autant de poudre que possible. Soudain, une pluie de nouvelles flèches tomba sur les hommes d’équipage, tuant et blessant quinze hommes sur le coup.
« - Remplacez les artilleurs blessés ! » s’époumona un lieutenant, tandis que les moussaillons mettaient les infirmes en lieu sur.
« - Archers ! Répliquez ! » Gronda Dallaire, passablement énervé par l’inefficacité de la riposte.
Les archers, présent sur les vergues des mats, bandèrent leurs arcs, et décochèrent leurs flèches, simultanément. A cette distance, il était impossible de savoir si oui ou non, les archers avaient fait mouche. En tout cas, les écarlates l’espéraient.
« - Capitaines ! Batteries prêtes à ouvrir le feu ! » Brailla un artilleur, blessé à la main.
« - Feu ! » s’époumonèrent en cœur les deux officiers.
Une fois encore, les canons ouvrirent le feu. Et une fois encore, ils manquèrent leurs cibles. Le capitaine Sonnecor lança un juron.
« - Dallaire ! Leurs navires sont trop rapides et très manœuvrables. Impossible de les aligner ! »
« - Ce ne sont pas des navires de ligne ? » demanda Dallaire, étonnée.
« - Négatif ! Ce sont des… euh… »
Le capitaine Sonnecor fixa à nouveau les unités hostiles pour s’en assurer.
« - Ce sont… je ne sais pas ! De petits navires avec d’effroyables figures de proue ! Ils se rapprochent ! »
Dallaire décrivit un tour sur lui-même, fixant toujours l’horizon à travers la lunette de sa longue-vue. Cette fois, les embarcations inconnues étaient bien visibles et elles se rapprochaient rapidement. Des navires à fond plat et construits en bois. Avec de redoutables figures de proue représentant des monstres difformes.
« - Ils viennent porter le coup de grâce… » Souffla Dallaire.
« - … Et ils vont tenter de nous aborder ! Aux armes ! Préparez-vous au corps-à-corps, soldats ! » Beugla Sonnecor en se penchant au-dessus du pont.
Les fusiliers fixèrent leurs baïonnettes et les matelots tirèrent leurs épées. La détermination se lisait sur tous les visages. Il était temps de laver l’affront commis par « eux ».
« - Artilleurs ! Rechargez ! » Cria Sonnecor à l’attention des servants d’artillerie.
L’opération ne prit qu’une minute. Silencieux, les croisés attendaient. Aucun nouvel ordre n’avait été émis, et ils tournèrent leurs regards en direction du capitaine Dallaire et de son homologue, Sonnecor. Celui-ci reprit son observation à la longue-vue. Il était capable de distinguer l’équipage et…
« - … Par la Lumière. »
« - Un problème ? » demanda Dallaire en fixant à son tour le drakkar hostile.
Il retint un cri de surprise.
« - Oh bon sang. »
Bien alignés dans chacun des navires, de véritables géants hauts de plusieurs mètres, ramaient en vociférant des cris de guerre. A la proue de l'une des embarcations, ce qui semblait être leur chef les haranguaient. Leurs hurlements étaient perceptibles à présent. Les écarlates se regardèrent sans comprendre. Des cris d’humains ? En Norfendre ?
« - Matelots ! Nous allons affronter une menace encore inconnue en ce jour. Pas un pas en arrière ! Nous combattrons jusqu’au bout, pour la gloire de l’Aube écarlate ! Quiconque se mettra en travers de notre route, sera réduit en pièces ! » Vociféra Dallaire en fixant l’équipage de ses yeux gris.
Une clameur d’approbation accompagna ses paroles. Les navires hostiles étaient tout proches maintenant. Pris en tenaille, la flotte écarlate n’avait d’autre choix que de combattre à présent.
« - Attendez… Attendez… » Tempéra Sonnecor en voyant que les artilleurs souhaitaient en découdre.
Au loin, la canonnade retentissait, signe que les autres navires de la flotte étaient eux aussi ouvertement attaqués. Une odeur de sang, de poudre et d’iode mêlées flottait dans l’air. Les navires ennemis étaient à présent si proches, que Sonnecor pouvait entendre chaque phrase des assaillants.
« - Mjurl orm agn gjor ! » Beugla une voix rauque.
« - Artilleurs ! Archers ! Fusiliers ! Feu ! » Répondit Dallaire, dans un Commun parfait.
Une tempête de feu et d’acier déferla sur les embarcations ennemies. A bout portant, les pièces d’artillerie, les tromblons et les mousquets avaient peu de chance de ne pas faire mouche. Un boulet, sur lequel était gravé le prénom « Terenas » vint briser la figure de proue d’un des drakkars, décapitant la sculpture représentant un immense dragon. Le chef des géant, qui s’était installé à l’avant de son navire, paré à l’abordage, s’effondra, transpercé de part en part de balles et de grenailles de tailles diverses. La boule de feu d’un mage de bataille vint enflammer l’une des trois fragiles embarcations. Les rameurs géant, bien alignés et en rangs dans leurs navires, constituaient des cibles de choix pour les archers et les fusiliers. Ils s’effondrèrent les uns après les autres, fauchés par les tirs croisés des écarlates. Des éclats de bois et des échardes volèrent de toutes parts, sous les impacts des balles et de la mitraille. Un géant se leva en hurlant, brandissant une imposante hache avec rage. Il tressauta sous les rafales conjugués des armes à feux, avant de vaciller sur lui-même et de se laisser tomber dans l’océan gelé. Les survivants firent rapidement demi-tour, aidé par l’extrême mobilité de leurs navires. La fusillade n’avait pas duré plus de dix minutes. En dix minutes, les assaillants avaient été battus à plate couture. Les écarlates exultaient, fiers d’eux-mêmes.
« - Victoire ! » Fit le capitaine Sonnecor en levant les bras au ciel.
« - Si c’est une victoire, je me demande à quoi ressemblerons nos défaites. » fit le capitaine Dallaire, sombre, en montrant le navire dévasté par la bataille. L’incendie avait repris et le pont endommagé était maculé de sang et de cendres. Et pendant ce temps là, les écarlates continuaient de pousser des cris de joie.

Un navire fut perdu dans l’affrontement. Et beaucoup d’hommes furent tués.
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Message  Therod Aoun'dore Lun 05 Avr 2010, 13:08

(HRP) Que dire, sinon Shocked Shocked Shocked

Waw... waw... rewaw... j'adore. (/HRP)
Therod Aoun'dore
Therod Aoun'dore


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Journal d'un capitaine écarlate en Norfendre. Empty Re: Journal d'un capitaine écarlate en Norfendre.

Message  Scarlet Rouge Mer 07 Avr 2010, 02:46

En ce cas, je poste la suite. Troll
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Message  Scarlet Rouge Mer 07 Avr 2010, 02:47

( A écouter avec : https://www.youtube.com/watch?v=Abig05PwGAY&feature=related )

31 Octobre de l’an 624 (selon le calendrier du Roi), Quelque part en Mer Gelée.

Cher journal,
Le bilan des pertes a été établi. Et il est lourd. Nous avons eu de la chance. Trois drakkars seulement nous ont attaqués. En comparaison, la « Folie du Pêcheur » le navire-amiral de la flotte, a été assailli par une dizaine d’embarcations hostiles. Notre force expéditionnaire a perdu un navire-cargo ainsi que la totalité de l’équipage embarqué à bord. En outre, nous déplorons également la perte, la disparition et la capture d’hommes d’équipage des différents bâtiments engagés dans l’affrontement. Puissions-nous être en mesure de tirer leçon de cette défaite à l’avenir. Une mauvaise stratégie, une mauvaise préparation au combat naval et un équipement inadapté à ce type de guerre nous ont conduit à la catastrophe. Sans le professionnalisme et l’extrême sang-froid de nos forces armées, notre équipée se serait terminée prématurément.




« - Les dépouilles ? »
« - Dans la cale. »
« - Très bien. Nous les immergerons le plus tôt possible. Dès demain, en vérité. Je ne veux pas provoquer de crise sanitaire sur notre navire. »
Le capitaine Sonnecor se leva de sa chaise et se dirigea en direction de la grande verrière du mess des officiers. Le temps était maussade, plongeant la grande pièce dans la pénombre. Dallaire versa un peu de thé dans sa tasse, pensif. Depuis l’attaque, une chape de plombs s’était abattue sur le navire. Les hommes parlaient peu, les visages étaient devenus mélancoliques, moroses. Durant les repas, les écarlates parlaient peu, ils ne plaisantaient plus comme ils le faisaient autrefois. Le souvenir des camarades tombés au combat était encore trop vivace. Dallaire ne cessait de repenser au matelot transformé en torche vivante et qui avait semé la panique sur le pont. Quelques heures après la bataille, il était allé demander de ses nouvelles aux prêtres du navire, qui l’avaient rassuré en lui affirmant que son état était stable et encourageant. Mais cette vision atroce l’accablait.
« - Nos pertes totales s’élèvent à combien d’hommes ? » demanda le capitaine Sonnecor.
Dallaire baissa rapidement les yeux sur le parchemin déroulé sur la table, devant lui.
« - Environ 2.000 hommes. 1.500 tués au combat, 400 prisonniers de guerre et une centaine de disparus. » Répondit-il finalement en sirotant une gorgée de son breuvage.
Le capitaine Othon secoua la tête, dépité. Il regagna la table et s’installa face à Dallaire. Avachi sur la chaise, Sonnecor garda les yeux rivés vers le sol, le regard vague.
« - Quelle hécatombe. Des blessés ? »
« - Deux milliers de blessés. Blessures légères et graves. » Répondit Dallaire, laconique.
« - Quelles sont les pertes sur notre navires ? »
« - Une cinquantaine de morts. Estimons-nous heureux. Nous n’avons payés qu’un léger tribut durant cette bataille. Nos hommes ont repoussés avec succès ces géants dégénérés, alors qu’ils s’apprêtaient à nous aborder. Si leur tentative avait été une réussite, le bilan aurait été encore plus lourd. Vous et moi savons parfaitement que les combats au corps-à-corps, dans des espaces confinés, sont très meurtriers. » Fit Dallaire en reposant sa tasse.
« - Bien sur. Nous avons perdus un navire, n’est-ce pas ? Qui commandait le navire ? Hartford ? Welsington ? » Questionna Sonnecor, en déboutonnant le col de son uniforme.
« - Le capitaine Ingram. Tout comme le reste de son équipage, il a été capturé par l’ennemi. Impossible de connaître leur sort. »
« - Nous en avons bien une petite idée. Nous ne voulons tout simplement pas admettre qu’ils sont morts. » Déclama Sonnecor, d’une voix rauque.
Dallaire hocha la tête, s’emparant de la théière. Il en versa dans sa tasse, avant de faire mine d’en proposer à Sonnecor. L’officier refusa poliment, et reprit :
« - Je donnerais cher pour connaître l’identité de ces géants, leurs motivations et le lieu depuis lequel ils lancent leurs assauts. En fait non. Je me contrefiche de leurs motivations. Je veux seulement connaître leur habitat d’origine. Je veux razzier leurs villages, brûler leurs maisons, et les tuer. Tous. »
« - Ou les interner. » ajouta Dallaire, tout en déposant deux morceaux de sucre au fond de sa tasse.
« - Ah, non. Surement pas. Nous avons vu ce qu’a donné l'internement des Orcs, à la fin de la Seconde Guerre. Ils ont participés à des activités subversives, au moment même ou le Fléau se propageait en Lordaeron. Ils nous ont poignardés dans le dos, alors que nous leur avions laissés la vie sauve. Non, non. Croyez-moi, Dallaire. Lorsqu’une nation soumet un peuple, elle doit l’éliminer. L’éradiquer. Purement et simplement. Il ne doit rien rester du peuple vaincu. Même le patrimoine doit disparaître. » Cracha Sonnecor, en se penchant sur la table.
Dallaire resta silencieux, se contentant de remuer, à l’aide d’une cuillère à café, le breuvage encore chaud que contenait sa tasse. Il fit tinter l’ustensile contre le récipient, porta la cuillère à sa bouche, puis la déposa sur la table, avant de siroter à nouveau son thé. Ils restèrent silencieux pendant quelques instants.
« - Notre brise-glace a subi des dégâts ? » demanda Sonnecor, en rompant le silence qui s’était installé.
« - Sur les quinze navires de notre flotte, c’est sans aucun doute possible, celui qui a le moins souffert. Peut-être parce qu’il se trouvait à proximité de la « Folie du Pêcheur », celui qui a suscité toute l’attention de l’ennemi. »
« - Abbendis, Jordan et les autres ne sont pas trop secoués ? »
« - Pas que je sache. Pas que je sache. » Répondit Dallaire, en avalant une gorgée de son thé.
« - Bien. Analysons les causes de notre défaite, voulez-vous ? Il y’a deux éléments qui ressortent bien en évidence, parmi les nombreux facteurs que l’on peut évoquer lors d’une bataille. »
« - Lesquels ? » demanda Dallaire avec intérêt.
« - Le premier élément : l’inefficacité de nos navires lourds et lents, face aux drakkars ennemis beaucoup plus manœuvrables et plus petits. Nos bâtiments de guerre n’en sont pas. En vérité, ce sont juste des navires marchands auxquelles on a grossièrement ajoutés quelques canons pour faire bonne figure. Il n’y a que la « Folie du Pêcheur » qui ait été en mesure de repousser, avec succès, un grand nombre d’assaillants. Nous n’avions à notre disposition qu’un nombre limité de batteries. Les batteries. Parlons-en ! Elles ont été incapables de cibler avec précision les navires ennemis, autrement qu’à courte portée... »
« -…Parce que les navires ennemis étaient ridiculement petits. » Coupa Dallaire.
« - Oui. Et justement, à contrario, nos bâtiments constituaient des cibles de choix. Grands, gros, lents, se déplaçant sur une trajectoire bien droite… Inutile de s’appeler Garithos pour connaître le résultat de la bataille. » Fit Sonnecor, avec fatalisme.
Dallaire arqua un sourcil, brusquement envahi par le doute.
« - Depuis tout à l’heure, capitaine Sonnecor, vous me parlez de défaite. Je ne sais pas s’il s’agit du terme approprié. On ne peut pas vraiment parler de « défaite », alors que l’ennemi n’a pas rempli ses objectifs, à savoir : détruire et stopper notre flotte. Nous serions même plutôt victorieux, puisque nous avons défendus la majeure partie des navires, avec succès. »
« - Vous les connaissez, vous, les objectifs de ces géants ? Peut-être qu’ils ne voulaient pas nous stopper. Peut-être qu’ils lançaient… un avertissement. » Hésita le capitaine Sonnecor, en croisant les jambes.
« - De toutes façons, en attente de plus d’éléments de réponse, nous ne pouvons que spéculer. Le fait est que nous avons protégés la flotte, et c’est ce qui compte. »
« - Les pertes ennemies ? »
« - Nous ne pouvons faire qu’un bilan approximatif de nos propres pertes, alors celles de l’ennemi, n’y comptez même pas. » Fit Dallaire en reposant sa tasse, vide.
« - Bien, j’en viens donc au second élément : la localisation tardive des forces opposées. Cette brume nous a rendus complètement aveugle. Nos navires avançaient à tâtons, et je n’exagère rien. C’est presque un miracle si nous sommes parvenus à rester dans le sillage de notre brise-glace… »
« - Je ne vois aucun miracle. Juste des navigateurs très compétents. » Rectifia Dallaire, en esquissant un sourire.
« -…Et cette incapacité à découvrir les navires ennemis nous a été fatale. » Poursuivit Sonnecor, en ignorant totalement le commentaire de son homologue.
Dallaire hocha la tête, approbateur.
« - Je suis d’accord. Ils nous ont surpris le pantalon sur les chevilles, si je puis dire, et tout cela à cause de cette maudite brume. D’ailleurs, vous n’y voyez pas un peu de sorcellerie ? Cette brume est apparue quelques jours avant l’assaut. Deux jours avant, si je ne m’abuse. J’ai commenté le phénomène sur mon journal de bord. » Fit Dallaire, en soupesant la théière, avant de s’apercevoir qu’elle était vide et de la reposer.
« - Vous insinuez que cette brume est peut-être une de leurs œuvres ? » Demanda Sonnecor, en fronçant les arêtes du nez.
Dallaire s’avança sur sa chaise, en haussant les épaules, le regard rivé sur la grande verrière de la pièce.
« - Je ne sais pas. C’est possible, non ? En tout cas, tout cela est bien mystérieux, vous en conviendrez. Nous sommes en droit de nous poser des questions. Surtout que mon hypothèse est plutôt plausible. Les éléments sont très malléables pour certains Orcs et Draeneïs. Pourquoi pas la météo ? »
Sonnecor resta silencieux. L’officier lança un regard inquiet vers la mer démontée, l’observant à travers la verrière du mess des officiers.
« - Nous redoublerons de prudence à l’avenir. Abbendis n’a pas mentionné de réunion entre officiers ? »


Dernière édition par Othon Sonnecor le Mar 13 Nov 2012, 01:57, édité 3 fois
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Message  Scarlet Rouge Mer 07 Avr 2010, 02:47

« - Du tout. Le messager de ce matin n’a rien mentionné de tel. Il a affirmé que l’attaque d’hier avait motivée la généralissime à accélérer la cadence. Elle veut atteindre le Norfendre le plus rapidement possible. Ensuite, l’homme est remonté dans sa chaloupe et il est reparti en direction de la « Folie du Pêcheur ». Il n’a rien dit de plus. » Rapporta Dallaire.
« - Bien. Alors nous n’avons plus qu’à espérer une accalmie. Et que la Lumière nous amène en Norfendre, le plus rapidement possible. » Conclut Sonnecor en se levant de sa chaise et en reboutonnant le col de son uniforme.
« - Et "votre" Hurlevent ? Elle ne vous manque pas ? » Demanda Dallaire, amusé.
« - Du tout. Si vous pouviez voir la faune qui arpente les rues de la ville, vous en auriez des frissons. Mon pays, c’est Lordaeron. Il s’agit de la nation en laquelle je porte tous mes espoirs. »
« - C’est frustrant de se battre si loin de notre patrie, n’est-ce pas ? »
« - Non. L’avenir de Lordaeron dépend de notre victoire ici. Lorsque les armées écarlates porteront le coup fatal au Roi-liche, lorsque tous les symboles du Fléau seront détruits et lorsque l’épuration des non-vivants aura commencée, la Croisade écarlate sera réhabilitée aux yeux de tous les humains. Quel gaspillage insignifiant de vies humaines, en comparaison de notre victoire éclatante ici. Tous nos actes, toutes nos œuvres, toutes nos prétendues « atrocités » seront enfin justifiées. » Fit Sonnecor, rayonnant.
« - Et si nous échouons ? » S’enquit Dallaire.
« - La défaite n’est pas envisageable. C’est presque indécent d’en discuter. Si nous échouons, alors ce sera un aveu de faiblesse. Et nous mériterons tous la mort. Il n’y a qu’une seule issue possible pour nous : la victoire. Au mépris de nos propres vies. Jamais un si petit nombre d’homme n’aura combattu pour un si grand sacrifice. » Clama Sonnecor en traversant la pièce et en quittant celle-ci.
Une vague d’air froid pénétra dans la pièce lorsque la porte menant à l’extérieur s’ouvrit, puis le calme revint. Dallaire était toujours assis sur sa chaise, pensif. Sonnecor avait raison. La Croisade écarlate ne pouvait pas échouer.

Mais l’Assaut écarlate ?


Dernière édition par Othon Sonnecor le Mar 13 Nov 2012, 02:00, édité 1 fois
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Message  Scarlet Rouge Ven 09 Avr 2010, 05:08

( A écouter avec : https://www.youtube.com/watch?v=zcM7x-LGDGc&feature=related )

1er Octobre de l’an 624 (selon le calendrier du Roi), Quelque part en Mer Gelée.

Cher journal,
Aujourd’hui a eu lieu la cérémonie d’adieu aux hommes tombés au champ d’honneur. Inutile de dire que le moral des troupes est au plus bas. C’est toujours la même chose lorsque des écarlates meurent : il faut que les vivants se dévouent à bruler les corps, et à tenir un registre des décédés. Et ensuite, les croisés pleurent toutes les larmes de leurs corps pendant des jours. Avant d’être tués à leur tour, et ainsi de suite. Personne ne s’en réjouit, mais les morts sont nécessaires. Tous les écarlates le savent. Les populations de Lordaeron ne peuvent pas toutes s’exiler vers le Sud et mettre la tête dans le sable. Si personne ne prend les armes, nous n’obtiendrons jamais la victoire. Et cela, après plusieurs années de conflit, les écarlates l’ont bien compris. [phrase raturée] Pour en revenir aux morts, il y’a cependant un avantage lorsque l’on est en mer : les vivants n’ont pas à subir l’épouvantable odeur de chair brulée qui se dégage des charniers lors de la crémation. En plein milieu de l’océan, il nous suffit de rejeter les dépouilles à l’eau. Le Fléau peut se lever tôt pour les relever. Pas d’odeur, pas de cendres. C’est plus propre et nous n’en venons pas à maudire les défunts d’être morts, et de nous laisser comme cadeau d’adieu, leur odeur pestilentielle.




Le ciel était clair. Les voiles du navire battaient et claquaient aux vents. La brume s’était dissipée. Aucun navire hostile n’était en vue. Finalement, les géants avaient eu la bonté d’offrir des funérailles paisibles à la cinquantaine de corps qui reposaient au sol, sur le parquet du pont, leurs hamacs repliés autour d’eux, seuls linceuls de fortune disponible à bord. Ils étaient bien alignés, les visages non-découverts. Tout autour, les matelots écarlates formaient une rangée compacte, grelottante et abattue. L’œil vitreux, les épaules affaissés, le dos vouté, les zélotes ne pouvaient que constater l’infamie. Les blessés capables de se déplacer, s’étaient tous rendus sur le pont pour assister aux adieux. Ils étaient là, bras en écharpe, le torse couvert de bandages, s’appuyant sur des béquilles de fortune, certain aveuglés par un bandeau leur ceignant le crâne. Ils étaient tous venus pour rendre hommage à leurs amis, leurs camarades, leurs frères d’armes. Certains avaient déjà assistés aux funérailles collectives d’écarlates tombés au combat. Mais à chaque fois, la même douleur leur étreignait la poitrine et leurs yeux embués de larmes les faisaient souffrir plusieurs jours après. Personne ne s’habituait à un tel spectacle. Et surement pas les officiers, qui avaient la lourde tache de claironner les noms des défunts. Près du bastingage, deux hommes maintenaient une large planche entre leurs mains, en suspension au-dessus des eaux foncées de la Mer Gelée. La planche était recouverte d’un élégant drap blanc, frappée du « L » rouge de la Croisade écarlate. L’aumônier du navire s’avança d’un pas hésitant sur le pont, suivi de près par deux de ses acolytes, capuches relevés et croisant les manches de leur soutane contre leur taille. S’appuyant sur son bâton, le vieil homme vint se planter devant les deux capitaines du navire, Sonnecor et Dallaire. Ces deux dernier se tenaient debout, face à la rangée des dépouilles, prêts à débuter la cérémonie. Tous les yeux étaient braqués sur eux.
« - Quand commencerons-nous ? » murmura l’aumônier, en se penchant vers les deux hommes.
« - Tout de suite, excellence. Nous n’attendions plus que vous pour diriger la prière. » Répondit Sonnecor en baissant la voix.
L’aumônier fit alors face à l’assemblée. Il adressa un signe discret à l’un de ses acolytes, qui se dévoua pour présenter devant son visage, un épais livre de prière, à la bonne page. Se campant sur son bâton, le vieil homme chaussa ses lorgnons et débuta la prière. Les officiers et le reste de l’équipage, l’accompagnèrent dans ses litanies. Elles durèrent quelques minutes, pendant lesquelles les hommes répétèrent avec ferveur les paroles prononcées par la voix chevrotante du vieil aumônier. Puis le clerc leva les mains au ciel, et prononça un « Deo Gratias » sur un ton chantant. Là encore, les hommes l’imitèrent, et le faible murmure qui parcourait l’équipage rassemblé, se tut.
« - C’est à vous, capitaine Sonnecor. » murmura Dallaire en baissant les yeux.
Le jeune officier s’avança, puis il déroula le long parchemin qu’il tenait en main depuis le début. Des noms. Des dizaines de noms côtoyant des grades. Et il fallait que quelqu’un les énonce. Tous. Sonnecor s’éclaircit la voix, puis il débuta sa lourde tache. La peur au ventre, à l’idée d’écorcher un nom ou de bafouiller, il commença à prononcer le nom des défunts.
« - Seamus Leggett. Soldat. »
Comment donner un nom à tous ses matelots, avec leurs hamacs enroulés autour de leur corps ?
« - Matthew Courtland. Soldat. »
Leurs visages n’étaient même pas visibles. Etaient-ils condamnés à mourir anonymement, dans la masse des autres dépouilles ?
« - Miètek Ludowski. Caporal. »
Avaient-ils encore une famille ?
« - Kevin Campbell. Soldat. »
Avaient-ils une mère ou un père encore en vie ?
« - David Zanovich. Sergent. »
Des frères ?
« - Lloyd McCreary. Caporal-chef. »
Ou étaient-ils les seuls survivants de leur lignée ?
« - Nathan LaRoche. Soldat. »
En ce cas, ils disparaitraient dans l’océan, sans laisser de traces. Ils ne laisseraient aucuns souvenirs. Juste un nom inscrit sur un registre. Les noms s’égrenèrent ainsi pendant plusieurs minutes, une éternité pour Sonnecor. Puis le dernier nom fut enfin murmuré.
« - Mike Muzza. Soldat. »
Sonnecor se tint immobile, comme en suspends en dehors du temps. Finalement, à gestes lents, il replia le parchemin et le rangea dans son veston. Quelques gémissements étouffés montaient de la foule que formait l’équipage. La soldate Cassandra, pourtant reconnue comme étant un exemple de bravoure et de courage, elle qui avait réussi à s’extraire d’une attaque fléautique sur une caravane de messagers, dans les Maleterres, elle qui avait parcouru plusieurs miles avant d’atteindre un avant-poste écarlate blessée et assoiffée, et bien cette même jeune femme parvenait mal à retenir ses larmes devant le spectacle de ses camarades allongés au sol. Envolé son flegme légendaire et son insensibilité apparente. Même les soldats les plus rudes ne pouvaient rester insensibles indéfiniment. Un petit discours pour raviver les haines s’imposait. Sonnecor reprit d’une voix plus forte.
« - Ces hommes. Ceux qui sont tombés au combat. Leur sacrifice ne sera pas inutile. Ils ont donnés leurs vies pour nous protéger. Ils ont défendus la flotte avec bravoure. Eux au moins, auront la chance et l’honneur d’obtenir des funérailles décentes !... »
Du coin de l’œil, Sonnecor aperçût Dallaire en train d’adresser un signe discret aux deux acolytes de l’aumônier. Ceux-ci se dirigèrent en direction de la première dépouille de la rangée. Prenant le hamac, ou plutôt le linceul, à chacune de ses extrémités, ils le portèrent vers la planche, que continuaient de tenir les deux matelots. Les acolytes hissèrent le cadavre, dans l’espace séparant la planche, du drap frappé des armoiries de la Croisade écarlate.
« - … Les autres ! Ceux qui ont été fait prisonniers ! Ils n’en bénéficieront pas ! Ils n’en bénéficieront pas, parce qu’ils se sont rendus ! Ne pensez même pas un seul instant qu’ils sont vivants ou en liberté. Les soldats qui ont été fait prisonniers, sont condamnés ! Ils ne reverront jamais Lordaeron ! Que cela nous serve de leçon à tous ! Quelque soit notre ennemi, il ne nous épargnera pas ! La réédition ne doit même pas vous effleurer l’esprit. Si vous vous rendez, vous êtes déjà mort ! Il n’y a qu’une seule option pour nous : le combat. Pour chaque écarlate tué, éradiquez dix ennemis ! Pour dix écarlates tués, tuez-en vingt ! Chacun d’entre vous, chaque combattant, chaque soldat, chaque officier, doit devenir une véritable forteresse à lui seul ! Faites honneur à notre héritage ! Faites honneur à Lordaeron et à ses armées réputées pour leur bravoure et leur valeurs ! Montrez à l’ennemi que rien, ni personne, ne viendra à bout des ordres écarlates. Nous poserons le pied en Norfendre et nous écraserons tous les ennemis qui oseront s’opposer à nous ! Gloire à Abbendis ! Gloire à la Lumière ! Gloire à l’Assaut ! » Vociféra Sonnecor.
Les hommes d’équipage lui firent écho. Il fallait attiser la ferveur et la foi. Le travail psychologique, qu’exerçaient les officiers sur les hommes, devait être constant. De nombreux éminents membres de la Croisade, et de l’Assaut à présent, étaient des rhétoriciens accomplis. Leur but était de jouer sur la peur, l’espoir, l’amitié et la confiance qu’entretenaient les hommes à leurs égards. Leurs méthodes : l’utilisation d’informations simplifiées, d’arguments sophistes et d’éloges panégyriques. A terme, les soldats devaient être capable de comprendre que la Croisade écarlate représentait le seul refuge de l’humanité et que la désertion signifiait, le plus souvent, la mort ou la résurrection en non-vivant. Et pour bien des officiers, cette manipulation psychologique était nécessaire, au vu des circonstances.
« - Et maintenant : adressons nos adieux à nos frères tombés au combat. » décréta Sonnecor en se tournant vers le premier corps déposé sur la planche. Il claqua des talons et salua, rapidement imité par les autres hommes d’équipage. Dallaire adressa un second signe aux deux matelots tenant la planche. Ils levèrent alors celle-ci. Le corps roula, puis tomba par-dessus-bord. Le son de la chute dans l’eau produisit un son mouillé, presque étouffé. Quelques écarlates frémirent. Le deuxième corps fut alors amené. L’opération se renouvela. Puis le troisième corps. Le quatrième. Une noria de cadavres passa sous les yeux rougis des écarlates présents sur le pont.


Dernière édition par Othon Sonnecor le Ven 09 Avr 2010, 05:11, édité 2 fois
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Message  Scarlet Rouge Ven 09 Avr 2010, 05:09

Sonnecor n’observait plus les cadavres. Un grand corbeau venait de se poser sur l’une des victimes. Le charognard toisa le capitaine de son œil rond. Immobile. Pétrifié, Sonnecor ressentit des frissons parcourir son échine. Pour une raison inconnue de lui-même, il lui était impossible de se déplacer pour chasser l’oiseau. Une trop grande peur le paralysait sur place. Il détourna le regard et reporta son attention sur l’équipage. Mais il sentait que le volatile continuait de le toiser de son œil rond, sans pupille. Finalement, quelques minutes s’écoulèrent et il déploya ses ailes, avant de prendre son envol. Son ombre imposante, traversa le pont alors qu’il filait en direction du Nord. Sonnecor reprit son souffle, apaisé. Mais comment expliquer son attitude face à cet oiseau grotesque ? A bien y repenser, il n’était pas si effrayant que ça, pourtant. Mais Sonnecor n’en était pas certain. Ce corbeau là, avait quelque chose de terriblement angoissant.

Et tandis que le navire s’éloignait, il laissait sur son sillage des dizaines de corps qui remontèrent à la surface, figés dans la mort.
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Message  Scarlet Rouge Lun 12 Avr 2010, 04:54

( A écouter avec : https://www.youtube.com/watch?v=1QftXCcVHhg )

4 Octobre de l’an 624 (selon le calendrier du Roi), Quelque part en Mer Gelée.

Cher journal,
Nous continuons de voguer sur les flots de la Mer Gelée. Ce trajet n’en finit plus. J’ai hâte d’arriver en Norfendre. Depuis l’attaque, je ne parviens plus à dormir. Malgré la vigilance des veilleurs, je vis dans la hantise d’un nouvel assaut. Je présume que Dallaire est dans le même cas. Ses traits sont tirés et, à certain moment, son regard reste plongé dans le vague. Il reste dans cet état végétatif pendant plusieurs minutes, il secoue la tête et puis il vaque de nouveau à ses occupations, comme si de rien n’était. Ce golem est effrayant. Mais quand il observe le lointain, la bouche entrouverte et le teint livide, il l’est encore plus. Malgré cela, il reste un très grand ami et un excellent meneur d’hommes. Ses conseils sont toujours bons à suivre et il reste à l’écoute des troupes. Je lui promets un grand avenir.




5 Octobre de l’an 624 (selon le calendrier du Roi), Quelque part en Mer Gelée.

Cher journal,
J’annote ici un fait important : nous avons changé notre cap. Pas de beaucoup, mais l’ordre provient directement du vaisseau-amiral. Ca n’est peut-être qu’un détail, mais je préfère le noter ici. Ce bouquin me sert aussi de pense-bête.




7 Octobre de l’an 624 (selon le calendrier du Roi), Quelque part en Mer Gelée.

Cher journal,
La brume a bel et bien disparue. Le ciel est clair et dégagé.
Note à moi-même : penser à demander, à Dallaire, d’archiver les relevés météorologiques de la semaine précédente. Il est gentil, mais il n’est pas très soigneux.




9 Octobre de l’an 624 (selon le calendrier du Roi), Quelque part sur les côtes du Norfendre.

Cher journal,
Comment décrire ma joie et ma ferveur à l’heure où j’écris ces quelques lignes ? Je n’ai jamais été aussi fier de toute ma vie. Ca y’est ! Après des semaines d’efforts et d’incertitude, je peux enfin le marquer sur mon journal : nous avons accostés en Norfendre ! Et avec l’apparition d’une magnifique aurore boréale en guise de cadeau d’accueil ! On ne peut rêver meilleur entrée en matière. Les hommes sont restés pantois devant ce phénomène naturel, très commun ici. Imagine un large ruban doré qui ondule dans le ciel, cher journal. Un large ruban doré qui s’étend sur toute la surface du ciel. Les rares survivants de la première et de la seconde expédition en avaient déjà fait la description, à vive voix ou par écrit. Mais dans mon cas, cela dépasse l’entendement. C’est l’une des plus belles choses qu’il m’ait été donné de voir. J’en ai fait une description approximative plus haut mais, il faut vraiment le voir pour le croire. Je souhaite que chaque humain observe une aurore boréale. Au moins une fois dans sa vie. Voila, cher journal ! Je peux mourir en paix. Pas trop tôt, tout de même.


Le grand jour était finalement venu. Les quatorze-navires de la flotte étaient rassemblés dans la baie, surmontés par un imposant éperon rocheux, haut de plusieurs mètres. Tous les hommes d’équipage de chaque navire, étaient accoudés au bastingage, observant la scène historique qui se jouait devant eux. Car oui, aux yeux de tous, cet évènement resterait gravé dans l’histoire de l’humanité, au même titre que la victoire contre les trolls des forêts, aux cotés des haut-elfes. Ou bien, la lutte contre la Horde durant la Première et la Seconde guerre qui avaient ensanglantés Azeroth. Les capitaines Sonnecor et Dallaire étaient postés sur le gaillard d’arrière de leur navire, aux cotés du barreur et de l’officier de navigation. Tous deux observaient, à la longue-vue, la petite chaloupe qui progressait lentement vers le rivage. Assis à l’intérieur, les haut-dirigeants de la Croisade écarlate restaient silencieux, se contentant de contempler les immenses falaises leur faisant face. Depuis son poste d’observation, Sonnecor ne pouvait apercevoir la généralissime que de dos, observant alors son chignon sévèrement tressé qui ne flottait pas au vent. A sa droite, Langrain tenait sa mitre en main, laissant apercevoir son crâne dégarni.
« - Il y’a un fort vent. Il ne veut pas perdre son couvre-chef. Même s’il doit exhiber sa calvitie, pour en payer le prix. » Remarqua Dallaire, en se focalisant lui aussi sur la barque des officiels.
« - Si vous voulez mon avis, je pense que Langrain s’élève raisonnablement au dessus de toutes ces considérations futiles. » fit Sonnecor, d’une voix trainante.
« - Je le pense aussi. Je voulais juste détendre l’atmosphère. » Termina Dallaire, secoué d’un petit rire.
Derrière les deux pontes du commandement, se tenaient deux autres huiles. L’évêque Delarue et le commandant Jordan. Même si il ne pouvait le voir d’ici, Othon devinait le visage juvénile et émerveillé de l’évêque. L’homme d’église était encore un beau jeune homme dans la force de l’âge. Il n’était pas bâti comme un vrai Hérode de Tirisfal, mais sa frêle silhouette contrastait avec sa voix chaude et grave et son ton paisible.
« - Il doit être plus jeune que vous. » commenta Dallaire en essuyant la lunette de sa longue-vue, à l’aide d’un mouchoir blanc.
« - C’est certain. Il n’a même pas de barbe. Est-ce que j’ai de la barbe ? Est-ce que j’ai de la barbe ? Oui ! Et lui, je suis certain qu’il n’a pas besoin de se raser tous les matins, quand il se lève. Oui, il est jeune. C’est un fait. » Approuva Sonnecor, se sentant brusquement empli d’une force virile.
« - La barbe, ça ne veut rien dire, capitaine. Quand il était vivant, mon cousin en Lordaeron, il était bien plus âgé que vous. Et pourtant, vous savez quoi ? Il n’a jamais eu besoin de se raser. Pas de pilosité, rien. Je vous le jure. » Intervint le barreur, en mâchant son tabac à chiquer.
« - Et comment tu l’sais ? T’es allé vérifier ? » Fit l’officier de quart, goguenard.
Le timonier devint rouge de honte, sous les ricanements des trois hommes qui reprirent leurs observations. A coté du jeune Delarue, le brave commandant Jordan était facilement reconnaissable avec ses larges spallières rouge et dorées. Son imposante armure brillait de milles feux.
« - Il va faire couler le navire. » Fit l’officier de quart en se tenant les côtes.
« - Taisez-vous. » marmonna Sonnecor, en lui jetant un regard sévère.
Au même moment, la chaloupe d’Abbendis accosta. La proue heurta le récif, et deux matelots écarlates sautèrent hors de l’embarcation pour aider leurs généraux à poser le pied sur la grève. Abbendis refusa l’aide et sauta sur la rive. Langrain, lui, agrippa la main tendue d’un des écarlates, et débarqua en Norfendre en relevant sa robe, afin de ne pas prendre l’eau. Jordan et Delarue quittèrent promptement l’embarcation, heureux d’être arrivés à destination. Abbendis fit quelques pas sur le sable, puis elle se retourna en direction de ses acolytes.
« - Que fait-elle ? » demanda l’officier de quart en plissant les yeux.
« - Elle parle. Elle fait un discours avec de grands gestes. » Répondit Dallaire, en ne quittant pas la plage du regard.
« - J’aimerais bien pouvoir l’entendre. » fit tristement Sonnecor.
Abbendis s’exprima pendant quelques minutes, puis elle donna un ordre aux deux marins écarlate. Ils montèrent à bord de la chaloupe et tirèrent une grande bannière écarlate, à liseré doré, hors de celle-ci. Ils la menèrent jusqu'à Abbendis, puis lui tendirent la hampe. Aidée des deux hommes, Abbendis planta profondément, dans le sable, la bannière des ordres écarlates. La pièce d’étoffe claqua au vent, puis révéla le « L » rouge de Lordaeron. Aussitôt, une clameur monta des navires. Les hommes d’équipage sifflèrent et applaudirent à tout rompre. Sonnecor et Dallaire calèrent leurs longues-vues sous le bras, puis imitèrent les soldats. Ils étaient tous souriants. Tous. Les clochettes d’alarme furent tintées. Pendant un instant, Sonnecor devint livide puis, se ressaisissant il replongea dans une douce euphorie. Les cloches ne sonnaient plus l’alerte. Elles saluaient l’accomplissement de la mission. Elles saluaient le salut de tout un peuple. Le peuple de Lordaeron.
« - Ca y’est les gars. Nous y sommes bel et bien. Nous y sommes bel et bien. » Se permit Dallaire, en insistant sur la seconde phrase.
En bas, sur le pont, les hommes et les femmes de la Croisade s’enlacèrent et se donnèrent l’accolade, joyeux. Sonnecor, Dallaire, l’officier de quart Wilson et le timonier s’échangèrent des poignées de main amicales.
« - Bon boulot, messieurs. Travailler de concert avec vous tous a été un réel plaisir. » Complimenta Dallaire, solennel.
« - De même, capitaine. De même. » Répondit le timonier en saluant de son bicorne.
Sur le rivage, une autre barque venait d’accoster. Sonnecor observa la chaloupe à travers la lunette de sa longue-vue et esquissa un large sourire.
« - Oh-oh. Dallaire. Regardez ça. »
Le capitaine Dallaire s’empara de sa longue-vue, et la pointa dans la direction que lui montrait Sonnecor. Son visage s’illumina. Au loin, les commandants Iustus, Gibbons et Taleon venaient de poser le pied sur la grève. Iustus tenait son heaume noir sous le bras, saluant les navires, de sa main libre, avec de grands sourires. Le commandant Gibbons lui, parfaitement reconnaissable avec ses lourdes épaulières sculptées de deux cranes, marchait d’un pas décidé en direction de la bannière. Il n’avait pas changé depuis que Sonnecor avait été sous son commandement, il y’a quelques mois en arrière. Son teint était mat, bronzé et son visage buriné était flanqué d’une moustache sévère. Plus loin, le commandant Taleon se dirigeait vers le commandant Jordan, main tendue, comme pour le saluer. C’était un homme d’âge mûr, au teint pale. Des cheveux courts et une barbe grisâtre parfaitement taillée encadraient une mâchoire carrée et un nez aquilin.


Dernière édition par Othon Sonnecor le Jeu 15 Nov 2012, 03:03, édité 2 fois
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Message  Scarlet Rouge Lun 12 Avr 2010, 04:54

« - Avec ces trois-là, nous sommes certain de gagner la guerre. » remarqua Dallaire, sans aucune ironie.
« - Le mot est faible. La prophétie s’est révélée juste. L’Aube écarlate est venue ! »
« - Oui. Quel soulagement. Après tant d’années. » Songea Dallaire en s’épongeant le front.
Le tumulte des équipages continuait. Après plus de quatre ans d’affrontements, les hommes laissaient éclater leur joie. Sonnecor huma l’air, satisfait.
« - Vous sentez Dallaire ? » demanda le capitaine, les yeux mi-clos.
« - Quoi donc ? » s’exclama Dallaire.
Sonnecor rouvrit les yeux, puis il se tourna vers son camarade.
« - La victoire. Ca sent la victoire. »

La Croisade écarlate était morte. L’Assaut écarlate venait officiellement de naitre.
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Message  Scarlet Rouge Mer 14 Avr 2010, 17:42

Navré pour le retard, mais j'ai eu un petit problème avec le forum de WoW-Europe. J'ai donc été forcé de mettre ma fic entre parenthèse pour m'atteler à le régler. La suite dans quelques secondes.
*voix de péon Orc* Je peux le faire. Troll
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Message  Scarlet Rouge Mer 14 Avr 2010, 17:43

( A écouter avec https://www.youtube.com/watch?v=5ywnt9nB5Ls )

10 Octobre de l’an 624 (selon le calendrier du Roi), Emplacement de « l’Accostage du Croisé ».

Cher journal,
Après une journée et une nuit de travail ininterrompu, nous avons réussis à installer un petit camp de base sur le rivage. Les ouvriers, supervisés par le contremaitre Kaleiki, ont fait un excellent travail. Ils ont disposés plusieurs docks en un temps record, permettant aux troupes amassées sur les navires, de débarquer sur le toit du monde. Abbendis s’est dite satisfaite de la rapidité d’action et de l’enthousiasme, dont font preuve ses soldats. Ici, il fait froid. Encore plus froid qu’en mer. Mais qu’importe ! La Lumière et les prières réchauffent nos cœurs et nos âmes. Nous nous sentons prêt à en découdre avec le Fléau. Plus que jamais, nous sommes parés à l’affrontement. A l’heure actuelle, l’Assaut écarlate ne regroupe que les plus fervents des cramoisis, ceux qui font preuve de la plus grande dévotion envers les chefs et qui n’ont jamais remis en doute, ou presque, leurs paroles et leurs ordres. J’ai été très heureux de revoir certaines personnes, que je côtoyais déjà en Lordaeron. Le commandant Gibbons tout d’abord. Toujours aussi bourru et spécialiste des méthodes expéditives envers les non-vivants (et à juste titre ; d’ailleurs). Mais j’ai aussi eu le plaisir de saluer le forgeron Bonhomme et le maitre des écuries Mercer. Ce sont deux hommes simples et foncièrement sympathiques. Ils contribuent grandement à l’effort de guerre de la Croisade. Ils sont travailleurs, passionnés par leur activités et ils ont le gout du travail bien fait. Des qualités très appréciables au sein de notre ordre. Cher journal, brave journal. Veux-tu que je te décrive le paysage que j’ai, en ce moment même, sous les yeux ? Et bien, je ne vais pas te mentir : c’est un paysage dévasté. Tout est gris. Le sable, les rochers, même l’océan semble gris. C’est un endroit triste et sans vie, à priori. Abbendis nous a indiqué qu’elle enverrait des éclaireurs dans le futur, pour reconnaître le terrain et localiser les possibles forces hostile aux alentours. Tu imagine, cher journal ? C’est ici que tout a commencé. C’est d’ici que le Fléau a fondu sur Lordaeron, comme un oiseau de proie. Et là, à présent, nous y sommes. Les rôles s’échangent. Ce sont les populations de Lordaeron qui s’apprêtent à submerger ce continent, oublié de tous. [Texte illisible] Même si le royaume de Hurlevent ne nous apporte pas son soutien, même si les hypocrites de l’Aube d’Argent n’ont pas adhérés à nos idéaux et même si les races puantes de la Horde tentent de nous éradiquer, nous remporterons la victoire. Pourquoi ? Parce qu’ici, au moins, nous ne sommes pas persécutés. Personne ne nous mettra de bâtons dans les roues. Nous sommes seuls et c’est tant mieux.




L’aube s’était levée sur le port improvisé de l’Assaut. Quelques navires s’étaient amarrés contre les pontons de fortune, posés par les ouvriers. D’autres manœuvraient pour baisser l’ancre dans la petite rade de « l’Accostage du Croisé », comme l’avaient nommés les officiers. Les matelots présents sur les ponts enroulaient les aussières autour des bollards, jetant l’autre extrémité aux lamaneurs qui les imitaient, sur les quais. Une fois les navires maintenus contre les pontons, les rampes de débarquement étaient baissées et un flot massif de silhouettes cramoisies se déversait dans le port. Paquetages sur l’épaule, tout sourire et chaudement vêtus, les écarlates dévalaient les rampes d’accès et convergeaient tous en direction du campement, installé au pied de la falaise, surplombant la baie. Sonnecor était parmi eux. D’un pas hésitant, le jeune officier s’engagea sur la rampe et descendit celle-ci, s’agrippant au garde-fou. La plate-forme tressautait légèrement sous les pieds des soldats, mais elle semblait tenir bon.
« - Poussez pas derrière ! » brailla un jeune zélote, tandis que la petite colonne s’ébranlait, jusqu’à atteindre le ponton.
La botte du capitaine Sonnecor se posa sur le bois humide de ce même ponton. Pour la première fois, il venait de débarquer en Norfendre. Comme dans un rêve, le jeune homme tourna sur lui-même, comme pour mieux observer le panorama. A l’opposé de sa position, sur un autre dock, des écuyers étaient en train de conduire des chevaux et une poignée de griffons, hors d’un navire. Les braves bêtes devaient être épuisés par ce long voyage. Plus loin, une grue rapidement assemblée, étaient en train de débarder des rondins de bois et quelques balistes, les disposant sur un large quai. Sur la grève, des feux de joie étaient en train de flamber, attisés par les rondes incessantes de plusieurs soldats, qui ne cessaient de raviver les flammes en jetant des morceaux de bois dans l’âtre. Le capitaine Sonnecor rajusta son baluchon sur l’épaule et se dirigea en direction du campement de l’Assaut. Une foule d’hommes et de femmes étaient en train de monter des tentes supplémentaires, d’abreuver les bêtes ou de courir dans toutes les directions.
« - Capitaine Sonnecor. Garde-à-vous. » Gronda une voix.
Othon fit volte-face et claqua des talons. Il était là, devant lui. Le commandant Gibbons. En train de lisser son épaisse moustache et de le toiser d’un œil sévère.
« - Commandant Gibbons ! Heureux de vous revoir, commandant. La traversée s’est bien déroulée ? »
« - Non. J’ai manqué de rater ma recette de canard aux girolles et aux cèpes des rois, à cause de ce maudit roulis. » Maugréa le commandant en désignant son navire.
Puis il retroussa les babines, une attitude que l’on pouvait interpréter comme étant un sourire, de la part du commandant.
« - Mais je suis aussi heureux de vous voir. Il faut dire que notre périple jusqu’ici n’a pas été facile. Nous avons du affronter la mer, le climat, les aléas de la navigation. Et puis surtout, ces géants en drakkars. »
« - Hélas. J’ai perdu beaucoup de mes meilleurs hommes durant cette tragédie. » Déplora Sonnecor, en poussant un soupir de dépit.
Le capitaine Gibbons acquiesça, puis il fit un signe de tête en direction d’une imposante tente, la plus grande du campement, qui avait été installée plus loin.
« - La généralissime Abbendis veut réunir ses officiers pour décider de la suite des opérations. Vous étiez au courant, j’espère ? » Demanda Gibbons en adressant un regard suspicieux au jeune capitaine.
« - Je n’ai pas été informé de la date exacte mais, oui en effet. J’ai appris qu’Abbendis souhaitait réunir son état-major. C’est aujourd’hui, donc ? »
« - Oui. Dans quelques minutes. Venez. » Fit le commandant Gibbons, en invitant Sonnecor à sa suite.
Les deux hommes traversèrent le rivage, fendant la foule de soldats, puis ils écartèrent un pan, en toile, de la tente et pénétrèrent dans celle-ci. Une large table avait été disposée en son centre, sur laquelle trônait une remarquable carte du Norfendre. Un poêle grésillait au fond, diffusant ainsi une vague de chaleur dans toute la pièce. Un lit avait été installé et quelques coffrets et des râteliers d’armes complétaient le mobilier. A leur arrivée, le commandant Gibbons et le capitaine Sonnecor furent accueillis par les commandants Iustus et Menelos, les capitaines Hartford, Welsington et Shely, ainsi que par l’évêque Delarue.
« - Ah ! Messieurs ! Prenez place autour de la table, je vous prie. Les officiers et la généralissime ne devront plus tarder à présent. » S’exclama l’évêque, en adressant un sourire poli aux deux nouveaux venus.
Sonnecor remarqua la présence d’une unique chaise en bout de table. Le capitaine supposa qu’elle devait être réservée à Abbendis. Il resta donc debout, en retrait par rapport aux autres. Au fur et à mesure, les différents membres de l’état-major arrivèrent un par un et la tente se retrouva rapidement pleine. Installés autour de la table, les officiers discutaient entre eux, à voix basse. Le capitaine Dallaire, le commandant Jordan, la généralissime Daion, le responsable de l’artillerie Zierhut, le contremaitre Kaleiki, le haut-abbé Langrain et ses deux gardes du corps. Tous étaient présents, y compris des membres moins influents, comme Mercer, Bonhomme ou LeCraft. Finalement, un croisé en armure pénétra dans la tente et s’époumona :
« - La généralissime écarlate Abbendis ! »
Aussitôt, tous saluèrent, menton levé. Et la généralissime fit son apparition, toujours coiffée de son chignon et vêtu d’une armure épaisse, presque trop grande pour elle. Un large collier ceignait son cou fragile et son visage pale et fin était encadré par deux larges boucles à l’effigie du « L » de Lordaeron, qui pendaient à ses oreilles.
« - Repos, messieurs. Repos. Je vous ai convoqués ici, afin de prendre des décisions. Des décisions sur nos opérations futures qui nous mèneront à la victoire. » Expliqua la généralissime en se délestant de sa hache et de son bouclier, les posant sur un râtelier tout proche. Elle s’installa sur l’unique chaise présente dans la pièce, tentant de trouver une position confortable, alors que son armure cliquetante la forçait à se vouter sur elle-même.
« - Bien. Capitaine Shely, si vous voulez bien exposer la situation à notre état-major. »
Le capitaine acquiesça, puis il se pencha sur la carte posée sur la table.
« - A l’heure actuelle, tout ce que nous savons, c’est qu’après six semaine en mer, nous avons accostés sur une petite crique, « l’Accostage du Croisé ». Ironiquement, il semblerait que le point de chute de la première expédition soit situé à environ 6 miles, plus à l’Est. Bien entendu, pour toutes ces informations, nous ne pouvons nous référer qu’à la carte posée sous nos yeux ébahis. Elle a été établie durant la seconde expédition et, à ce jour, c’est la carte la plus précise que nous ayons à notre disposition. » Fit Shely, en se redressant.
« - Il serait judicieux de réactualiser cette carte. D’envoyer des cartographes pour la remettre à jour. » Observa le commandant Iustus, en tenant son ceinturon entre ses deux mains.
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Message  Scarlet Rouge Mer 14 Avr 2010, 17:44

Tous approuvèrent. Abbendis reprit la parole, d’une voix douce.
« - J’ai déjà émis l’idée d’envoyer des éclaireurs, plus à l’intérieur des terres, afin d’avoir des informations sur le terrain qui nous entoure. Des cartographes pourront se joindre à leurs rondes… »
« - … Nous pourrions également utiliser nos griffons, pour partir en reconnaissance aérienne. En complément des éclaireurs au sol. » Interrompit le maitre des écuries Mercer, d’une voix tonitruante.
Quelques officiers lui jetèrent des regards pleins de reproches, mais Abbendis ne sembla pas décontenancée. Elle lui adressa un sourire poli.
« - Si vous le souhaitez oui, Mercer. Je disais donc que des cartographes pourraient se joindre à leurs rondes, mais de toute façon, ça n’est pas le sujet que je souhaite aborder. Inutile de mettre la charrue avant les bœufs. Si cela ne vous gêne pas, commandant Iustus, nous en reparlerons un peu plus tard. »
« - Non, non. Bien sur que non, généralissime. Faites comme bon vous semble. » Déclara le commandant, en inclinant la nuque.
Abbendis esquissa un sourire satisfait, puis elle se tourna vers le reste de son équipe.
« - Notre priorité, pour le moment, est de nous installer durablement sur le continent. Nous avons besoin d’une base principale, d’où nous pourrons lancer toutes nos opérations contre le Fléau. Mais il nous faut un emplacement. »
Le contremaitre Kaleiki s’avança, en bombant le torse.
« - Si je puis me permettre généralissime, le lieu où nous nous situons me semble être un secteur idéal. Il y’a une épaisse forêt au sommet des falaises qui nous surplombent. Il nous suffirait de déboiser les parcelles qui nous intéressent, et d’y édifier le camp de base nécessaire à nos missions en Norfendre. Selon les rapports des précédentes expéditions, la majeure partie de ce que l’on appelle la « Désolation des Dragons » est faite de terrains accidentées et situées en milieu désertique. Ici, nous avons un port en eau profonde, suffisamment de bois pour construire les bâtiments et, si j’en crois la carte, un terrain facilement défendable. »
« - Monsieur Kaleiki a raison. Cet éperon rocheux qui nous domine est peu accessible, pour des armées qui souhaiteraient nous attaquer, de front. » Poursuivit la généralissime Daion en pointant du doigt, deux point sur la carte.
« - A l’Ouest, pour commencer, il y’a un étroit défilé qui limite les possibilités d’invasion par des armées massives. Il nous suffirait de cinq ou six balistes et d’une centaine d’hommes pour contenir l’assaut. Et à l’Est, une attaque est très improbable : la seule voie menant à ce secteur, passe par une route à flanc de montagne, très étroite elle aussi. Toute possibilité d’incursion se solderait par un échec. »
« - Sans compter que notre position sur le front de mer est aussi très avantageuse. Si le Fléau, ou qui que ce soit d’autre d’ailleurs, nous prenait à revers, mes batteries côtières n’aurait aucun mal à éradiquer les forces navales hostiles en visuel. » Souligna le canonnier en chef Zierhut, bras croisés.
Abbendis hocha la tête, pensive. Les yeux rivés sur la carte, elle demanda :
« - Kaleiki, en combien de temps pensez-vous être en mesure d’ériger la totalité de nos installations ? »
« - Oh. Et bien, en une nuit, nous avons réussi à fonder cette petite rade. Je pense que nous aurons fait le plus gros du travail, en… disons, en un peu plus d’un mois. Ca ne me semble pas excessif. En deux mois, les finitions seront terminées. » Estima Kaleiki en comptant sur ses doigts boudinés.
« - Nos réserves d’eau sont-elles suffisantes ? » demanda Abbendis.
« - Oui, généralissime. Nous pouvons tenir pendant encore un mois. Passé ce délai, il nous faudra trouver un point d’eau. » Expliqua le haut-abbé Langrain.
Le contremaitre Kaleiki émit une objection, levant la main.
« - Si je puis me permettre éminence, mes ouvriers sont capable de forer un puits en quelques jours. Il n’y a que la glace qui risque de nous ralentir. Mais en Lordaeron, quelques jours nous suffisaient pour prospecter le sol, à la recherche de nappes souterraines saines, et de les exploiter ensuite. J’ai des spécialistes compétents qui peuvent se targuer d’être les meilleurs bâtisseurs de tous les royaumes de l’Est. Mettez-nous au défi. Nous le relèverons avec succès. »
Abbendis, séduite par l’idée, opina du chef.
« - Très bien, Kaleiki. Je vous nomme responsable de la fondation de notre nouvelle forteresse. »
Elle resta silencieuse pendant quelques minutes, songeuse. Le commandant Gibbons rompit le silence.
« - Et les attaques ? Quand lancerons-nous nos attaques ? » Grommela t-il, en jetant un regard noir à l’assemblée.
« - Pas pour le moment. Pas pour l’instant. Je l’ai déjà dit : notre priorité est d’installer un camp principal pour l’Assaut. Nous devons rester ensemble, si nous souhaitons survivre. » Trancha Abbendis.
« - Nous sommes venus ici pour porter la guerre sur le territoire du Fléau, non ? Si nous attendons trop longtemps, c’est une occasion pour l’ennemi d’établir une stratégie appropriée, pour nous détruire. » Marmonna Iustus, en effleurant la garde de son épée.
« - Inutile d’insister, je resterais intransigeante à ce sujet. Nous ne bougerons pas d’ici, tant que je n’en aurai pas donné l’ordre. J’ai effectivement indiquée que je souhaitais déplacer les combats en Norfendre, je n’ai pas dit que je voulais provoquer un fiasco semblable à celui qui s’est produit dans la Nouvelle-Avalon. J’ignore ce que sont devenues les troupes de Puresang, mais sa stratégie de dégarnir nos forts en Tirisfal et à Âtreval était une bêtise. Je ne veux pas reproduire la même erreur. Nous resterons ici, et nous commencerons à lancer nos raids armés lorsque nous seront prêts. »
« - En l’absence de plus d’informations sur le devenir des troupes de Galvar, on peut tout aussi bien supposer que ses armées sont parvenues à repousser les fléautiques hors de l’Enclave écarlate, non ? » Demanda le capitaine Dallaire, en haussant un sourcil.
« - C’est très improbable, si vous voulez mon avis. Au moment même où Puresang a déplacé ses troupes, nous nous sommes extrait hors de ce nid de guêpes. Sans notre soutien, m’est avis qu’il a subi une défaite. Une cuisante défaite. Peut-être même qu’elle a sonné véritablement le glas de nos troupes, en Lordaeron. » Fit Abbendis, songeuse.
« - Vous auriez préférée que Puresang reste inactif ? Qu’il laisse l’Enclave écarlate se faire déborder par l’ennemi ? » Demanda le capitaine Sonnecor, sceptique.
« - Et vous ? Ou étiez-vous lorsque l’Enclave écarlate s’est effondrée ? Pourquoi ne pas vous être porté volontaire pour contenir les « débordements » ennemis ? » Intervint le commandant Jordan, excédé.
Le capitaine Sonnecor se renfrogna, touché dans son amour-propre. La généralissime Abbendis jaugea du regard l’officier, puis elle déclara :
« - J’aurai surtout préférée que Puresang assure ses arrières, avant de venir à notre rescousse. Et c’est ce que nous allons faire. Nous allons assurer nos arrières. Maintenant, si vous n’avez pas d’autres objections, je souhaite en revenir au sujet initial. »
La généralissime se tourna vers le contremaitre Kaleiki. Il était en train de se dandiner sur ses pieds, paraissant très excité.
« - Je vous donne le feu vert pour la construction de notre forteresse. Dès demain, vous et vos hommes entrerez en action. Vous avez l’honneur d’être le premier à entreprendre une mission de l’Assaut écarlate, en Norfendre. Et vous servirez l’intérêt général. »
« - Ce serait fait, généralissime. » fit Kaleiki en s’inclinant bien bas.
Puis, Abbendis se leva de sa chaise et avec un grand sourire, elle proclama :

« - Messieurs. La construction de la Nouvelle-Âtreval débute maintenant. »
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Message  Scarlet Rouge Dim 02 Mai 2010, 04:08

Petit post rapide. J'ai pas trop le temps d'écrire ces temps-ci, mais je tiens à poster pour prouver que je ne suis pas (encore) mort. Troll

(A écouter avec : https://www.youtube.com/watch?v=JsRzI3r531c&feature=related )

15 Octobre de l’an 624 (selon le calendrier du Roi), Nouvelle-Âtreval.

Cher journal,
Sais-tu ce qu’il y’a de plus frustrant pour un jeune capitaine ambitieux et dynamique, comme moi ? L’attente. Depuis notre arrivée ici, nous n’avons lancés aucun assaut à l’intérieur des terres. Nous nous sommes contentés d’envoyer des éclaireurs et des chevaucheurs de griffons. Ils partent, ils reviennent, ils repartent, ils reviennent une fois encore. Et ils découvrent des choses extraordinaires, vraiment. Il parait qu’a l’Est de notre position, il y’a des vaisseaux échoués et des épaves de frégates de l’Alliance. De toute évidence, ces navires appartiendraient à la première expédition de Lordaeron, en ces terres. Les esprits vengeurs de soldats et de fusiliers hanteraient encore ces lieux. Et au Nord, il n’y a que de la glace. Un gigantesque désert de glace. Mais aucune trace de forces fléautique cependant. Il va falloir pousser plus au Nord pour espérer trouver les premiers avant-postes du Fléau. Il est étonnant de voir que les non-vivants ne cherchent pas à nous repousser à la mer. Sont-ils au courant que nous sommes présents sur leurs propres terres ? Savent-ils que, dès qu’Abbendis deviendra moins timoré, nous attaquerons tous azimuts leurs forteresses et leurs bases ? Ou bien, peut-être qu’ils préparent quelque chose. Peut-être qu’ils ont un plan. Et c’est bien ce qui m’inquiète. Oh, j’en oublie de te parler de la Nouvelle-Âtreval, cher journal. Je suis heureux de pouvoir t’annoncer que les travaux avancent vite. Le contremaître Kaleiki fait un excellent travail. Les bâtiments sortent de terre, les uns après les autres. C’est un magicien de la brique, un virtuose du plâtre. Ce sont des gens de la trempe de Kaleiki qui reconstruiront Lordaeron. Et quand à moi ? Pour ma part, je me contente d’attendre. Je n’ai reçu aucun nouvel ordre depuis le débarquement. Les hommes s’occupent en jouant du banjo, en chantant des morceaux populaires de Lordaeron, ou bien en organisant des jeux collectifs. Ils s’occupent comme ils peuvent. Et je fais comme tous le monde, ici : j’attends.


Le soleil se levait lentement sur la nouvelle base de l’Assaut écarlate, en Norfendre. Le disque vermillon apparaissait timidement entre les épaisses couches de nuages gris qui encombraient les cieux. Le vent battait et agitait les bannières cramoisies ainsi que les voiles des tentes, installées tout autour de la base. Juché sur une caisse de ravitaillement, emmitouflé sous plusieurs couches de vêtements, le visage ceint d’une écharpe et coiffé d’une sorte de turban improvisé, le capitaine Sonnecor croquait approximativement, sur son journal, les remparts de la Nouvelle-Âtreval. L’officier interrompit son geste, écartant son visage du journal, comme pour mieux contempler son œuvre. Le capitaine plissa les yeux de satisfaction, esquissant un sourire sous son écharpe. Puis, il leva les yeux en direction de l’horizon, observant l’aube.
« - Bonjour, Norfendre. » murmura l’écarlate.
Derrière, les premiers ouvriers quittaient leurs tentes et ramassaient pelles, pioches et haches, avant de se diriger en direction de leurs chantiers respectifs. Trois griffons planèrent silencieusement au dessus de la base, filant en direction du Nord. Le capitaine Sonnecor les suivit des yeux, observant la formation en delta qu’ils étaient en train d’adopter. Puis, ils ne devinrent plus que des points minuscules dans le ciel. Une nouvelle journée débutait à la Nouvelle-Âtreval. Une journée semblable à toutes les autres depuis leur arrivée ici. Sonnecor passait ses journées à prier, à écrire et à rester allongé dans sa tente, à ne rien faire. La campagne en Norfendre commençait à devenir ennuyeuse et monotone. Le jeune capitaine aurait aimé faire partie de ces groupes d’éclaireurs qui partaient régulièrement en exploration, avant de revenir plusieurs jours plus tard, avec à chaque fois de nouveaux éléments à annoncer. Il voulait de l’action, du danger, du prestige. Au lieu de ça, il était contraint de rester ici, à la Nouvelle-Âtreval. Quelle frustration.
« - Capitaine Sonnecor. Cela fait longtemps que vous êtes debout ? »
Le jeune officier sursauta, refermant vivement son journal. Il fit volte-face. Poings sur les hanches, le commandant Gibbons observait lui aussi l’horizon, avec sévérité. Le capitaine Sonnecor sauta sur ses talons et exécuta un parfait salut.
« - Bonjour, commandant. A dire vrai commandant, je suis debout depuis deux heures. Nous dormons mal ici. Et il fait froid. Impossible d’avoir un sommeil convenable. » Se plaignit le capitaine en fourrant ses mains gantées sous ses aisselles.
« - Bah. Vous n’êtes pas à plaindre. Pensez à nos éclaireurs qui doivent partir chaque jour, afin de reconnaître les environs. Eux, ils ne bénéficient même pas du confort d’une tente. Un feu de camp, quelques couvertures et cela reste amplement suffisant. Inutile de s’encombrer. » Fit le commandant Gibbons en se frottant les pommettes.
« - Sans doute. Et le froid ne leur pose aucuns soucis ? » Demanda Sonnecor.
« - Hélas. L’hiver nous pose beaucoup de soucis, même ici. Les prêtres ne cessent de traiter des engelures et des hypothermies. Le vent froid et la neige s’engouffrent partout, par chaque interstice. Nous ne sommes à l’abri nulle part. »
« - … Et même les toiles de tente ne résistent pas à cette vague de froid. » ajouta le capitaine Sonnecor, en hochant la tête.
« - Il faut laisser aux hommes le temps de s’habituer au climat. Vous verrez. Ils s’y feront. »
Ils restèrent silencieux pendant quelques instants. De gros flocons de neige commençaient à s’abattre sur le camp.
« - Vous souvenez-vous de Hurlevent, commandant ? » demanda le capitaine.
« - Je ne risque pas de l’oublier. Pourquoi ? »
Sonnecor haussa les épaules, songeur.
« - Je ne sais pas. Je me demande ce qu’est devenu cette ville, et son royaume. »
« - Peu m’importe. Plus je serais loin de ce trou-à-rats, mieux je me porterais. » Clama le commandant Gibbons en rabattant un pan de sa cape.
« - C’est vrai qu’il y’avait de sacrés spécimens, à bien y réfléchir. Des filles de joie, des elfes, des sorciers et des gardes véreux. Ah ! Voila l’Alliance. Ici, au moins, nous n’avons plus à les subir. » Approuva Sonnecor, en hochant la tête.
« - Oui. Mais pour combien de temps, encore ? » Fit le commandant Gibbons, en tournant les talons.
Le capitaine Sonnecor le suivit des yeux durant quelques instants, puis il reporta son attention sur le journal. Il l’ouvrit à la bonne page. Le croquis du paysage était toujours là. Il se remit à l’œuvre.



17 Octobre de l’an 624 (selon le calendrier du Roi), Nouvelle-Âtreval.

Cher journal,
Deux jours ont passés, et je m’ennuie toujours autant. Les éclaireurs et les ouvriers s’activent, eux. Moi ? Je ne fais absolument rien. Les huiles ne daignent même pas m’accorder le droit de participer aux exercices de tirs des balistes. Je t’écris allongé sur ma couchette, dans ma tente. Il fait froid, j’ai sommeil (impossible de fermer l’œil. J’ai toujours peur de mourir de froid dans mon sommeil) et je me sens sale. Il n’y a pas de bains ici. Il faut se contenter d’un peu d’eau dans une bassine et d’un mauvais savon noir. Prendre un bain à cette température ? Il en est hors de question. Et pourtant, je suis certain que je vais devoir m’y résigner. Des problèmes d’hygiène, en plus du froid, ne seraient pas les bienvenus dans le camp. Je suis fatigué. Je vais essayer de dormir quelques instants.


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Message  Scarlet Rouge Jeu 01 Juil 2010, 04:33

Enfin ! Les vacances ! Ce qui me laisse donc l'opportunité de continuer le récit. Tout de suite, la suite.

(A écouter avec : https://www.youtube.com/watch?v=nXWOiqjG29w )

19 Octobre de l’an 624 (selon le calendrier du Roi), Nouvelle-Âtreval.

Cher journal,
J’aimerais t’écrire que la situation s’est améliorée, que le temps s’est adouci et qu’une accalmie est à prévoir dans les jours qui viennent. Mais ce serait faux. La vérité, c’est que le froid est de plus en plus mordant ici. Les feux de camp installés ça et là, et les prières de nos prêtres n’y changent rien. Les prières sont bonnes pour l’apaisement de l’esprit et pour le maintien du moral, mais c’est tout. A ce jour, elles n’ont pas causés de variations au niveau de la température et je suis le premier à le regretter. Quant aux feux de camp, même les flammes paraissent bien mornes et tristes. A croire que ce continent est maudit. Toujours aucune nouvelles du Fléau. Toujours aucune nouvelles de l’Alliance. Toujours aucune nouvelles de Hurlevent. Alors je me plais à espérer que l’homme qui a inventé l’adage « pas de nouvelles, bonnes nouvelles » ai raison.


Les cierges et les chandeliers avaient été disposés en ordre parfait et illuminaient l’ensemble de la grande tente des offices, chapelle de fortune érigée provisoirement, en l’attente d’une installation plus convenable et plus confortable. Des bancs en bois terni par le temps et l’humidité, étaient alignés face à une haute estrade, sur laquelle reposait un élégant pupitre en acajou finement sculpté. La salle était pleine. Les écarlates murmuraient entre eux, s’échangeant les nouvelles du jour et palabrant des rumeurs qui alimentaient la vie quotidienne de la garnison. Les hommes et les femmes de la Croisade écarlate s’étaient vêtus de leurs tabards, tous sans exception. Installé au rang des officiers, le capitaine Sonnecor, tête penchée en avant, lisait et relisait chaque ligne, chaque mot, chaque lettre que contenaient les pages de son libram. Ses joues étaient rosies par le froid et ses lèvres étaient serrées, engourdies. Les lettres dansaient devant les yeux du capitaine. Il ne parvenait pas à se concentrer. Impossible de lire avec ce brouhaha infernal. Et puis, le sommeil. Le sommeil si proche, qui menaçait de fondre sur le soldat épuisé, guettant chaque mouvement de faiblesse, chaque tressaillement de ses épaules, de son échine. Il ne dormait presque plus depuis plusieurs jours. Il se sentait sale, fatigué et triste. Il passait ses nuits, lorsque le froid l’empêchait de dormir, à relire les pages de son libram, à les imprimer dans sa tête, dans son esprit, dans son cœur. La Lumière l’aiderait à traverser cette épreuve difficile, cette traversée du désert. Il quitta du regard les pages de son ouvrage et leva des yeux hagards en direction de ses voisins. A sa droite, un paladin hautain au menton fuyant et au regard glacial. A sa gauche, un chevalier mal rasé et souriant. Quel contraste entre les deux hommes. Un claquement sonore en direction de l’estrade fit sursauter le capitaine. Il s’assura que les deux officiers à ses cotés n’aient pas remarqués son émoi, puis il reporta son attention sur les deux prêtres qui venaient de faire leur apparition sur le promontoire. L’un d’eux claqua, une nouvelle fois, son sceptre sur l’estrade, réclamant le silence. Tous se turent. Sortant d’une pièce annexe, le Haut-Abbé Langrain releva le pan de la toile de tente, qui faisait office de porte, et monta sur l’estrade, suivi de près par la Généralissime Abbendis et par l’Evêque Delarue. Ils s’installèrent sur de confortables chaises, posées à leur intention sur le surplomb en bois, tandis que Langrain se plaçait face au pupitre, bien en vue de l’assemblée. Un prêtre s’approcha en silence et déposa, à la bonne page, un bel ouvrage relié en cuir sur le pupitre. Langrain chaussa sa lunette pourvue d’une unique branche, puis il débuta la lecture, récitant et psalmodiant des prières en Commun. Aussitôt, les hommes se levèrent, faisant racler les bancs et les chaises, et murmurèrent leurs litanies.
« - …Spiritus mundi. Deo Gratias. » Termina le Haut-Abbé en abaissant ses bras.
« - Deo Gratias. » répétèrent les hommes en se signant et en se rasseyant.
Il y’eut un court instant de flottement, durant lequel tous le monde resta silencieux, observant le Haut-Abbé en train de se dandiner d’avant en arrière sur son pupitre, les yeux rivés sur son livre de prières. Quelques quintes de toux vinrent troubler la quiétude des lieux. Puis très brusquement, le Haut-Abbé leva les yeux en direction de ses hommes, souriant. Et il clama d’une voix sonore :
« - La Lumière ! »
Il referma son livre de prières.
« - La Lumière ! Entendez-vous son appel ? Entendez-vous l’appel du devoir ? L’appel du devoir qui doit être accompli ? Entendez-vous les pleurs de vos mères, de vos compagnes et de vos filles ? Les supplications de vos pères, de vos maris et de vos enfants ? Ils vous implorent ! Ils vous appellent à l’aide ! Souvenez-vous de ces jours sombres où notre nation était la proie des ténèbres. Souvenez-vous de la chute de nos villes. De la fuite. De la retraite à travers nos campagnes. Je le vois dans vos yeux, à tous. Les souvenirs refont surface. Oui, vous vous souvenez. Vous avez hâte d’en finir. Vous avez hâte de porter le coup fatal. Mais patience, patience ! Notre avancée durant ces dernières années a été convaincante ! La nécropole du Fléau, l’infâme Naxxramas, a quitté les Maleterres ! Les assauts de Thermidor sur notre monastère ont été repoussés avec succès ! Les armées non-vivantes de Diodor le Damné ont été éradiquées ! Bel’Theris a été neutralisé par nos soins ! Nous avons mis un pied à Stratholme ! »
Le Haut-Abbé parlait avec force gestes. Une puissance émanait du vieil homme, que rien ni personne ne semblait être en mesure de contenir. Les écarlates, subjugués, écoutaient avec fascination. Même le capitaine Sonnecor s’était redressé sur son séant, intéressé par la pantomime qui se déroulait sous ses yeux. Plus que ses paroles, c’étaient ses gestes qui faisaient la joie, et qui paradoxalement inspiraient la crainte, de ses ouailles.
« - Certes, nous avons subis des défaites et pas des moindres, je ne peux que le déplorer. Mais, quand il n’y a plus d’espoirs, il n’y a plus de regrets. Notre passé, aussi sanglant soit-il, est notre force. Il nous a permis de nous endurcir, de façonner et de forger notre âme aux méfaits et aux crimes des non-vivants. Et la victoire n’en sera que plus grande. Quel pied de nez à ces années de luttes et de conflits incessants ! Quel prestige ! La Croisade écarlate ? Puis l’Assaut écarlate ? Un petit groupe d’hommes, à l’échelle du monde, parvenant à battre le Roi-Liche et ses armées pléthoriques ? Oui ! Oui, car la justice est notre glaive et notre foi, notre bouclier ! Nos idées sont pures. Nos valeurs sont pures. Et même la pire souillure qu’ai connu ce monde, ne peut profaner l’étendard sacré des ordres écarlates. Vous lutterez jusqu’au bout. Vous ne baisserez pas les bras. Et vous abattrez la justice divine sur les masses difformes des mort-vivants. Vous leur accorderez le repos éternel. Quoiqu’il arrive, quoiqu’il se produise, quoiqu’il advienne vous combattrez. Et vous inspirerez la crainte même aux chefs du Fléau. Laissez-moi être fier de vous, mes enfants. Laissez-moi savourez cet instant. Laissez-moi vous dire merci. Vous remercier pour ces années passées à combattre. »
Il se tourna vers un simple fantassin, intimidé par la cérémonie. Il lui tendit un index inquisiteur.
« - Toi ! Que faisais-tu avant ? Mineur ? Forgeron ? Rémouleur, peut-être ? »
Le fantassin, rouge de honte, bafouilla un timide :
« - Non, éminence. J’étais précepteur. »
« - Bien. C’est bien. Et toi, là-bas ? Qu’étais-tu auparavant ? » Demanda Langrain en pivotant sur ses talons et en montrant du doigt un simple soldat.
« - Tanneur, monsieur ! »
« - Et toi ? »
« - Charron ! »
« - Bien ! Et vous, commandant ? »
« - Cuisinier, Haut-Abbé. »
Il interrogea ainsi plusieurs personnes. Sonnecor restait silencieux, tête rentrée dans les épaules, de peur d’être questionné. Le capitaine n’avait quasiment jamais travaillé, se contentant d’aider ses frères et ses sœurs à caneter le fil de trame des métiers à tisser sur les bobines de l’atelier familial. Il n’avait reçu aucune formation digne de ce nom. Puis le Haut-Abbé Langrain se tut. Il sembla songeur pendant quelques instants, puis il leva un visage grave en direction des écarlates.
« - Mes enfants, la Lumière m’a parlée. »
Une clameur monta des rangs. Les écarlates échangèrent quelques murmures intrigués. Même la généralissime Abbendis, assise à l’écart, semblait hésiter entre la consternation et la surprise. Langrain hocha la tête.
« - Oui, mes enfants. Elle m’a parlée. La Lumière est fiere de ses combattants. Elle est fière des sacrifices que ses soldats consentent en son nom. Et elle souhaite nous appuyer dans notre lutte. Et par conséquent, la Lumière nous amènera un visiteur. Un visiteur dont l’identité n’est pas claire. Mais ce visiteur nous guidera vers la victoire. Ce personnage sera notre salut ! Il incarnera l’esprit même de l’Assaut écarlate ! Il sera notre phare ! Notre phare dans cet océan de ténèbres et de craintes inavouées. Vos craintes. Alors cette personne ; cette personne balaiera le désespoir et la peur. Et il remplacera ces deux sentiments par la joie et la piété. Je vais au devant de vos questions, maintenant. Est-ce que ce visiteur arrivera prochainement ? Oui. Très bientôt. Plus tôt que vous ne le pensez. Peut-être même qu’il nous observe en ce moment même. Quoiqu’il en soit, gardez la foi. En toutes circonstances. Ce sera tout. L’office est clos. »
Il claqua dans ses mains, esquissant un sourire jovial, puis il se retira dans la pièce annexe, en compagnie de l’évêque Delarue. La généralissime resta immobile pendant quelques instants, pensive. Puis elle se leva à son tour, et rejoignit les deux autres.


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Message  Scarlet Rouge Jeu 01 Juil 2010, 04:34

Les soldats et les officiers se levaient déjà, et se dirigeaient en direction de la sortie. Sonnecor les imita.
Au dehors, le vent glacé gifla le visage du capitaine. Un terrible blizzard enveloppait la région. Les échafauds et les grues des chantiers de construction étaient à peine visibles, et les structures vacillaient, ployant sous l’effet des fortes bourrasques. Les maçons étaient encore à l’œuvre. Sonnecor rajusta ses gants et fourra ses paumes sous ses aisselles. Le froid transperçait le tissu. De la buée s’échappait de la bouche du capitaine, et ses dents claquaient. A pas lents, trainant les pieds dans l’épaisse couche de neige qui recouvrait le terrain, le capitaine s’approcha d’un petit groupe d’officier qui s’était formé, près d’un feu de camp. Les discussions allaient bon train sur l’office tenu par Langrain.
« - Vous pensez qu’il dit vrai ? » demanda un homme, recouvert de plusieurs couches de vêtements, enveloppé dans une couverture et coiffé d’un passe-montagne.
« - Ca n’est pas lui qui l’a dit, c’est la Lumière.» répondit une jeune femme au teint pâle et au traits émaciés.
L’homme fit un signe de dénégation.
« - Peu importe. Vous pensez que c’est vrai ? »
« - Tu as déjà vu la Lumière mentir ? » fit le chevalier mal rasé de tout à l’heure.
« - Non. Non, bien sur que non. » Admit une voix sous l’épais tas de vêtements.
« - Ce qui m’inquiète en vérité, c’est le délai. Le délai d’attente avant qu’il n’arrive. » Intervint le capitaine Dallaire.
« - Quelle importance ? Il arrivera, voila tout. » Fit le commandant Gibbons, en train de tendre les mains vers le foyer, à l’écart du groupe.
« - Certes. Mais nous voulons une victoire rapide, n’est-ce pas ? Si cet homme pouvait se dépêcher… »
« - VOUS voulez une victoire rapide. Votre victoire rapide, je l’attends depuis six ans, environs. Deux ou trois ans de plus, ça ne changera pas grand-chose. Et d’abord, comment savez-vous que c’est un homme ? Vous l’avez vu ? »
Le capitaine Dallaire haussa les épaules.
« - Non. Mais le fait que cette personne soit un homme m’est venu tout naturellement à l’esprit. Je ne peux pas l’expliquer. »
« - En même temps, si c’est une femme, on est mal barrés les gars, hein ? » fit un simple soldat s’étant invité dans la conversation, goguenard.
Des regards contrits et amusés se tournèrent dans sa direction.
« - Soldat, pourquoi n’êtes-vous pas dans vos quartiers ? Vous n’avez rien à faire, n’est-ce pas ? Retournez dans vos quartiers, avant que je ne m’énerve et que je fasse un rapport sur votre comportement plus qu’ordurier. La généralissime serait très heureuse de lire vos déclarations. » Déclara très calmement la femme au visage émacié.
Le soldat devint blême.
« - Non, officier. Ca ne sera pas nécessaire. Mes excuses, officiers. »
L’homme tourna les talons et disparut en direction d’une rangée de tentes voisine.
« - Les préjugés ont la vie dure. » remarqua le capitaine Dallaire en soupirant.
« - Il s’y fera. Nous nous y sommes pliés. Le respect, c’est ce qui permet de maintenir une certaine mixité dans nos rangs. C’est comme cela que fonctionne la Croisade écarlate. » fit l’officier au teint cireux en enfilant son heaume et en exécutant un parfait salut militaire.
« - Messieurs, camarades officiers. Je vous quitte. Des tâches plus importantes m’attendent. »
Les hommes claquèrent des talons, tandis que la femme s’éloignait.

Sonnecor se contenta d’éternuer, pour sa part.



20 Octobre de l’an 624 (selon le calendrier du Roi), Nouvelle-Âtreval.

Cher journal,
Hier le Haut-Abbé Langrain, durant son office habituel de la matinée, nous a révélé le contenu d’une vision qu’il a prétendu recevoir de la Lumière elle-même. Il affirme qu’elle lui a annoncée l’arrivée d’un sauveur. Un sauveur pour notre ordre. Je dois admettre que ça n’est pas un mal, tant nous vivons une période de troubles. Je prie pour que ce guide parvienne à nous rejoindre le plus rapidement possible. Et j’accorde ma confiance en la Lumière, pour que cet envoyé nous mène à la victoire. Peut-être que c’est pour cela que nous campons sur nos positions. Peut-être qu’Abbendis a senti que la Lumière nous préservait de la défaite, en restant dans l’attente. Et peut-être que l’arrivée de ce guide, sera l’élément déclencheur d’une vaste poussée massive à l’intérieur même des terres du Roi-Liche. Je me languis. Cette annonce m’a mis dans un tel état d’excitation, que j’ai de plus en plus de mal à trouver le sommeil. Mais à présent, c'est le cadet de mes soucis. Au moment où j’écris ces quelques lignes, je me sens capable d’affronter une cohorte entière de non-vivants à moi tout seul. J’imagine que nos soldats ainsi que les officiers partagent le même sentiment que moi. Lumière, toutes mes pensées vont à toi. Ma vie est entre tes mains. Ma lame est la garante de ta sécurité et de ton intégrité. Donne-moi la force d’affronter nos ennemis communs. Protège-moi de la détresse et de la peur. Emplis mon cœur de ta bravoure et de ton courage. Fais-moi don de tes vertus, et je fais le serment de te servir au péril de ma vie. Lorsque cette horreur aura pris fin, montre-moi le chemin du retour. Le retour vers mon foyer.


L’eau s’écoula hors du seau dans un murmure à peine audible. La bassine était remplie à présent. Le capitaine Sonnecor mit un pied dans l’eau délicieusement chaude. Il s’y accroupit complètement en poussant un soupir de satisfaction. Cela faisait plusieurs jours qu’il n’avait plus pris de bain et ce contact avec l’eau chaude fit ressurgir d’anciens souvenirs enfouis dans sa mémoire. Lorsqu’il était encore à Hurlevent et que prendre un bain n’était pas un luxe. Lorsque les baignoires étaient gigantesques et les salles d’eau, beaucoup plus confortable que la tente ridicule dans laquelle il se trouvait actuellement. Sa tente d’officier. Juste assez grande pour y installer un sac de couchage et une petite table. Suffisante pour un capitaine, aux dires des officiers supérieurs. Le capitaine Sonnecor se délassa pendant quelques instants, yeux mi-clos. Puis il s’empara d’un savon noir posé à ses cotés, et commença à se frictionner les membres et à se pétrir les muscles. Au dehors, le vent ne cessait de souffler. La toile de tente claquait sous les rafales répétées. La lampe à huile accrochée au-dessus du capitaine se balançait d’avant en arrière, projetant des ombres de toutes parts. Venant de l’extérieur, quelques ordres étaient aboyés, mais ils étaient étouffés par les violentes bourrasques. Le mois de Décembre approchait et les températures continuaient de baisser. Sonnecor examina ses pieds. Comme il le craignait, il venait lui aussi d’être touché par le second fléau du Norfendre : les engelures. Des œdèmes étaient bien visibles à la surface de la peau, qui avait elle-même pris une teinte bleutée. Le capitaine tenta de resserrer ses orteils, avant de pousser une exclamation de douleur et de se raviser. Mieux valait consulter les prêtres plutôt que d’agir tout seul, dans ce genre de cas. Le capitaine se leva et sortit hors de l’eau, attrapant au passage une serviette en tissus grossier qui gisait sur la table. Il s’essuya le plus vite possible, de peur d’attraper un rhume, avant d’enfiler des vêtements propres, fournis la veille par l’intendant et le magasinier. Il s’empara ensuite de la bassine – où il put constater que la surface de l’eau encore chaude avait pris une teinte noirâtre – et versa la totalité de son contenu hors de la tente, à même la neige, provoquant l’apparition de volutes de vapeur. Othon s’essuya les paumes sur ses jambières, observant l’état des travaux au sein de la Nouvelle-Âtreval. Les ouvriers étaient toujours au travail. La caserne était toujours en pleine édification. Quelques mètres plus loin, une troupe de fantassins s’entrainaient sur des mannequins d’entrainement. D’autres trottinaient en rythme sur le pavé de la petite cité.
« - Capitaine Sonnecor ! »
Othon fit volte-face. Le capitaine Dallaire s’approchait de lui, à petite foulées. Il s’arrêta face à lui, essoufflé.
« - Bigre, vous avez l’air d’avoir meilleure mine. » fit-il remarquer.
« - J’ai pris un bain. »
« - Ah. Ce qui explique bien des choses. » Répondit Dallaire en esquissant un sourire moqueur.
Sonnecor ne releva pas.
« - Marchons un peu, allons nous dégourdir les jambes. Nous allons être transformés en glaçons si nous restons ainsi immobiles. »
Ils marchèrent pendant quelques minutes en silence, fendant les rangées de tentes et évitant les maçons portant des poutres et des seaux d’eau sur leurs larges épaules. Dallaire rompit ce silence.
« - Avez-vous lu les rapports de nos éclaireurs en Norfendre ? Ils font état de centaines de dragons dans ce désert de glace. Des centaines ! C’est à peine croyable. »
« - C’est un peu excessif, vous ne trouvez pas ? Des centaines… et je n’en ai pas vu un seul nous survoler ! »
« - Les rapports disent qu’ils se cantonnent plus au Nord, près d’une haute tour visible à plusieurs kilomètres. Nous ne la voyons pas d’ici, hélas. Les arbres, la végétation et les falaises environnantes nous bouchent le passage. Mais avez-vous lu ces rapports ? » Insista Dallaire, en tournant le regard vers son camarade.
« - Oui, je les ai lus. Quelques uns en tout cas. « admit le capitaine Sonnecor en opinant du chef.
« - Et rien ne vous a surpris ? »
« - Non. Pourquoi ? Quel élément aurait du me surprendre ? »
« - Vous êtes sérieux ? Vous ne parlez que de cela pourtant. L’absence du Fléau. Même dans leurs écrits, nos éclaireurs ne mentionnent aucune trace du Fléau. C’est à croire qu’ils se sont volatilisés. Et pourtant, nos hommes et nos griffons ont fait de longs trajets ! Et rien. Le néant. » Fit Dallaire, suspicieux.
« - En effet, vous avez raison. Pour autant, ça ne m’a pas sauté aux yeux. Il faut dire que j’ai beaucoup de mal à rester concentré ces derniers temps. Quoiqu’il en soit, cette absence de non-vivants me laisse perplexe. A croire que le Fléau a plié bagage. »


Dernière édition par Othon Sonnecor le Ven 16 Nov 2012, 16:34, édité 2 fois
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Message  Scarlet Rouge Jeu 01 Juil 2010, 04:35

« - Ca m’étonnerait. Je pense plutôt qu’ils sont en train de se regrouper pour nous rejeter plus rapidement à la mer. Ce qui me laisse perplexe plutôt, c’est l’attitude de la généralissime. » Fit Dallaire en baissant la voix.
« - Le fait de rester en stationnement ici ? Elle a ses raisons, j’imagine. Une nouvelle fois, nous devons lui accorder notre confiance. Elle a pressentie la chute de la Nouvelle-Avalon, rappelez-vous. »
« - Peut-être. Mais personne n’était dupe en Lordaeron. Nous savions presque tous que l’Enclave écarlate allait tomber. Nous étions encerclés de toutes parts, les forces de Puresang allaient droit au devant d’une terrible boucherie, et les hommes n’étaient plus motivés. Ils se fichaient de la Lumière. La plupart ne combattaient que pour tuer du mort-vivant. Ils n’étaient pas dignes de confiance. » Expliqua Dallaire.
« - Je partage votre point de vue. »
Nouveau silence. Ils croisèrent un petit groupe de prêtres, emmitouflés dans leurs robes richement décorée. Ils les saluèrent, avant de s’arrêter face aux échafauds de la caserne. Ils contemplèrent la levée d’une poulie actionnée par de robustes écarlates.
« - Il y’a peut-être une explication en ce qui concerne l’absence du Fléau sur ces terres. » reprit Sonnecor, mains derrière le dos.
« - Vraiment ? Laquelle ? » S’enquit Dallaire en massant son cou de taureau.
« - Peut-être que le Fléau a véritablement dégarni ces positions en Norfendre. Du moins, dans cette zone. »
« - Pourquoi donc ? »
Le capitaine Sonnecor se tourna vers Dallaire, en se mordant la lèvre inférieure. Il hésita, puis poursuivit.
« - Et bien peut-être que le Fléau est, en ce moment même, en train de passer à l’attaque. »
Dallaire haussa un sourcil, suspendant son geste.
« - A l’attaque ? Où ? En Azeroth ? »
Sonnecor hocha la tête.
« - Oui. Dans les Royaumes de l’Est. Ou en Kalimdor, je ne sais pas encore. Pas pour le moment. Sinon, comment expliquer l’absence de troupes non-vivantes ? »
« - Peut-être que les dragons les repoussent. On ne peut que spéculer. Dans tous les cas, nous recevrons des réponses très rapidement. Si cet envoyé arrive jusqu'à nous, les choses s’accéléreront. Soyez-en certain. » Confia Dallaire en frappant ses paumes l’une contre l’autre.
« - Affirmatif. Je n’ai qu’une hâte, c’est qu’il ou elle arrive. Il me tarde d’en finir. Je ne suis pas venu sur ce continent maudit pour passer mon temps à superviser des entrainements inutile et à rédiger des notes et des rapports sur tout et rien à la fois. Ce qui me fait penser que nous avons besoin de plus de bois pour terminer la construction faramineuse de la caserne et des étables. » Gronda Sonnecor, tandis qu’ils se dirigeaient en direction du front de mer.
« - La logistique… »
« -… un sacré casse-tête oui. Tant de bouches à nourrir, tant de soldats à entrainer et tant de bois, de pierre et d’autres ressources à fournir. Et le travail doit être effectué dans les délais. Bon sang. Je donnerais beaucoup pour monter au créneau. » Fit le capitaine Sonnecor en faisant mine d’écraser son poing contre sa paume ouverte.
Ils étaient arrivés face à la mer. Immensité était le mot qui convenait parfaitement. Les icebergs flottaient paresseusement dans la baie et de puissantes vagues venaient s’écraser contre les récifs. En contrebas, dans le port, les navires de l’expédition étaient toujours amarrés. Quelques sentinelles effectuaient leurs tours de ronde. La zone était calme, paisible et seul le piaillement des mouettes et la rumeur des vagues venaient troubler ce silence.
« - J’ai remarqué que vous boitillez, capitaine. Quelque chose ne va pas ? » demanda Dallaire en fixant les jambes de son homologue. Sonnecor répondit avec un geste de dénégation presque méprisant.
« - Non, non. Ne vous inquiétez pas. Je vais bien. Mes petits petons sont juste engourdis. Rien de grave. Avec toute cette neige, l’humidité et le froid s’infiltrent même dans mes bottes. Ce climat est une horreur. »
« - Oui. Pensez donc ! Notre équipement est pourtant adapté au Norfendre. Imaginez les conséquences d’un hiver aussi terrible en Lordaeron ! Même à Strahnbrade il ne faisait pas aussi froid. » Ajouta Dallaire, visiblement stupéfait d’un tel temps.
« - Vous connaissez Strahnbrade ? »
« - J’y avais de la famille dans le temps. Des gens rudes et avec bien peu de manières. Mais ils étaient sympathiques et jovial, lorsque l’on prenait la peine de s’intéresser un peu plus à eux. Les gens de la montagne sont comme ça. Ils vous offriraient presque la clé de leur maison si vous gagnez leur confiance. Ah ah ! Quand j’y repense. » Fit Dallaire en jubilant.
En contrebas, les sentinelles venaient d’être remplacées dans leur tour de garde. Le silence s’était de nouveau installé entre les deux hommes.
« - C’était le bon vieux temps. » murmura le capitaine Dallaire en se baissant pour ramasser de la neige, avant de se l’appliquer contre la nuque.
« - Le bon vieux temps, oui. Le bon vieux temps. »

Au loin, perché sur un échafaud tout proche, un corbeau les observait. Un ouvrier remarquant sa présence le chassa à grands renforts de cris et d’insultes. L’oiseau déploya ses ailes, et s’envola lourdement dans les airs, sous les rires et les moqueries de quelques maçons qui s’amusaient de la scène du petit ouvrier moustachu en train de poursuivre le volatile.
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Message  Scarlet Rouge Mar 06 Juil 2010, 06:07

Petite suite en vue.

(A écouter avec : https://www.youtube.com/watch?v=wSGva04yOic )

15 Novembre de l’an 624 (selon le calendrier du Roi), Nouvelle-Âtreval.

Cher journal,
Cela fait quelques temps que je n’ai plus inscrit quelques unes de mes pensées sur tes pages écornés, et je m’en veux pour cela. A dire vrai, je n’ai plus le temps d’écrire depuis plusieurs jours. La cadence s’est accélérée et je suis certain que quelque chose se prépare. Un évènement important. Toutes les unités sont opérationnelles, et les entrainements se sont intensifiés. Je supervise deux sections le matin et j’ai le champ libre l’après-midi pour faire l’inventaire des équipements manquants ou abimés. Autant dire qu’avec ces deux activités, j’ai vite retrouvé le sommeil, même si les températures sont toujours aussi basses. J’espère que nous allons enfin réagir. Depuis près d’un mois, je ronge mon frein et j’attends avec frustration le moment tant attendu. Il me tarde de monter au champ d’honneur. Nous avons échoués à la Nouvelle-Avalon, mais nous ne reculerons pas ici, j’en ai la conviction. Que je sois damné si j’ai tort. Notre moral est au plus haut, et les ouvriers redoublent d’effort pour terminer la construction des installations en dur. Kaleiki est surchargé de travail. Il ne sort plus de sa tente, même pour les repas (un fantassin se charge de les lui apporter). Il passe ses journées et ses nuits à effectuer des mesures et des calculs sur des plans et des schémas très compliqués. Je me demande comment il fait pour tenir.




17 Novembre de l’an 624 (selon le calendrier du Roi), Nouvelle-Âtreval.

Cher journal,
Une rumeur étrange parcourt le camp depuis ce matin. Les soldats affirment que l’amiral Pônevent, le dirigeant de la flotte écarlate, lors de la précédente expédition ratée, s’est présenté aux portes de la Nouvelle-Âtreval. Il a été conduit auprès d’Abbendis en catimini et personne ne l’a revu depuis. En temps normal, cette rumeur m’aurait beaucoup amusé. Mais quelque chose ne tourne pas rond. Non seulement les témoins affirmant avoir vus l’amiral sont nombreux, mais en plus leurs déclarations corroborent parfaitement avec la prophétie du Haut-Abbé Langrain. Je t’avouerais cher journal, que je ne sais plus quoi penser. Comment l’amiral aurait-il pu survivre ? Il serait donc resté durant cinq longues années sur ces terres inhospitalières ? Si ces rumeurs se révèlent justes, alors cela tient du miracle. La généralissime Abbendis n’a fait aucune déclaration. D’ailleurs, ses collaborateurs font de même : ils gardent le silence. Je dois admettre que je me prends à espérer que ces rumeurs soient fondées et que nous en ayons la preuve dans les jours à venir. Est-ce que l’envoyé de la Lumière est Pônevent ? Il n’y a plus qu’à attendre une réponse très bientôt.


« - Puisque je te dis que je l’ai vu, comme je te vois ! »
« - Oui, bien sur. Moi aussi je l’ai vu, pas vrai les gars ? Il était même accompagné de Turalyon. »
Il y’eut quelques rires amusés. C’était une matinée froide. Le mois de Novembre allait se révéler rude en Norfendre et de fortes chutes de neige se produisaient fréquemment dans la cité de la Nouvelle-Âtreval. Ils étaient installés en cercle, autour d’un feu de camp chauffant une bouilloire. Quelques officiers mais aussi, et surtout, beaucoup de soldats. Ils se rassemblaient quelque fois pour partager un breuvage ou une veillée. C’était un excellent moyen pour les officiers, de tester le moral des troupes et d’être à l’écoute des craintes et des doutes des soldats. Et c’était aussi un prétexte idéal, pour repérer les soldats jugés un peu trop « tièdes ». Du reste, les fantassins y trouvaient aussi leur compte, puisque cela leur permettait de mieux connaître leurs supérieurs.
« - Je te jure que je l’ai vu, bon sang ! Je suis pas le seul à l’avoir aperçu ! Walker et Church l’ont vu, eux aussi ! Ils te diront la même chose ! » S’égosilla le soldat Gideon en pointant du doigt une rangée de tentes opposées.
Adossé contre un chargement de mortier, le paladin Efrem (affectueusement surnommé « le Fidèle » par ses hommes) écoutait la conversation, silencieux, se contentant de tartiner de miel une tranche de pain. Assis en tailleurs sur la neige et attisant les flammes de l’âtre, l’ouvrier Cordell prit la parole :
« - Tu manque de sommeil, voila tout. Nous manquons tous de quelque chose ici. Le pays nous manque, la bonne nourriture nous manque, le bon vin nous manque… »
« - … Et le bon café nous manque. D’ailleurs tu devrais le sortir du feu, Cordell. Café bouillu, café foutu. » Coupa un soldat en train d’observer les flammes du foyer.
« - Ouh, pardon. Désolé. J’avais oublié. Crétin, tu vois ce que tu me fais faire ? » Fit piteusement Cordell en s’adressant à Gideon, tout en retirant la bouilloire du feu de camp.
« - Ce que je ne te fais pas faire, justement. Et puis mon histoire est plus importante que votre café ridicule. » S’exclama Gideon en s’installant près du feu de camp, auprès des autres, faussement boudeur.
« - Ah, insulte pas le café. On va pas être copain, sinon. Café ? Quelqu’un veut un café ? » Proposa l’ouvrier en levant sa bouilloire. Plusieurs gobelets se tendirent. Cordell versa le breuvage très chaud. Une bonne odeur de café s’éleva depuis le cercle formé par la petite huitaine d’écarlates.
« - Café, messieurs ? » proposa Cordell, en montrant la bouilloire aux officiers.
Le capitaine Sonnecor, juché sur une caisse d’équipements fit un timide signe de dénégation.
« - Non merci, Cordell. » répondit Efrem en enfonçant son couteau dans un pot de miel, posé juste sur une caisse de mortier.
L’ouvrier haussa les épaules en remplissant sa propre tasse.
« - Bah. J’imagine que les officiers ont déjà tout ce qu’il faut dans leurs tentes. »
Efrem émit un rire franc.
« - Très exact, Cordell. Très exact. »
« - Hé ! Vous trouvez pas que ça manque de croissants ? » Demanda un soldat en cherchant autour de lui quelque chose à tremper dans sa tasse.
« - En parlant de croissants, l’intendant en a plein dans sa cuisine roulante. Et pas que des croissants d’ailleurs. Des brioches, des petits pains, et des muffins. Mais il n’en donne pas aux soldats. « Que les officiers ! » qu’il m’a dit. Pas vrai ? » Fit Gideon en relevant la tête vers les officiers présents.
Nouveau rire d’Efrem.
« - Oui, Cordell. Ce sont les petites joies des hauts faits d’armes. Du bon café, du bon thé, des croissants, de l’excellent tabac aussi… »
Efrem échangea un regard entendu avec le capitaine Sonnecor, qui s’amusait beaucoup de la situation. Le capitaine écoutait avec attention, balançant ses jambes dans le vide. L’ouvrier émit un grognement.
« Ouais. Ben quand j’serais officier, j’irai rafler tous les petits pains et tous les croissants de la roulante. Et puis, j’sifflerais toutes les bouteilles de rouge. Et de blanc, aussi. » Marmonna Cordell en remuant doucement sa tasse.
« - Je vous soutiendrais, Cordell. Postez votre candidature quand vous le voudrez. » Fit Efrem en avalant la dernière bouchée de sa troisième tartine de la matinée.
Sonnecor esquissa un sourire. Il tourna le regard vers l’extrémité Est de la Nouvelle-Âtreval. L’abbaye, la basilique et la caserne étaient presque terminées. Seuls les tours et les dômes manquaient. Sur le chemin menant en direction du port, une équipe de quatre écarlates armés de pelles et de pioches, tentaient de déblayer le passage, de la neige qui s’amoncelait. L’un d’eux fracassait violemment les plaques de verglas à l’aide de sa pioche. De gros cristaux de glaces voletaient autour de lui.
« - Quel boulot éreintant. » murmura le capitaine Sonnecor en s’étirant. Il se laissa tomber au sol et se frotta les reins et le bas du dos.
« - Vous nous quittez déjà, capitaine ? » demanda un soldat en se versant un nouveau café.
« - Je vais juste faire un tour. Je reviens dans quelques instants. »
C’est à ce moment précis qu’apparut le commandant Taleon. Marchant à grandes enjambées, il s’approcha du petit groupe.
« - Bonjour, commandant Taleon. Tout va pour le mieux ? » Demanda Sonnecor, mains sur les hanches.
« - Pônevent est de retour. » déclara le commandant, ignorant la question du capitaine.
« - Ah ! Vous voyez ?! Je vous l’avais dit ! » S’exclama le soldat Gideon en se redressant brusquement.
Les soldats et les officiers en restèrent bouché bée.
« - C’est officiel ? » demanda Efrem en refermant machinalement son pot de miel.
Taleon secoua la tête.
« - Non, pas pour le moment. Mais ça risque de le devenir. Nombre de nos soldats affirment l’avoir croisé, alors qu’il était mené auprès d’Abbendis par deux chevaliers. »
« - Quelqu’un serait en mesure de reconnaître les chevaliers ? Ils pourraient être facilement interrogés pour éclaircir toute cette histoire. » Déclara le capitaine Sonnecor en chassant l’épaisse couche blanche qui recouvrait son heaume.
Taleon frotta sa barbe. Quelques flocons de neige s’étaient perdus dans celle-ci. Et le teint du commandant était encore plus pale que d’habitude.
« - Non. Maintenant que vous le dites, tous ceux que j’ai interrogés ont omis de me décrire les chevaliers. Mais je pense que ça pourrait se faire. J’irai me renseigner. »
« - En admettant que Pônevent soit bien en vie, il aurait survécu tout seul ? Durant cinq ans ? Et comment nos gardes l’ont-ils reconnus ? Il s’est présenté devant nos portes, en disant « salut c’est moi, je me suis perdu, vous m’ouvrez ? » ou quelque chose dans le même registre ? Ca fait cinq années que l’on suppose que sa dépouille git quelque part dans le Nord. En cinq ans, il aurait du changer d’apparence, non ? A moins qu’il n’y ait un barbier ou un coiffeur dans les environs, et je regrette de ne pas en avoir été averti. » Ironisa Sonnecor en prenant son heaume sous le bras.


Dernière édition par Othon Sonnecor le Ven 16 Nov 2012, 16:46, édité 1 fois
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