Mémoires d'un druide
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Mémoires d'un druide
Oblivion
Le cerveau est quand même formidable.
Cette masse gélatineuse, cette matière grise et blanche, ce globe spongieux situé dans la boîte crânienne , composé de près de 75% d'eau, est capable de contrôler l'Homme - et autre race humanoïde -, de coordonner son comportement, la plupart de ses mouvements, de pouvoir parler et pratiquer divers langages, de réguler le rythme cardiaque, la température du corps, la pression artérielle et tellement d'autres fonctionnements internes encore ..
100 milliards de neurones dont chacun peut former jusqu'à 10 000 connexions, le tout contenu dans un volume équivalent à celui d'une grosse choppe de bière.
Mais il est également le siège des sentiments, des émotions, des réactions à l'environnement. La joie, La peine, la colère, l'amour, la haine, la passion, la faim, la peur, le danger, la douleur...
Et de la mémoire ... oui, bien sûr. La mémoire.
Et son pendant, l'oubli.
Le druide, adossé à un érable sycomore, soupira profondément, les yeux levés au ciel azuré.
Ses réflexions lui étaient parvenues par associations d'idées. Par le biais du mot "souvenir", en fait.
Les souvenirs, seule chose lui restant pour les jours qui suivraient les jours qui en suivraient d'autres, encore et encore. Et pourtant, paradoxalement, ses propres souvenirs il allait devoir les oblitérer, les biffer purement et simplement.
"Vaste tâche que voilà !", prononça-t-il de manière sardonique pour lui même.
Car le cerveau est également traître.
Chasser un souvenir n'est pas aisé. Souvent, plus on essaie d'oublier, moins il est aisé d'y parvenir, le souvenir étant justement "rafraîchi" par ces tentatives.
Maudit doit être le Dieu qui se souvient de tout, toujours.
Irhondril secoua la tête, comme pour chasser une mouche imaginaire, et revint au présent.
Il se releva péniblement, avisa la bouteille de piètre alcool couchée à côté de lui, la saisit, en retira le bouchon de ses dents, et en but deux bonnes lampées.
Tout en s'essuyant la bouche de sa main, il se dit que dans le combat cerveau/alcool et sa corrélation souvenir/oubli, le gagnant sera le plus liquide des deux. Du moins momentanément.
Combien de temps lui faudrait-il pour oublier ce qu'il s'était récemment passé ? Pour effacer de sa tête sa condition actuelle ? Pour enterrer au plus profond de lui, dans une cave mentale noire et froide son amour pour Ayame ?
Quelques centaines d'années ? Il n'était plus à ça près, et si même ses souvenirs disparaissaient seulement une journée avant sa mort, au moins il aurait une journée de répit dans cette tourmente insoutenable, dans cette terrible douleur.
Ses meilleurs atouts seraient : Un, l'Alcool. Et deux, le Temps. Ni plus, ni moins. L'un à court terme, l'autre à long terme. Avec un troisième atout caché si les deux premiers ne s'avéraient pas suffisants, sa carte maîtresse, la Mort. Celle-ci étant définitive une fois appliquée, à court comme à long terme.
En attendant, l'elfe de la nuit maugréa en parcourant du regard la distance qu'il lui restait à faire avant de parvenir au prochain col de montagne. Dire qu'il ne pouvait même plus invoquer sa fidèle tigresse Zhé'allah ! Sans parler de ses transformations druidiques en guépard ou en félin pour aller plus vite.
C'est bien simple, tous ses pouvoirs, de soin ou de combat sauvage, de transformation ou d'invocation, bref, toute technique lui avait été enlevé lors du rituel qu'il avait effectué pour la résurrection d'Ayame.
"Au moins, elle est en vie. Elle vit, bon sang ! C'est le plus important", se dit-il, son coeur battant tout-à-coup plus fortement dans sa cage thoracique. Et se gifla aussitôt violemment pour avoir eu de nouveau des pensées passées.
"Stop. Arrête-toi d'y penser, crétin", se morigéna-t-il. "Pense à... je sais pas, à rien ! Compte les arbres bordant le chemin, le nombre de tes pas, regarde les nuages cotonneux du ciel, fais quelque chose d'AUTRE que de PENSER. Mets un frein à tout ça, et profites-en pour reboire une bonne goulée de cet alcool bon-marché, tiens, bougre d'imbécile".
Col après col, montagne après colline, adret après ubac, le druide avançait inlassablement, ses pieds battant la poussière du chemin, dans une direction qui lui était familière : Tel'drassil. Le crâne fantômatique, résidu du Rituel et de l'utilisation du Livre interdit l'accompagnait et sa présence ne facilitait pas l'oubli désiré. La distance était longue à marche, mais il avait tout son temps, il n'était vraiment pas pressé.
Ses racines, il voulait les retrouver. Parcourir les monts et vallées, traverser la mer, et enfin parvenir à la quiétude de sa forêt amie afin de se poser et réfléchir sur ce qu'il allait faire. Mais il avait besoin de cette étape.
A ce moment-là, il aviserait : soit y rester et y vivre reclus jusqu'à la mort de ses souvenirs ou de sa propre mort. Soit, autre solution, pénétrer une fois de plus dans le Rêve d'Emeraude, et y dormir, y rêver, en stase complète. Mais celle-ci lui faisait peur. La dernière fois qu'il y était allé, le Rêve était Cauchemar.
Et enfin, ultime solution.... Agham.
[A suivre]
Oubli : nm. Effacement, disparition des souvenirs et, en particulier, éloignement de certaines idées préoccupantes : "Avec le temps vient l'oubli".
Fait de ne plus tenir compte de quelque chose, de le pardonner : "L'oubli des offenses"
"Nul bonheur, nulle sérénité, nulle espérance, nulle fierté, nulle jouissance de l'instant présent ne pourrait exister sans la faculté d'oubli."
[...] Les druides des Elfes de la nuit, y compris Malfurion, furent reliés au Rêve à travers l'Arbre monde. Partie intégrante du pacte mystique, les druides acceptèrent de dormir pendant des siècles de façon à ce que leur esprit puisse explorer les chemins infinis du monde onirique d'Ysera. [...]
- Extrait de Azerothian Encyclopaedia, Psaume XVI, chapitre 05, p. 1975 -
"Je te vois !"
- Agham -
Le cerveau est quand même formidable.
Cette masse gélatineuse, cette matière grise et blanche, ce globe spongieux situé dans la boîte crânienne , composé de près de 75% d'eau, est capable de contrôler l'Homme - et autre race humanoïde -, de coordonner son comportement, la plupart de ses mouvements, de pouvoir parler et pratiquer divers langages, de réguler le rythme cardiaque, la température du corps, la pression artérielle et tellement d'autres fonctionnements internes encore ..
100 milliards de neurones dont chacun peut former jusqu'à 10 000 connexions, le tout contenu dans un volume équivalent à celui d'une grosse choppe de bière.
Mais il est également le siège des sentiments, des émotions, des réactions à l'environnement. La joie, La peine, la colère, l'amour, la haine, la passion, la faim, la peur, le danger, la douleur...
Et de la mémoire ... oui, bien sûr. La mémoire.
Et son pendant, l'oubli.
Le druide, adossé à un érable sycomore, soupira profondément, les yeux levés au ciel azuré.
Ses réflexions lui étaient parvenues par associations d'idées. Par le biais du mot "souvenir", en fait.
Les souvenirs, seule chose lui restant pour les jours qui suivraient les jours qui en suivraient d'autres, encore et encore. Et pourtant, paradoxalement, ses propres souvenirs il allait devoir les oblitérer, les biffer purement et simplement.
"Vaste tâche que voilà !", prononça-t-il de manière sardonique pour lui même.
Car le cerveau est également traître.
Chasser un souvenir n'est pas aisé. Souvent, plus on essaie d'oublier, moins il est aisé d'y parvenir, le souvenir étant justement "rafraîchi" par ces tentatives.
Maudit doit être le Dieu qui se souvient de tout, toujours.
Irhondril secoua la tête, comme pour chasser une mouche imaginaire, et revint au présent.
Il se releva péniblement, avisa la bouteille de piètre alcool couchée à côté de lui, la saisit, en retira le bouchon de ses dents, et en but deux bonnes lampées.
Tout en s'essuyant la bouche de sa main, il se dit que dans le combat cerveau/alcool et sa corrélation souvenir/oubli, le gagnant sera le plus liquide des deux. Du moins momentanément.
Combien de temps lui faudrait-il pour oublier ce qu'il s'était récemment passé ? Pour effacer de sa tête sa condition actuelle ? Pour enterrer au plus profond de lui, dans une cave mentale noire et froide son amour pour Ayame ?
Quelques centaines d'années ? Il n'était plus à ça près, et si même ses souvenirs disparaissaient seulement une journée avant sa mort, au moins il aurait une journée de répit dans cette tourmente insoutenable, dans cette terrible douleur.
Ses meilleurs atouts seraient : Un, l'Alcool. Et deux, le Temps. Ni plus, ni moins. L'un à court terme, l'autre à long terme. Avec un troisième atout caché si les deux premiers ne s'avéraient pas suffisants, sa carte maîtresse, la Mort. Celle-ci étant définitive une fois appliquée, à court comme à long terme.
En attendant, l'elfe de la nuit maugréa en parcourant du regard la distance qu'il lui restait à faire avant de parvenir au prochain col de montagne. Dire qu'il ne pouvait même plus invoquer sa fidèle tigresse Zhé'allah ! Sans parler de ses transformations druidiques en guépard ou en félin pour aller plus vite.
C'est bien simple, tous ses pouvoirs, de soin ou de combat sauvage, de transformation ou d'invocation, bref, toute technique lui avait été enlevé lors du rituel qu'il avait effectué pour la résurrection d'Ayame.
"Au moins, elle est en vie. Elle vit, bon sang ! C'est le plus important", se dit-il, son coeur battant tout-à-coup plus fortement dans sa cage thoracique. Et se gifla aussitôt violemment pour avoir eu de nouveau des pensées passées.
"Stop. Arrête-toi d'y penser, crétin", se morigéna-t-il. "Pense à... je sais pas, à rien ! Compte les arbres bordant le chemin, le nombre de tes pas, regarde les nuages cotonneux du ciel, fais quelque chose d'AUTRE que de PENSER. Mets un frein à tout ça, et profites-en pour reboire une bonne goulée de cet alcool bon-marché, tiens, bougre d'imbécile".
Col après col, montagne après colline, adret après ubac, le druide avançait inlassablement, ses pieds battant la poussière du chemin, dans une direction qui lui était familière : Tel'drassil. Le crâne fantômatique, résidu du Rituel et de l'utilisation du Livre interdit l'accompagnait et sa présence ne facilitait pas l'oubli désiré. La distance était longue à marche, mais il avait tout son temps, il n'était vraiment pas pressé.
Ses racines, il voulait les retrouver. Parcourir les monts et vallées, traverser la mer, et enfin parvenir à la quiétude de sa forêt amie afin de se poser et réfléchir sur ce qu'il allait faire. Mais il avait besoin de cette étape.
A ce moment-là, il aviserait : soit y rester et y vivre reclus jusqu'à la mort de ses souvenirs ou de sa propre mort. Soit, autre solution, pénétrer une fois de plus dans le Rêve d'Emeraude, et y dormir, y rêver, en stase complète. Mais celle-ci lui faisait peur. La dernière fois qu'il y était allé, le Rêve était Cauchemar.
Et enfin, ultime solution.... Agham.
[A suivre]
Irhondril
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