Les mémoires oubliées (Aldéria & Elisandre Sol'Alan)
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Les mémoires oubliées (Aldéria & Elisandre Sol'Alan)
Installée sur une table dressée dans le jardin de la maison familiale, Elisandre profite des rayons du Soleil. Devant elle, un livre vierge relié de cuir, et une pile de très vieux carnets et documents. Après les avoir lu dans un silence religieux, l’elfe découpe et recolle avec grand soin certains passages dans le livre vierge qui se remplit peu à peu.
Première coupure :
Par Elisandre Sol’Alan, 10 ans.
Deuxième coupure :
Par Elisandre Sol’Alan, 10 ans.
Mémoires oubliées d’Elisandre Sol’Alan.
L’Académie de magie
Première coupure :
Par Elisandre Sol’Alan, 10 ans.
Aujourd’hui c’était le jour de la reprise des leçons à l’Académie de magie de Lune d’Argent ! Et quelle journée ! Je suis fière de commencer ma première année alors que grande sœur a remporté les lauriers de la promotion l’an passé.
Aldy a refusé que je porte ses grimoires et m’a présenté à ses amies ! J’étais tellement honorée que j’en suis devenue plus rouge que ma robe ! Il faut que je sois à la hauteur ! Terminé les gaffes Elisandre ! Tout le monde se tait lorsque grande sœur Aldéria parle, les autres l’admirent ! Hiii ! Moi : sa petite Lili, au milieu de tout ca ! J’ai tellement peur de lui faire honte ! D’ailleurs je ferai mieux de réviser les leçons du jour !
Deuxième coupure :
Par Elisandre Sol’Alan, 10 ans.
Il faut que je raconte ! Il y avait Léo de la famille Lux’Vatis dans le couloir cet après midi ! Père dit souvent que les Lux’Vatis sont des bons à rien indignes de la Noblesse. Moi je ne sais pas si Léo est indigne mais en tout cas il ne m’aimait pas ! J’étais toute seule, il m’a bousculé et a cherché à faire tomber ma sacoche de livres. Oh, je ne lui en voulais pas, je sais qu’il est un garçon malheureux. Il est rondouillet et il n’a pas été bien classé l’année dernière apparemment. Je pense que ca ne doit pas plaire à son papa s’il est comme le mien.
J’allais lui demander pourquoi il avait fait ca, quand grande sœur a bondit de je ne sais où. Aldy arrive toujours à être là pour rattraper mes bêtises. Je ne sais pas comment elle fait. Ses yeux lançaient des éclairs et sa main s’est levée pour frapper fort le visage du gros Lux’Vatis. Les gens qui s’étaient rassemblés autour ne disaient plus rien. Léo ne la menait plus large mais il a quand même insulté notre famille. Je m’attendais à ce qu’on les sépare, des professeurs étaient sortis pour regarder ! Aldéria a incanté un trait de feu d’une pureté et d’une stabilité remarquable pour le lancer sur le gros. Les flammes ont éclaté sur son visage ; il est tombé sur les dalles en hurlant comme un damné. On ne l’a plus vu de la journée mais j’ai entendu plus tard des enseignants parler de défiguration à vie. J'étais inquiète de ce qui pourrait arriver à ma sœur. Autant de ce que dirait l'Académie que nos parents. Pauvre Aldy ! Je l'imaginais déjà renvoyée ! Grande sœur si brillante, renvoyée à cause de mon inutilité ! Y repenser fait encore tourner ma tête.
Aldéria semblait loin de ces problèmes elle. Son sourire illuminait toujours son visage alors que nous quittions l'Académie. Nous rentrions à la maison et même les rayons du Soleil n'arrivaient pas à me faire oublier la trouille que j'avais. Grande sœur m'a proposé d'acheter des sucreries et de nous arrêter sur un banc pour les manger. Je n'avais pas le cœur à manger des bonbons mais je n'ai jamais eu envie de dire non à Aldy. Nous nous sommes assises et c'est alors qu'elle a dit cette phrase ; à propos de l'honneur de notre Nom et de la nécessité de le défendre au delà même de la mort. C'était mot pour mot la phrase que Père nous disait souvent. Mais grande sœur ne la répétait pas. Cette phrase était déjà la sienne. L'azur de ses prunelles était si inflexible que je me jurais de faire comme elle à la première occasion. Comme j'acquiesçais, le Feu qui l'animait disparu rapidement. Elle m'a serré dans ses bras et m'a tressé une petite natte en déposant de temps en temps un baiser sur mes joues.
A la maison, grande sœur a raconté à Père. Il était très content et l'a beaucoup félicité. En récompense, il lui a attribué une servante personnelle. Aldy souriait beaucoup elle aussi. Elle a dit a Père que c'est moi qui avait giflé le Lux'Vatis. Il a passé sa main dans mes cheveux et a dit qu'il était fier d'avoir deux vraies Sol'Alan comme filles.
Elisandre Sol'Alan
Re: Les mémoires oubliées (Aldéria & Elisandre Sol'Alan)
Troisième coupure :
Par Elisandre Sol’Alan, 15 ans.
Première coupure :
Par Elisandre Sol'Alan, 20ans
Par Elisandre Sol’Alan, 15 ans.
Ce n’est pas juste.
Je me sens laminée par cette irrépressible envie de crier. Pourtant il n’y à rien à dire. Rien à détester. Rien contre quoi me dresser. Le Cri, le véritable Cri il me semble, est l’expression de l’animal qui agonise ; percé par les plus acérées des flèches.
Et je m’inspecte ! Je cherche en vain cette Flèche enfoncée dans mon être. Je la cherche, je la désire pour toute la souffrance légitime qu’elle m’apporterait. Pourtant la Vie ne lance sur moi aucun de ses projectiles. Ironique ; cynique même ! Elle semble vouloir les darder sur ceux qui sont déjà les plus accablés.
Moi Elisandre Sol’Alan, suis née avec une cuillère en or massif dans la bouche. Ma famille a déjà régulé ma vie avant même ma venue au monde. Je suis une étudiante en arts magiques, plutôt bonne mais sans talent. Je dois travailler et pratiquer des semaines pour faire à grand peine ce que grande sœur Aldéria apprend en autodidacte, un soir dans sa chambre quand elle s’ennuie.
Je n’ai pas d’amies. Les autres filles se divisent entre celles qui sont craintives et jalouses ; et celles qui feraient n’importe quoi pour approcher ma géniale grande sœur. Quant aux garçons, ceux qui essaient de me séduire le font en rivalisant de brutalité et de cruauté envers les autres.
Sinon j’ai un excellent repas tous les soirs. Père travaille parfois avec le Seigneur-Régent. La boulangère fait sortir tous ses clients quand j’entre acheter des bonbons. J’aime m’asseoir sur les bancs et regarder vivre les gens. Je me focalise sur eux ; j’ai l’impression de les comprendre. Comme si les échos de leurs pensées remplissaient la sphère de Vide que je suis.
Paradis perdu ?
Première coupure :
Par Elisandre Sol'Alan, 20ans
J’écris moins. Cette vie est agréable finalement. Il suffit de la laisser s’écouler, exactement comme l’eau d’un fleuve. S’accouder au bastingage du Navire et river ses yeux sur le ciel et le paysage.
Aldéria est toujours aussi brillante. Sortie de l’Académie cette année, la voila devenue Magistère. On raconte qu’elle est l’une des plus jeunes à obtenir ce titre. Charismatique, belle, souriante, excellente… Elle fait partie de ceux nés pour tenir la barre du Navire. Cela fait longtemps que personne n’a cherché à lui revendiquer la place au gouvernail. J’ai l’impression qu’elle-même a oublié ce Feu qui l’animait si souvent lors des premières années d’Académie. En réalité il brule toujours en elle. Il semblerait juste qu’elle n’a plus besoin de montrer cette Flamme pour emporter l’adhésion de ses pairs. Son second visage à la fois si différent et effrayant -celui qu’elle avait lorsqu’elle a brulé et défiguré ce garçon dont j’ai oublié le nom- n’est plus qu’une vision fantastique dans ma mémoire. Je me la remémore à la façon d’un cauchemar : je ressens la frayeur brute alors même que l’image est à demi effacée.
Ma place au bastingage me va très bien. Je n’aspire pas à un avenir brillant. L’introversion forcée pendant tant d’années m’a donné loisir d’explorer les méandres de l’esprit ; donné assez de neutralité et affûté le regard que je porte sur le monde. L’exploration de la psyché est quelque chose de fascinant. J’ai rejoint le corps des prêtresses auprès de qui j’apprends à transformer mes dispositions en Art. Je deviens autre chose qu’une sphère vide. Mon esprit est une maison que je meuble ; une aiguille que j’apprends à enfoncer dans le tissu des choses pour les faire miennes. La prêtresse supérieure me trouve un certain talent ; j’ai presque envie de la croire. Elle m’enseigne l’anatomie, les langues et le maniement de la Lumière.
Elisandre Sol'Alan
Re: Les mémoires oubliées (Aldéria & Elisandre Sol'Alan)
Seconde coupure :
Par Elisandre Sol'Alan, 30ans
Si Elisandre avait eu des portraits d'époque, voilà à quoi ils ressembleraient :
Aldéria Sol'Alan
Elisandre Sol'Alan
Par Elisandre Sol'Alan, 30ans
Il y a longtemps que je n’ai pas repris ma plume pour continuer mes récits dans ce carnet. En effet, j’ai peur de ne plus avoir grand-chose à rapporter désormais. Plus de grands débats à tenir sur la place du bonheur dans la vie, la reconnaissance, l’épanouissement … Tous ces remous si propres au jeune âge.
Quelle erreur d’avoir imaginé le bonheur dans l’éclat et la gloire ! Quel égarement d’avoir passé autant de temps à chercher comment égaler ma sœur ! Et quelle bêtise d’avoir souhaité une révolte dans ma vie ! Oui, je ne peux que me remémorer ces vieilles pensées avec condescendance.
Il est si facile de profiter simplement de ce que cette existence m’offre depuis toujours. Cela fait maintenant une dizaine d’années que je me laisse porter par le fleuve de la Vie, et que j’ai laissé derrière moi cette stupide mélancolie.
Ma petite vie avance à moindres frais. Ma formation de prêtresse est accomplie, et je suis désormais libre d’approfondir ma maitrise avec mes consœurs. Qui sait, si je venais à avoir une soudaine envie de surpassement, je pourrai toujours me lancer dans l’étude de l’Anathème : la capacité à faire naitre l’Ombre de la Lumière et vice versa. Oh bien sur, Père et Mère aimeraient que je sois plus ambitieuse ! Que je cherche à évincer la Grande Prêtresse par exemple ! Trêve de plaisanteries, ils sont bien trop centrés sur Aldéria pour s’ingérer dans ma vie. Brave grande sœur ! Ton excellence rend ma médiocrité acceptable aux yeux de la Société.
Non contente d’être Magistère, elle s’adonne maintenant à l’étude de la magie comme loisir. Son aile de notre demeure se remplit d’artefacts et d’objets arcaniques qu’elle étudie parfois des nuits entières sans dormir une minute. La maison bourdonne délicieusement d’arcanes, et je me demande si Aldéria n’y est pas devenue totalement dépendante. Les amis de la famille, et même certains de ses anciens professeurs trouvent qu’elle a changé depuis l’Académie de magie. Ils trouvent qu’elle a perdu de son agressivité et ses petites tendances à la manipulation, pour n’être plus désormais que pur charisme. Qu’il me soit permis d’avoir un autre avis.
Nous sommes souvent conviées à des diners et des cocktails qui me permettent de multiplier les aventures ; et au cours desquels ma sœur semble se tester. Il m’apparait qu’elle aime entretenir des jeux de séduction avec différents invités, pour les pousser à la confrontation et mettre dans son lit le grand vainqueur. Parfois, il me semble qu’elle guide insidieusement les gens vers leurs cotés sombres, de façon à ce qu’ils se trouvent face à leurs propres démons.
Sa violence -psychologique ou physique- me fait toujours aussi peur. Il y a quelques jours, elle a fouetté elle-même et jusqu’au sang, une petite servante qui a brisé le cristal d’un de ses objets arcaniques en faisant le ménage. Je préfère ne pas voir cette Aldéria là. Voir uniquement celle avec qui s’écoulent les journées que nous passons à nous coiffer ; parler de nos amants, vêtements et doux souvenirs d’enfance.
Si Elisandre avait eu des portraits d'époque, voilà à quoi ils ressembleraient :
Aldéria Sol'Alan
Elisandre Sol'Alan
Elisandre Sol'Alan
Re: Les mémoires oubliées (Aldéria & Elisandre Sol'Alan)
Musique d'ambiance suggérée ICI
Troisième coupure :
Par Elisandre Sol'Alan, 210 ans
Troisième coupure :
Par Elisandre Sol'Alan, 210 ans
Les étendards claquaient doucement dans la brise. Les rayons du Soleil faisaient étinceler les armures et les drapés chatoyants de toute notre armée. Derrière nos lignes les cors de bataille et les tambours faisaient résonner des airs entrainants.
Père et moi-même étions intégrés au corps des Voltigeurs et chasseurs à pieds, en charge de la couverture du flanc droit. Alors que notre formation passait devant les premières lignes, nous avons tous mis le poing droit sur le cœur pour saluer notre Général Sylvanas Coursevent. Je profitais de cet instant pour examiner les soldats alignés devant la grande porte. Avec leurs regards étincelants d’azur, leur port de tête haut et leurs armes apprêtées, certains étaient de véritables statues de courage. A l’inverse, d’autres avaient le regard perdu dans l’horizon et la raideur de l’angoisse se percevait dans leur stature.
C’était le calme avant la bataille. Je crois au pouvoir des mots ; pourtant il me serait impossible de rendre toute la terrible intensité de ce moment. Il existe des choses qui se vivent et ne se racontent pas. Si toutefois je devais essayer de vous expliquer ce moment, je vous dirai alors que c’est une éternité éphémère. Elle vous noue les tripes tant elle est chargée de Bravoure et Terreur pure à la fois.
Enfin, nous étions tous en place ; nos formations se découpaient en de parfaits carrés et rectangles au pied des murs. Les portes se refermaient derrière nous et la tension atteignait subitement son paroxysme. On poussait les verrous ; enfonçait les barres et les madriers à grands coups de maillet. Ils sonnaient dans nos oreilles comme l’annonce du Jugement dernier. Pour ma part, ces coups glaçaient mon sang ; je n’ai pas honte de l’avouer. C’est ainsi que la dernière ouverture vers notre refuge était refermée. Il n’y avait désormais plus que nous et la horde décérébrée dont l’arrivée était annoncée par une fuite d’animaux qui dévalaient le vallon boisé vers nos lignes. Au loin, le grouillement s’intensifiait et le sol commençait à vibrer sous les pas de milliers de cadavres réanimés et avides de balayer nos lignes. Ils étaient là ; sans un cri de guerre, sans un instant d’arrêt pour contempler cette ville qu’ils allaient anéantir, ils se ruaient sur nous.
L’Anéantissement pouvait commencer.
Un cor d’artilleur résonne dans notre dos. Aussitôt, les claquements secs et puissants des balistes lui font écho et les gigantesques carreaux s’envolent en déchirant les cieux pour faire pleuvoir la dévastation dans la marée ennemie. Bientôt, les archers vont entrer en jeu.
« Armez ! »
« Visez ! »
« Feu ! Déchainez l’enfer ! »
Nos nuées de flèches obscurcissent le ciel et retombent sur les premiers agresseurs, déchirant les chairs pourries et couchant un grand nombre d’ennemis. Victoire silencieuse et bien éphémère : les morts vivants ne souffrent pas, ne crient pas, et leur horde couvre désormais tout le vallon à l’horizon.
A la tête des corps de garde, Dame Coursevent, notre général, donne l’ordre de préparer la charge. Nos lignes s’avancent doucement au pas des fantassins qui frappent de leurs armes sur le bouclier, au rythme de leur avancée, produisant le bruit régulier et harmonieux d’une machine de fer. Tous nos cœurs sont chargés d’émotion et de fierté en voyant notre armée si disciplinée et honorable, même au bord de l’abysse. Dix mètres séparent désormais les deux camps.
« En avant ! Chargez Soldats ! Pour Quel’Thalas ! »
A l’ordre, nos premières lignes chargent et chaque soldat engage le combat simultanément en donnant un grand coup de bouclier en avant alors qu’un unique cri monte de toutes les poitrines.
« Bash’a no falor talah ! –Goutez au frisson de la véritable mort-»
Le bruit du choc est une claque ! Elle est suivie de la rumeur grondante de la bataille qui éclate dans nos oreilles comme une bombe. Nous bousculons les premières lignes ennemies et le sang commence à faire rougeoyer l’herbe de la plaine ; l’odeur des corps pourris éventrés empeste immédiatement l’air. A nos flèches, nos boules de feu et nos carreaux, l’ennemi répond par les traits d’ombre, les voiles mortels et des lances de givre.
Le combat s’éternise, je dispense ma Lumière ; mes hymnes à l’espoir tentent de faire oublier quelques instants la fatigue, la peur, l’ennemi cent fois plus nombreux que nous, et qu’inexorablement, nous cédons du terrain. La puissance du Fléau ne réside pas dans la valeur individuelle, ni même dans le nombre de ses guerriers. Mais surtout dans leur incroyable facilité à inspirer la Terreur. Non seulement du fait de leur aspect, mais surtout par leur cruauté et leur caractère implacable. Et celui qui est à leur tête aujourd’hui, Arthas Menethil, à très bien compris tout ca.
Les morts vivants escaladent les corps qui jonchent le sol et nous poussent lentement mais surement dos au rempart, plus loin de la porte. Nos soldats serrent les rangs sous les attaques, ce qui les gêne dans leurs mouvements. Pourtant, nous ne faiblissons pas. Je vois la lame de Père qui vole, danse, tranche, feinte et pare sans relâche avec une agilité féline. Je ne l’imaginais pas si bon combattant. Nous essayons d’organiser des rotations dans nos rangs, pour renouveler les premières lignes avec des combattants frais. Mais ce n’est pas facile. Voilà un moment que notre artillerie et nos archers se sont tus par épuisement des munitions. Nous sommes de moins en moins nombreux et exténués. La bataille ne peut plus être gagnée. Le cri de Dame Sylvanas perce soudain le grondement de la guerre :
« Ils forcent la grande porte ! »
Horreur ! Nos lignes ont été bousculées sur les flancs et tout ce que l’armée ennemie compte d’épées, de haches, de crochets de boucherie, d’ongles, de mains et d’épaules heurte le chêne clouté de la grande porte. Nous tentons de charger pour les dégager de l’entrée de la cité. Malgré notre rage désespérée nous échouons et maintenant, la défaite est une certitude qui n’échappe à personne.
« Je suis désolé que nous n’ayons pas pu faire mieux aujourd’hui. Mourrons en emportant le plus de ces monstres ! Portons haut l’honneur de notre bannière et de notre maison ! »
Mon père rallie ses camarades et ses gens, et ensemble, tous se lancent au milieu de la masse grouillante, épées au clair.
« Père ! »
Par attachement, sans quête de gloire posthume, je commence à me lancer à leur suite dans la masse qui les a engloutit sans même comprendre que je vais à une mort certaine. En sens inverse, je vois certains de nos soldats fuir en abandonnant casque, épée et bouclier. C’est alors que le coup a durement frappé l’arrière de mon crâne. Mes yeux se ferment et alors que je tombe en avant, je suis rattrapée par des bras solides et j’aperçois le visage d’Enderiel. Il est l’officier en second en charge du bataillon, et un vieil ami de mon père.
« Je vous présente mes plus confuses excuses ; Mais je ne puis vous laisser faire ca mademoiselle Sol’Alan. Vous êtes trop chère à mon cœur. »
Je sens à peine qu’on m’attrape par les épaules et qu’on me traine en arrière ; je perd connaissance et sombre dans un monde de cauchemars.
Je suis réveillée par toutes les douleurs de mon corps et par un ballotement léger. Lentement, je retrouve mes esprits et rassemble ma volonté pour chasser les images des cauchemars et la douleur. Je quitte doucement et maladroitement le réduit dans lequel je suis allongé. Je pousse un rideau et je me retrouve dans une coursive. Où diable suis-je ? Heureusement, je ne tarde pas à croiser un soldat dans un uniforme couvert de sang et de débris encore plus ignobles. Je lui demande ce que nous faisons là. J’apprends qu’il est un des soldats à qui Enderiel a confié la mission de me sauver la vie alors que lui, suivait mon père dans la mort. Nous avons réussit à atteindre le mouillage des Voiles du Soleil, et à embarquer sur l’Hélios avec d’autres survivants.
Pauvre Enderiel. C’était quelqu’un d’admirable. Certes, il ne pouvait pas prétendre à la pureté du sang des Sol’Alan, mais sa bravoure n’avait d’égal que sa loyauté et sa gentillesse. Au fil du temps, il était devenu mon chevalier servant ; je ne m’étais jamais douté qu’il pouvait m’aimer. Je m’en veux de l’avoir surement fait souffrir en ne lui cachant pas ma vie de luxure. Je m’étais attachée à lui. Hélas, ce n’est pas le seul elfe de valeur à être tombé cet après midi. Sylvanas serait tombé de la main même d’Arthas. Les même rumeurs disent aussi qu’il lui a refusé une fin honorable pour la punir de notre résistance et qu’elle a été relevée.
Je ne dois pas encore mesurer l’étendue de notre anéantissement. Je n’ai certes pas vu la fin du massacre, mais je ne me fais pas d’illusions sur le sort de la population enfermée dans la ville.
Toute ma famille est perdue, je suis remplie d’une indicible tristesse. Aldéria, ma sœur, es-tu morte toi aussi ? Non ! Je ne veux pas y croire, je refuse ! Certains racontent qu’un groupe de mages emprisonnés dans une tour des remparts à réussit à duper l’ennemi et à s’enfuir avec une incantation de chute lente. Je veux croire que tu fais partie de ceux là.
Aldéria, où que tu sois, je pense fort à toi ma grande sœur. Je prie pour ton salut et je chéris le moment où il me sera donné de te revoir.
Je jure de ne jamais t’abandonner, de te suivre partout et à travers la mort elle-même s’il le faut.
Dernière édition par Elisandre Sol'Alan le Mer 19 Oct 2011, 22:07, édité 1 fois
Elisandre Sol'Alan
Re: Les mémoires oubliées (Aldéria & Elisandre Sol'Alan)
Quatrième coupure,
Par Elisandre Sol'Alan, 210 ans :
Par Elisandre Sol'Alan, 210 ans :
Je me souviens que le vaisseau semblait se retenir à la chaîne de son ancre comme s’il craignait d’être dévoré par les Ténèbres alentour. Le ciel obstrué de nuages ne laissait pas passer la lumière de la lune ; l’océan était d’un noir d’encre et je pouvais à peine distinguer la crête blanchâtre des vagues qui venaient heurter la muraille de l’Hélios.
Le lieutenant de vaisseau, à qui revenait la place vacante de capitaine, avait interdit toute lumière sur le pont dans le but évident d’éviter d’attirer l’attention de l’ennemi. Une décision triviale ; j’étais presque seule sur le pont pendant les heures que j’y ai passées ce soir là. Une lumière venait crever cet univers de Ténèbres dans le lointain. Pour autant que je m’en souvienne, elle n’était pas réconfortante. C’était l’incendie de la capitale, dont une partie avait sûrement pris feu au cours du massacre par le Fléau de la population livrée à son sort terrible.
Mon corps était encore laminé de fatigue et de blessures ; je me cramponnais au bastingage alors que mon esprit, quant à lui, allait et venait sans cesse entre les pensées pour nos morts et nos pertes, et la joie d’être moi-même en vie et momentanément hors de danger.
Alors que je repense à cette nuit là, je ressens l’impression d’avoir vécu un cauchemar. A la différence que le lendemain, à mon réveil, tout ne serait pas terminé. Loin de là.
Depuis les premières lueurs du jour, l’Hélios avance à la bonne vitesse de huit nœuds par vent de près, se rapprochant des côtes dans l’espoir de repérer et recueillir des survivants à bord. Alors que nous longeons la côte ouest et les collines qui bordent le littoral, la vigie signale un groupe de survivants engagé contre quelques morts-vivant sur le sommet d’une colline côtière au nord de là. Notre officier décide de leur porter assistance et les ordres fusent.
« Réduisez la toile ! »
« Manœuvrier, abattez de vingt degrés ! »
« Mettez l’artillerie en batterie et préparez une chaloupe ! »
L’activité explose soudain sur la frégate qui répond toute entière aux ordres. Les balistes sont tirées et mises en batterie sur le flanc tribord, bientôt prêtes à ouvrir le feu ; dans les hunes, les gabiers s’emploient à réduire la voilure pour que l’Hélios puisse mettre sa chaloupe à la mer et récupérer les survivants. Les soldats remontent des ponts inférieurs pour s’aligner sur le passavant. Il y a tous les uniformes, tous les corps d’armée. Je reconnais pêle-mêle des survivants du 3ème bataillon de chasseurs à pieds et d’ex-cavaliers du 6ème Pérégrins-légers… Tous sont durement éprouvés mais paraissent déterminés.
Le navire continue à se rapprocher de la côte qui semble terriblement proche. Alors que le matelot qui sonde le fond sur le gaillard avant annonce des profondeurs de plus en plus minimes je sens l’angoisse monter. Elle commence à nouer le ventre de tout le monde, plus personne ne parle.
« Cinq brasses lieutenant ! »
« Quatre brasses et demi lieutenant ! »
J’imagine les récifs qui doivent défiler en ce moment sous la quille renforcée de cuivre de l’Hélios, prêts à lui ouvrir le ventre, l’échouant et nous laissant à la merci de l’ennemi. Notre lieutenant est calme, le décompte de la profondeur lui semble futile. On raconte à bord qu’il a été enseigne de vaisseau sur un navire de ligne de second rang de la flotte Tirasienne ; qu’il est donc extrêmement compétent. Quoi qu’il en soit, as ou médiocre, nous n’avons pas d’autres choix que mettre nos vies entre ses mains.
« Trois brasses soixante quinze monsieur ! » La voix du matelot tremble. Il est livide.
« La barre à trente degrés. » Notre lieutenant fait enfin redresser le navire.
« A trente degrés la barre ! » Le manœuvrier vient d’exécuter. L’Hélios, maintenant parallèle à la côte, coure sur son erre doucement, se préparant à offrir une parfaite position de tir pour son artillerie. Nous regardons la côte défiler lentement en face de nous, en attendant l’ordre qui soulagera nos cœurs de l’angoisse de l’attente.
« Feu à volonté ! » Ca y est ! L’ordre est donné alors que nous venons de doubler le dernier promontoire qui masquait la scène de bataille.
Les carreaux de nos balistes de bord sont renforcés de runes explosives et incendiaires. Ils tombent avec une précision redoutable sur les trainards du Fléau qui font le siège de la petite colline où sont réfugiés les survivants dont les défenses semblent sur le point de rompre. Ils poussent des vivats et se précipitent en bas de la colline alors que notre artillerie leur ouvre le passage en pulvérisant les assiégeants. La chaloupe de l’Hélios est déjà à la mer et ses rameurs commencent la nage dynamique qui porte vite l’embarcation jusqu’à la grève. L’enthousiasme est à son comble lorsque la chaloupe emporte le groupe de mages survivants pour le retour à bord.
Hélas il retombe aussitôt alors que des créatures qui semblent être ni plus ni moins que des griffons squelettes jaillissent des crêtes environnantes et fondent sur notre frégate, accompagnés au sol d’un bataillon complet de morts vivants. Les griffons chevauchés de soldats squelettes plongent et tournoient à grande vitesse autour du gréement. Leurs cavaliers tranchent les drisses et lancent des crochets autour des mats en semblant viser celui tendu comme un bras horizontal à l’avant de l’Hélios. Je ne connais rien à la marine, mais je comprends vite aux cris des marins, que si le Fléau parvient à détruire le mat de beaupré, notre frégate ne sera plus manœuvrable et deviendra une proie facile.
Nous tentons de les repousser à coup de flèches et de les emprisonner dans des filets lancés depuis les balistes ou bien tendus entre les mats par les gabiers. Nombre d’entre eux, les yeux brulés par les embruns salés portés par les rafales de vent du nord, et la peur au ventre, se font emporter ou percuter par les griffons et s’écrasent à la mer ou sur le pont. Nous parvenons finalement à les repousser et à réintégrer les survivants et l’équipage de la chaloupe à bord. L’infanterie ennemie est sur la grève. Nous pensant hors d’atteinte, nous n’avons pas commencé de manœuvres de départ pour limiter l’exposition des voiles et augmenter la stabilité de tir de l’artillerie de bord. Mais nous voyons avec horreur que de nombreux soldats du Fléau parviennent à nous en flottant, portés par les gaz de décomposition de leurs corps, ou, chose inconcevable, en gelant partiellement la mer entre la grève et le navire !
«Faîtes donner de la toile, et en vitesse ! »
« Barre à deux cents degrés ! »
La frégate réagit à merveille aux sollicitations de son équipage et le vent s’engouffre dans les voiles, commençant à emporter le vaisseau hors de la baie au sud de l’académie de Falthrien. C’est justement dans cette zone que la vigie signale un nouveau danger. L’ennemi à disposé des machines de guerre à la pointe sud, cherchant à interdire le passage du cap au navire. Les premiers tonneaux de peste s’écrasent à la surface de la mer à un quart de mille devant la proue et sèment la peur dans l’équipage. L’officier de bord donne alors un ordre follement téméraire.
« Manœuvrier, lofez de soixante dix degrés. »
« Cap corrigé lieutenant ! » Contre toute attente, notre bâtiment vire et vient prendre une allure bon plein, plaçant du même coup sa proue dans l’axe des catapultes ennemies.
« Chargez le trente deux livres ! » L’ordre est relayé par les chefs de pièces et des artilleurs viennent s’affairer en hâte autour de l’unique canon de la frégate, une pièce de chasse de trente deux livres toute droit sortie des arsenaux de Forgefer, et montée sur le gaillard d’avant.
Le tonnerre du coup de départ de la pièce de chasse roule sur la mer et la chute du boulet provoque une immense gerbe d’eau et de vapeur devant la pointe terrestre tenue par les catapultes ennemies. Ces dernières ont un coup d’avance et on pu ajuster leur tir. De nouveaux barils de peste s’envolent et l’un d’eux éclate contre la muraille bâbord arrière de l’Hélios. Fort heureusement, le vent du nord disperse les immondes vapeurs loin du pont. Le chef de pièce règle sa pièce avec soin, ajuste la hausse et la dérive avant de donner l’ordre de tir. Le coup de canon fait vibrer le pont ; le tir porte au but et un immense fracas retentit au loin alors que le boulet brise l’artillerie ennemie.
L’Hélios donne toute sa voilure et double le cap, le pont retentissant des hourras suscités par ce petit triomphe ; Minuscule goutte dans un océan de malheurs passés et à venir.
Elisandre Sol'Alan
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